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Les leçons d’un drame

Lundi 12 Janvier 2015 - 10:00

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Le deuil national qui a suivi, en France, la tuerie de Charlie Hebdo étant terminé, le temps est venu de tirer les leçons d’un drame qui dépasse les frontières de l’Hexagone et concerne toutes les démocraties de par le vaste  monde. Ces leçons, vues par les simples observateurs que nous sommes, peuvent se résumer en cinq points que voici.

Première leçon : les tueurs proviennent des banlieues des grandes cités françaises dont certaines sont devenues ces dernières années des zones de non droit où prolifèrent les trafics en tout genre. Ils appartiennent à une génération sacrifiée dont plus de la moitié ne travaille pas, n’est pas éduquée et sombre, pour survivre, dans la délinquance. Ils constituent une cible idéale pour les groupuscules fanatiques que les conflits en Afrique du nord, au Proche et au Moyen-Orient ont générés ces dernières années. Si la France et les pays qui l’entourent veulent lutter efficacement contre les dérives dont ils sont et seront de plus en plus victimes, ils doivent s’attaquer à la racine du mal et donc mettre en place un plan de rénovation des quartiers excentrés de leurs grandes cités qui redonne espoir aux jeunes qui s’y trouvent enfermés contre leur gré.

Deuxième leçon : le mode opératoire des tueurs est soigneusement calculé en fonction des crimes qu’ils s’apprêtent à commettre. Il montre que la guerre dite « asymétrique » où l’on voit de petits groupes bien entraînés et fortement armés mener des actions spectaculaires sans que les forces classiques des grandes puissances, police et gendarmerie mêlées, ne puissent rien faire pour les empêcher, va gagner en intensité dans les mois et les années à venir. Comme on l’a vu lors de la longue traque des meurtriers de la rédaction de « Charlie Hebdo », le déploiement d’unités lourdement armées que suivent pas à pas les caméras des grands médias audiovisuels n’a aucune chance de prévenir, ou de mettre fin à ces exactions. Il aggrave le mal au lieu de le combattre en lui donnant une publicité planétaire et ne peut qu’inciter les extrémistes à multiplier leurs actions.

Troisième leçon : même si les criminels sont citoyens des pays où ils commettent ces attentats, leur engagement est la conséquence directe des erreurs commises par les États et les gouvernements occidentaux depuis près d’un demi-siècle en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient. Enfants de l’immigration, le plus souvent petits délinquants des quartiers défavorisés, ils ont connu souvent la prison pendant plusieurs mois pour des délits mineurs et s’y sont radicalisés. Endoctrinés par des extrémistes en tout genre qui usent de la religion comme d’une arme pour combattre les forces des grandes puissances en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Mali et maintenant en Libye, ils font planer un danger majeur sur les sociétés riches. Au-delà donc des mesures prises en France et ailleurs pour les empêcher de nuire, la clé du problème se trouve là où les puissances occidentales ont commis et commettent toujours l’erreur de s’engager sous différents prétextes.

Quatrième leçon, déjà énoncée ici même à plusieurs reprises : ni la France, ni ses partenaires occidentaux ne parviendront à éradiquer le mal auquel ils s’attaquent et qui gagne désormais leur propre territoire s’ils n’écoutent pas les conseils qui leur sont prodigués par les pays africains et arabes. Nous en avons une preuve accablante avec l’Afghanistan que les pays occidentaux viennent de laisser tomber sans ménagement après dix longues années d’actions militaires et autres qui n’ont résolu aucun problème. Si la France se trouve aujourd’hui contrainte de déployer des unités dans le nord du Sahel, à proximité immédiate de la Libye, c’est parce qu’elle n’a pas compris, ou pas voulu entendre, les messages que lui adressaient les dirigeants africains. Et elle le paiera au prix fort, jusques et y compris sur son propre territoire.

Cinquième leçon : étant donné que la violence, qu’elle soit religieuse ou politique, prolifère sur la pauvreté et la misère, tout spécialement en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, la clé de la crise que nous vivons est celle du développement durable. C’est lui, en effet, et lui seul qui permettra d’élever le niveau de vie des populations jusqu’au point où la société tout entière se mobilisera pour empêcher la violence, le fanatisme, l’extrémisme sous toutes ses formes. Et bien entendu, il incombe aux nations riches de l’hémisphère nord, qui édifièrent dans les siècles antérieurs leur prospérité présente sur l’exploitation des peuples du Sud, de réparer leurs fautes passées en apportant à ceux-ci les moyens humains, matériels, techniques, financiers qui leur permettront de lutter efficacement contre la violence inhérente aux sociétés humaines.

Sans doute est-il plus facile, dans un tel contexte, de dire que de faire, mais la France serait sage d’écouter les dirigeants des pays amis qui lui parlent. Elle éviterait certainement bien des désagréments dans le futur proche.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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