Interview. Diane Toffoun : « Le chef de l’Etat veut faire du Bénin une destination touristique »

Jeudi 9 Mai 2024 - 14:15

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Coordonnatrice du programme FormArchives de l’École du patrimoine africain (EPA) de Porto-Novo, au Bénin, la chargée de programme médiation, pôle Musées, Diane Toffouna participé au lancement du « Programme de coopération 2024-2028 » du Musée royal d’Afrique centrale (MRAC) avec la République démocratique du Congo (RDC). Dans cet entretien accordé au Courrier de Kinshasa à la fin de l’atelier tenu du 24 au 26 avril, elle met en lumière l’institution internationale à vocation panafricaine.

Diane Toffoun, coordonnatrice du programme FormArchives de l'EPA/AdiacLe Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Membre de la délégation de l’AfricaMuseum participant au lancement de son « Programme de coopération 2024-2028 » avec la RDC, il semble que vous n’êtes pourtant pas dans le rang de ses scientifiques …

Diane Toffoun (D.T.) : En effet, je viens du Bénin, précisément de Porto-Novo, où je travaille à l’EPA, une institution internationale à vocation panafricaine spécialisée dans la conservation et la médiation du patrimoine culturel et naturel. Je suis à Kinshasa sur invitation du MRAC, dans le cadre de son programme de coopération avec la RDC. Ma présence ici est en rapport avec la coopération muséale car, depuis près de quinze ans, nous mettons en place des programmes de formation pour les archivistes, bibliothécaires et les personnes qui gèrent les centres de documentation; que ce soit ici en RDC, mais aussi au Rwanda et au Burundi.

L.C.K. : Dans le cadre du nouveau programme de coopération, où se situe votre apport et avec qui travaillez-vous excatement  ?

D.T.  : Le programme actuel aura pour base quatre volets, toujours au niveau des archives. En premier, c’est le programme FormArchives, le deuxième appelé ImmArch, immersion dans les archives pour les doctorants en sciences humaines qui ont besoin de consulter des documents en histoire afin d'avancer dans les recherches de leur thèse. Et, il y a deux nouveaux destinés à la gestion des réserves: l’organisation des collections en réserve pour leur meilleure survie et la recherche de provenance de tous les objets manquants. En plein dans les questions de restitution actuelles, on les lie beaucoup à celles de recherche de provenance. Les cibles, ce sont généralement les professionnels des archives mais aussi les responsables de collections, appelés régisseurs, ceux qui travaillent dans les centres de documentation et, pour les questions de provenance, nous irons maintenant vers les jeunes chercheurs qui travaillent sur ces thématiques-là dans les musées.     

L.C.K. : Les questions muséales et de restitution sont abordées avec beaucoup de sérieux au Bénin, les avancées notables donnent l’impression que tout se passe de manière naturelle. Pourriez-vous nous en dire un mot  ?

D.T.  : Je ne dirai pas que ce soit si naturel, c’est peut-être beaucoup plus lié à une volonté politique, un engagement pris par nos dirigeants actuels. Ils ont voulu faire du patrimoine culturel, des questions des musées, des sujets importants de développement touristique. Le chef de l’Etat actuel veut faire du Bénin une destination touristique, c’est un fort potentiel pour amorcer le développement du pays. Aussi investit-il beaucoup sur la construction de nouveaux équipements muséaux. En ce moment, nous travaillons énormément à la cité musée, à Ouidah, au centre de laquelle nous avons la Mame, la Maison de la mémoire et de l’esclavage qui devrait ouvrir ses portes cette année. Et, à Abomey, il y a le projet du Murad, le Musée des rois et des amazones du Danxomè à Porto-Novo, il sera dédié au vaudou (Vodun), c’est le musée international du Vodun/Orisha, orisha qui veut dire vaudou en yoruba, une langue de chez nous. A Cotonou, nous aurons notre Musée d’art contemporain, également en projet. Il existe une réelle volonté, un engagement politique pour que ce secteur connaisse un essor pour ne pas dépendre que des aides financières extérieures. C’est vrai que plusieurs partenaires sont engagés avec nous, notamment la France, mais l’impulsion est vraiment partie du chef de l’Etat qui tient à tous ces projets. Evidemment, il a commencé sur les questions de restitution, il y est revenu dès sa prise de fonction au premier mandat. Il a réclamé fortement les œuvres spoliées parties en France. Il y a eu énormément d’échanges autour de ces vingt-six œuvres que nous avons finalement reçues. Cela a vraiment amorcé cette question et manifesté le désir de voir les musées auprès de la population; pourvu qu’on leur offre ce qu’il faut, que l’on suscite leur intérêt. L’exposition des vingt-six œuvres au Palais de la Marina, le palais de la présidence, a reçu énormément de visiteurs. L’on a senti que la population en veut bien, pourvu qu’on lui donne à voir.

L.C.K. : Existe-t-il une antenne de l’EPA en RDC ?

D.T.  : Il n’existe pas d’antenne en RDC mais nous nous appuyons beaucoup plus sur les institutions en place, parce que de Porto-Novo, nous ne pouvons que compter sur les forces en présence. Nous gardons beaucoup de bons contacts avec les personnes qui sont passées dans nos formations à l’EPA. Elles constituent un peu notre réseau de professionnels. Nous en avons dans chacun des pays que couvre l’EPA, il s’agit à la base de vingt-six pays francophones et lusophones de l’Afrique subsaharienne. Maintenant que l’Union africaine nous a conféré une vocation panafricaine, nous devrions couvrir tout le continent. Pour le moment, les professionnels qui sont passés par nos formations à l’EPA jouent le rôle d’antenne dans leurs pays. Nous nous appuyons sur eux pour mener nos activités.

L.C.K. : Pourriez-vous nous parler de la structuration des formations de l’EPA  ?

D.T.  : FormArchives, par exemple, est structuré à partir d’un appel à candidatures destiné à toutes les personnes chargées des archives au niveau des instituts d’archives, des bibliothèques et de toutes sortes d’institutions, universités, banques, etc. Elles peuvent postuler pour bénéficier d’une bourse de formation qui comprend une première phase de formation intensive en ligne. Ensuite, est organisée une formation très intensive en présentiel à Porto-Novo pendant six semaines qui demande de l’attention et de l’énergie, parce que nous faisons beaucoup de travaux pratiques. Nous faisons en sorte de tirer le meilleur des participants. Ainsi, lors des évaluations qui s’ensuivent, nous sélectionnons les quatre meilleurs pour un suivi plus renforcé de trois mois en Belgique, à l’AfricaMuseum. Nous avons déjà réalisé trois éditions avec ce programme spécifique et nous allons continuer dans ce sens.

L.C.K. : A quelle fréquence organisez-vous les FormArchives ?

D.T.  : En principe, nous le faisons tous les deux ans. Nous le faisions ainsi depuis 2012 jusqu’au moment du covid où nous avions tout arrêté. Comme nous reprenons, avec le nouveau programme de coopération, étant donné que c’est sur la base d’accords à renouveler, nous allons relancer ces activités incessamment. Je ne peux pas encore avancer de date parce que nous devons en discuter avec nos partenaires du Musée royal. Au moment opportun, nous publierons les documents qu’il faut pour informer les professionnels ciblés.

L.C.K. : Quelle responsabilité Diane Toffoun assume-t-elle à FormArchives ?

D.T.  : C’est moi qui assure la coordination de ses activités au niveau de l’EPA à Porto-Novo. Je suis le répondant pour l’organisation de toute la logistique mais aussi la programmation des enseignements.

 

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Diane Toffoun, coordonnatrice du programme FormArchives de l'EPA/Adiac

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