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Sortir de la démocratie de la Baule

Jeudi 18 Juin 2015 - 16:14

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La Baule, c’est cette ville où eut lieu le sommet des chefs d’États d’Afrique et de la France, les 20 et 21 juin 1990. Elle a laissé des traces indélébiles sur les pays qui y participèrent. Aujourd’hui encore, quand on évoque La Baule, reviennent les objurgations comminatoires du président français François Mitterrand qui subordonna, alors, l’aide à la démocratisation. « L’aide sera plus tiède pour les régimes autoritaires, et plus enthousiaste pour ceux qui auront franchi le pas ».

Le Sommet de la Baule marque donc le début du processus de démocratisation au forceps en Afrique noire francophone. Cette démocratie « jacobine » a causé beaucoup de dégâts dans de nombreux pays qui n’ont pas toujours réussi la greffe démocratique qui ne tenait pas compte des réalités concrètes sur le terrain. À quelques rares exceptions, les conférences nationales ont accouché de monstres. Le Congo n’y a pas échappé. Les contradictions ont souvent quitté le champ politique dans un pays où Youlou et Opangault, les pères de l’indépendance, nous ont donné l’exemple d’une compétition politique saine, hormis l’épisode sanglant de 1959. L’inimitié entre les deux hommes était pourtant proverbiale. Mais, ils ont su, dans l’intérêt supérieur de la nation,  cheminer côte à côte, regardant, sans louvoiement, dans la même direction. Opposés doctrinalement, ils ont pourtant œuvré main dans la main. On se souvient de la tournée de l’unité nationale qu’ils entreprirent pour exorciser les démons de la division qui planait sur le pays. Ce sont deux icones incontestables de la politique congolaise.  Ceux qui font la politique aujourd’hui devraient s’ inspirer de leur exemple. Ils n’étaient pas d’accord sur tout, mais ils savaient se retrouver sur l’essentiel. Leur entente politique, jusque dans leur chute, permit au Congo de se doter en 1961 de sa première constitution, celle du 21 mars.

Pourquoi, au moment où, plus que jamais le débat se cristallise sur le changement d’une constitution fondamentalement inadaptée, les uns et les autres, dans des attitudes inflexibles, ont du mal à accorder leurs violons pour jouer la symphonie de la nouvelle République qui permettra de tourner, enfin, la page de la « démocratie de la Baule », et penser la démocratie à l’aune de notre expérience et de nos réalités sans diktat extérieur et sans précipitation.

Le dialogue, qui se profile, doit être le lieu idoine pour dégager un braintrust capable d’innover en matière constitutionnelle et donner corps à un projet de constitution qui intègre, pour une fois, les préoccupations des uns et des autres, les constitutionnalistes, les hommes politiques, la société civile, et surtout les femmes et les jeunes, ces laissés-pour-compte de nos constitutions. C’est à ce prix que le Congo institutionnel rénové entrera dans une nouvelle dynamique dans sa marche vers le centenaire de la République. Les concertations politiques directes entre le chef de l’État et les forces vives de la République sont un bel élan de cohésion nationale largement appréciée. Elles annoncent le dialogue national qui sera un espace de délibération sans raideur ni violence et loin des ivresses démagogiques. Avec lucidité, confiance et détermination, œuvrons, ensemble, pour l’avènement d’une République plus juste, équitable et solidaire afin d’arrêter les impostures qui ont prospéré dans ce pays depuis plus d’un demi-siècle.

Sortir de La Baule et changer de constitution, c’est penser la démocratie de façon novatrice. Le nouveau texte constitutionnel doit pouvoir traduire, enfin, avec exactitude la vox populi, la voix du peuple. Mais ceci n’est possible que si nous pouvons tourner résolument le dos à la Constitution de 1958, charpentée par Michel Debré pour la France et qui, malheureusement, a été le parangon de toutes les constitutions qui ont eu cours au Congo, depuis l’indépendance. « C’est la Vème République qui a remis la cour à la mode en même temps qu’elle accordait au Président des pouvoirs de monarque absolu. Raillée pendant plus d’un quart de siècle par François Mitterrand, l’opposant, qui s’en est bien accommodé, au pouvoir ». Faisons, pour une fois, preuve d’intelligence et d’imagination pour penser notre future constitution.

Le temps nous est compté, d’ici à 2016. Travaillons à la production des richesses, certes, mais travaillons aussi à la recherche de l’instauration d’une atmosphère  politique apaisée, pour aller vers des élections enfin débarrassées du spectre de la psychose et de la violence.

MFUMU

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