Opinion
- Éditorial - Les Dépêches de Brazzaville
- Réflexion - Jean-Paul Pigasse
- Le fait du jour - Gankama N'Siah
- Humeur - Faustin Akono
- Chronique - Boris Kharl Ebaka
- Brin d’histoire - Mfumu
- Tribune libre - Sergueï Lavrov
- Idées-forces - Les Dépêches de Brazzaville
- Analyse - Xinhua
Daniel LoubeloJeudi 7 Mai 2015 - 20:17 Daniel Loubelo dit Delalune est né le 5 mai 1934 à Mabanga dans l’actuel département du Pool. Delalune, « Ya Luna » pour les fanatiques de l’orchestre Ok Jazz dont il fut longtemps le chef, fait partie des précurseurs de la musique congolaise moderne. Il débute au sein des éditions Cefa de Bill Alexandre, en compagnie de Guy Léon Fylla, Diaboua Lièvre, Roger Izeïdi, Brazzos, etc. Il passe ensuite chez Loningisa de Papadimitriou. Il compte parmi les fondateurs de l’Ok Jazz. C’est dans cet orchestre qu’il révèle ses talents de compositeurs. Il est, avec Badin, Depewe, Antoine Moundanda et dans une certaine mesure, Franco, tenant de la refolkorisation de la musique moderne congolaise. Puisant son inspiration dans le terroir musical profond, il a donné naissance à des œuvres flamboyantes. « Ya Luna umbanzila » (référence Cefa Cf. 209), créé dans l’Ok Jazz, reste emblématique de son orientation musicale. Ce titre résume, à lui seul, l’univers de ce musicien pétri de culture locale. En 1959, il rentre à Brazzaville après un long séjour à Léopoldville. Il y participe à la création de l’orchestre Bantous. Mais en août 1962, il est appelé à la rescousse par Franco, abandonné par l’ensemble de ses musiciens. Il réussit avec Edo Ganga et d’autres musiciens, appelés en renfort, au renflouement de l’Ok Jazz. Il est le chef d’orchestre de l’Ok Jazz lorsque Moïse Tshombe décide de renvoyer chez eux, le 22 août 1964, les Congolais de Brazzaville. Il monte l’orchestre Tembo, la tempête, en kikongo. La sortie officielle de cet orchestre a lieu en 1965, avec une pléiade de musiciens confirmés et de jeunes novices : Démon Kasanaud, Raph, Sam Mangwana et Ange Linaud (chant), José Pados (guitare solo), Loussaint Loussala (guitare d’accompagnement), Delalune (basse), Tomba dia Mahoungou dit Major (drums), Pouela Dupool (tumbas), Nona Arthur et Pierrot Loukouamoussou (saxo). Brazzaville connaît dès lors une effervescence musicale surmultipliée. Le leadership incontesté des Bantous sur la musique de la rive droite du fleuve Congo est mis à rude épreuve. Les mélomanes congolais se divisent en pro-Bantous et en pro-Tembo, ces derniers, sont, majoritairement, des fanatiques de l’Ok Jazz, dont Tembo est le pendant brazzavillois. À cette époque les discussions sur la musique et le sport sont souvent passionnées et épiques, se transformant parfois en véritables « vendettas » entre les différents protagonistes. Avec la fin de l’orchestre Tembo, au début de l’année 68 du siècle dernier, Delalune repart à Kinshasa où sa carrière musicale vacille avant de s’éteindre. Des années après, lorsqu’il revient à Brazzaville, il fait de rares apparitions sur la scène musicale avant de décrocher définitivement. Il y décède en 2007, dans un quasi anonymat. Dans les décombres de la décomposition de l’orchestre Tembo, Ange Linaud Ndjendo, grande révélation de cet épisode musical congolais, avec sa chanson C’est toi que je préfère, qui avait connu un extraordinaire succès et installé le groupe de Delalune dans le gotha des orchestres brazzavillois. C’est donc dans le sillage de ce succès, qu’à la dislocation de Tembo, Ange Linaud et quelques autres musiciens décident de créer un nouvel orchestre, aidés par Mampouya, D’Oliveira et Jean-Jules Okabando. Au cours du brainstorming pour trouver un nom à l’orchestre, Tomba Dia Mahoungou dit Major suggère Boboto et Laurbin ajoute Super. C’est ainsi que naît Super Boboto. Le 28 avril 1968, le nouvel orchestre fait sa sortie officielle à Brazzaville, au bar Faignond, à Poto-Poto. Une fois de plus, Ange Linaud s’illustre avec une nouvelle création, Mapaso nalingaka. Comme son ancêtre Tembo, Super Boboto veut bousculer l’échiquier musical à Brazzaville, dominé par les Bantous de la capitale, mais occupé aussi par des orchestres comme Mando Negro Kwala Kwa, Sinza Kotoko, Orphée jazz, Jeunes Bantous, etc. Dans cet environnement fortement concurrentiel, non sans peine, le Super Boboto réussit, tout de même, à se faire sa place. Le dancing « Super Jazz », sur l’avenue de la Paix, rebaptisé le « Temple Rouge », est sa place forte. Du jour où il revint à Brazzaville, suite aux turbulences politiques entre les deux Congo, Delalune Loubelo sut se faire sa place en créant Tembo puis, en aidant malgré lui, à la création de l’orchestre Super Boboto qui hérita de ses instruments. Ce texte est un hommage au talent.
MFUMU Edition:Édition Quotidienne (DB) |