Opinion

  • Réflexion

L’exploitation de l’homme par l’homme, encore et toujours !

Samedi 23 Janvier 2016 - 12:17

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Le rapport que vient de publier Amnesty International sur les conditions dans lesquelles sont gérées les mines de cobalt en République démocratique du Congo démontre de façon accablante que l’exploitation de l’homme par l’homme, loin de cesser ou au moins de s’atténuer avec l’avènement du troisième millénaire comme  on pouvait l’espérer, s’aggrave au fil du temps dans l’indifférence générale (1).

Cette exploitation est d’autant plus terrible que ni l’État, ni les administrations concernées, ni les entreprises industrielles lancées à corps perdu dans la course au profit, ni la communauté internationale, ni même les simples citoyens que nous sommes ne se préoccupent du sort des centaines de milliers d’enfants utilisés comme esclaves pour extraire du sol les matériaux rares nécessaires pour produire les batteries de lithium qui permettent à nos téléphones mobiles, à nos tablettes, à nos ordinateurs, à nos voitures aussi de fonctionner.

Ainsi, de la même façon que les sinistres « fonds vautours » de la finance internationale ruinaient hier les pays émergents, retardant d’autant leur accession au développement durable, de la même façon les compagnies industrielles qui tiennent le haut du pavé comme Samsung, Apple, Sony, Daimler, Volkswagen et autres leaders des nouvelles technologies s’enrichissent sur la misère, quand ce n’est pas le martyre, des populations jeunes de cette partie du monde.

À travers le rapport sans concession d’Amnesty International l’on découvre – ou plutôt l’on redécouvre – que ce sont bien les enfants, filles et garçons, qui sont les premières victimes de la mise en valeur des gisements de matériaux rares. Et ce terrible constat nous ramène près de deux siècles en arrière lorsqu’en Europe, aux Etats-Unis, en Russie le servage, érigé en loi implacable du plus fort, enrichissait les classes supérieures des pays riches tout en condamnant à mort leurs enfants avant même que ceux-ci ne parviennent à l’âge adulte.

Le plus terrible, dans cette affaire, est que la tragédie dénoncée par Amnesty International se déroule au vu et au su de tout le monde sans que personne ne bouge. Le rapport de cette organisation non gouvernementale n’est, en effet, pas le premier qui épingle le comportement des entreprises industrielles agissant à l’échelle planétaire dans le mépris le plus complet de la vie humaine. Il a été précédé de nombreuses enquêtes menées ces dernières années par différentes institutions, mais dont aucune n’a débouché sur un  changement des pratiques criminelles qu’elles mettaient en évidence. Preuve s’il en fallait une que le vingt-et-unième siècle dont nous vivons les premières décennies n’est pas plus humain que ceux qui l’ont précédé.

Croire qu’un tel système d’asservissement pourra indéfiniment se poursuivre sans provoquer un séisme social est une erreur grave. Tôt ou tard, comme cela s’est produit en Europe et en Russie avec les révolutions qui marquèrent les deux siècles précédents, avec l’avènement du marxisme puis du communisme, avec les terribles guerres qui opposèrent les grandes puissances de l’hémisphère nord des mouvements populaires se produiront que ni les Etats, ni la communauté internationale ne se montreront capables d’endiguer. Parce que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, l’Histoire se répètera ici comme ailleurs.

Mieux vaudrait le comprendre avant qu’elle se mette à bégayer.

 

  1.  Amnesty International : « Le travail des enfants derrière la production de smartphones et de voitures électriques ». www.amnesty.org
Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles