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Propos sur la musique congolaise

Vendredi 18 Avril 2014 - 0:04

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En cette année 2014, Paul Kamba aurait 102 ans. Il était né le 12 novembre 1912. Lorsqu’il meurt le 19 mars 1950, le Pool Malebo est en deuil.

Une étoile s’éteignait. Elle avait illuminé de toute sa classe la scène musicale congolaise des « villes miroirs », selon l’expression de Gondola. Léopoldville et Brazzaville sont les deux mamelles nourricières de cette musique qui porte très loin les échos du bassin du fleuve Congo, non point des larmes et des convulsions, mais de la vie qu’elle incarne. « Écouter la musique d’un peuple, c’est écouter son cœur qui bat. » Son cœur battait justement au rythme des pulsations mélodiques et rythmiques de Paul Kamba, véritable idole de son époque. De son décès, Brazzaville assommée, déboussolée, eut du mal à se remettre.

La nature a horreur du vide. C’est l’orchestre de Marie-Isidore Diaboua qui va combler le vide abyssal laissé par Paul Kamba. Le CDJ (Compagnons de la joie) naît dans la nuit de la Saint-Sylvestre, entre le 31 décembre 1951 et le 1er janvier 1952, sur les cendres du ballet Kongo Dia Ntotila. Outre Isidore Diaboua, dit Lièvre rusé, le groupe se compose de Liberlin de Shoriba Diop, Pela Lamotha, Jean-Serge Essous, Jonquista, Beaufort Loubelo, Pandi Saturnin, Tcho, Samba David, Charly Ivorra (Européen, accordéoniste), Angèle Moussounda (danseuse), Madeleine Nzoumba et Geneviève, très proches des CDJ. Dans ce groupe, Essous est à la flûte. Quelque temps après, il se met à la clarinette, à l’initiative de Lièvre qui en obtient une auprès de Raphaël Kakou, futur compositeur de l’hymne des premiers Jeux africains de Brazzaville en 1965.

La naissance des CDJ est un tournant dans l’évolution de la musique congolaise. Ses transfuges vont contribuer à l’épanouissement de l’art d’Orphée sur les rives du fleuve Congo. Le premier moment de cette évolution est la création, en 1954, au bar dancing Mon Pays (Pâtisserie Sélé, actuellement) de l’orchestre Négro Jazz par un noyau originel composé de Joseph Kaba et Nino Malapet (guitares), Bienvenu Beniamino et Ganga Edo (chanteurs), Dumond (saxo) et Lièvre (percussions). Le groupe s’installe ensuite chez Faignond et recrute d’autres musiciens : Yengo Bruno, guitariste et compositeur prolixe, Boup Ousseinou dit « professeur des professeurs » (guitariste), Emmanuel Galiba (maracas), Bernardin Bara (bassiste), Samba Théophile (batteur), Michel Makouala « Zazou », Célestin Kouka et enfin Jean-Serge Essous. Guy-Léon Fylla remplace Joseph Kaba en qualité de chef d’orchestre. C’est ce dernier qui a initié Nino Malapet à la guitare. C’est après qu’il se met au saxo, son instrument de prédilection, dans la suite de sa carrière musicale ; de son côté, Essous, flûtiste puis clarinettiste, se mettra au saxo au début des années 1960. Ensemble, ils formeront « Les Meilleurs Sax d’Afrique », un duo historique brillant.

En 1955, le Négro Jazz est retenu, chez Faignond, pour faire la première partie d’un concert de Kabasele, déjà monstre sacré de la scène musicale congolaise. C’est un véritable baptême du feu pour le jeune orchestre. Malgré le trac qui les paralyse, les musiciens du Négro Jazz démarrent par un slow puis enchaînent sur une chanson à la gloire des reines de beauté de toutes les associations féminines présentes au concert, dont La Violette de Georgine Saba, madame Faignond. C’est l’apothéose. Une semaine après, à l’occasion d’un autre concert jumelé African Jazz et Négro Jazz, Bowane, qui accompagne l’orchestre de Kabasele, découvre le groupe brazzavillois et décide de l’emmener à Léopoldville. Un autre moment fort de l’histoire de la musique du Pool Malebo. De l’éclatement du Négro Jazz à Léopoldville naîtront l’OK Jazz, Le Rock’a mambo et Maquina Loca.

Bowane, guitariste, joue avec Wendo dans la chanson Marie-Louise, éternel joyau de la chanson congolaise. Né d’un père congolais et d’une mère de l’autre rive, Bowane est un inégalable découvreur de talents. Il est de toutes les aventures éditoriales, depuis Ngoma jusqu’à Opika, en passant par Loningisa, Cefa (Comptoir d’enregistrement du folklore africain) et Esengo. Il est le créateur de l’orchestre Ryco Jazz, récupéré par Kounkou Ferdinand, dit Freddy Mars, qui l’installe en France à la fin des années 1950 après une longue tournée africaine. C’est avec ce groupe que Jean-Serge Essous effectuera quelques années plus tard une tournée aux Antilles, couronnée par la chanson Désarmement, un tube qui a marqué des générations et des générations d’Antillais.

Histoire foisonnante que celle de la musique congolaise…

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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