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Quelle politique étrangère pour le Congo ?

Lundi 28 Mars 2016 - 18:48

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Il ne revient assurément pas à de simples journalistes de dire ce que devrait faire, ou ne pas faire le président que les Congolais viennent de reconduire dans ses hautes fonctions. Mais une observation attentive des réalités du temps présent et des changements en cours dans la sphère internationale les autorisent à formuler quelques réflexions sur le sujet. Des réflexions qui peuvent choquer certains même si elles sont formulées sans passion, ce que je prie les intéressés de m’excuser par avance.

Première réflexion. Le Congo a désormais toutes les cartes en mains pour s’imposer comme l’un des interlocuteurs privilégiés du continent africain : stabilité intérieure, programme de développement ambitieux, volonté affirmée de gagner la bataille du niveau de vie, etc. ; encore faut-il qu’il se décide à poser ces cartes sur la table, puis à les déplacer en fonction des évènements et de ses intérêts. Quelles que soient les critiques dont il est l’objet de la part de grands médias étrangers qui ne connaissent guère les réalités africaines et d’organisations diverses qui n’ont pas réussi à empêcher sa réélection, Denis Sassou N’Guesso exercera les plus hautes fonctions de l’Etat pendant les cinq années à venir. Cette perspective, jointe à sa connaissance des questions stratégiques, à sa longue expérience du pouvoir, à sa maîtrise de la prévention comme de la gestion des crises lui confèrent une place à part dans la sphère africaine. Ses détracteurs les plus acharnés en conviendront tôt ou tard.

Deuxième réflexion. Le Congo a encore de grands progrès à accomplir s’il veut être entendu et respecté au sein de la communauté internationale. Même si, depuis quelques mois, il réagit dans délai et de façon intelligente aux attaques récurrentes dont il est l’objet le retard accumulé depuis quinze ans dans ce domaine est accablant. Si son nouveau gouvernement, qui n’est pas encore constitué, veut que sa politique en matière de développement, de formation des hommes, de protection de la santé, d’émergence d’une classe moyenne dynamique et ambitieuse, de mise en valeur des ressources naturelles, d’intégration régionale, de lutte pour la préservation de la nature et des espèces animales soit comprise et  soutenue il devra mettre en place des structures adaptées à ses ambitions. Et, de ce point de vue, la combinaison subtile de l’action diplomatique, de l’information diffusée par ses propres médias, de la communication via les technologies les plus modernes, du lobbying aussi apparait indispensable.

Troisième réflexion. Dans le monde très ouvert où nous vivons les nations se font de moins en moins entendre par les canaux de la diplomatie classique et de plus en plus par ceux de la société civile. La littérature, l’art, la musique, la danse, le sport, la mode, la création sous toutes ses formes sont infiniment plus efficaces que les visites d’Etat à Etat ou les grandes conférences internationales. Bien sûr la présence du Congo est indispensable sur la scène publique planétaire, mais si elle s’accompagne d’une mise en avant mondiale et systématique de la créativité des Congolais et des Congolaises elle ne peut que s’imposer très vite comme l’un des pays émergents les plus doués et donc les plus dignes d’intérêts. La leçon inaugurale d’Alain Mabanckou au Collège de France en a donné récemment une preuve irréfutable ; même si elle s’est accompagnée de propos déplacés contre le ministre de l’ « inculture » qui était retenu en d’autres lieux par ses fonctions elle a montré à quel point la littérature est aujourd’hui une arme majeure pour un pays en voie d’émergence

Quatrième et dernière réflexion. Le Congo détient un capital dont il n’a fait jusqu’à présent qu’un très modeste usage au plan diplomatique, mais qui pourrait attirer vers lui des millions de visiteurs et susciter l’intérêt de nombreux partenaires internationaux s’il était correctement mis en valeur. Ce capital est constitué par des fleuves – le Congo, l’Oubangui –, des rivières, des lacs, des forêts, des plaines verdoyantes, des collines, des montagnes, des plages, des réserves d’animaux demeurées intactes malgré la création des grandes infrastructures qui ont marqué les dix dernières années. Il suffit pour s’en convaincre de prendre la route, depuis Brazzaville, vers Ouesso ou  Pointe-Noire pour comprendre que la mise en valeur touristique de cet actif aurait des effets majeurs sur le développement de l’économie congolaise ; mais aussi que sa mise en scène au plan mondial projetterait du Congo une image radicalement différente de celle qui est aujourd’hui véhiculée de différentes façons et dont l’axe principal serait la préservation de la nature, le maintien des traditions, l’entretien du capital naturel et humain accumulé depuis des millénaires.

Arrêtons-nous là, du moins pour l’instant, et concluons ce propos en disant que peu de pays en Afrique, voire même dans le monde, ont aujourd’hui de tels moyens à leur disposition. Si nous savons les utiliser de façon raisonnable dans les années à venir le Congo figurera très vite en bonne place dans la liste des pays qui ont un avenir assuré, avec lesquels par conséquent  il convient d’entretenir des relations aussi étroites que fructueuses.

Les semaines à venir diront si cet avis est partagé ou s’il relève simplement du rêve, de l’utopie.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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