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Le 15 août 1963

Jeudi 20 Août 2015 - 17:16

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Le Congo vient de fêter avec faste le 55ème anniversaire de son accession à l’indépendance. C’est ici l’occasion de parler d’un autre 15 août, celui de l’année 1963, qui marque la fin de la première République dirigée par l’abbé Fulbert Youlou. Pendant 28 ans, de 1963 à 1991, le 15 août est la fête de l’indépendance, les « révolutionnaires » ayant mis la date de l’indépendance sous le boisseau. C’est la Conférence nationale souveraine qui la remet dans le calendrier des festivités nationales.

Le 15 août 1963 est le début du chambardement de l’ordre constitutionnel au Congo. Des syndicalistes, parmi lesquels, Okemba Morlendé Gandou, Matsika, Pongault, Angor Léon, Boukambou Julien, Thauley Ganga, etc. à la tête d’une insurrection populaire, renversent le régime de l’abbé Fulbert Youlou. Mais ce mouvement populaire devient assez rapidement « révolution », récupéré par les « révolutionnaires » qui mirent assez rapidement hors jeu les syndicalistes, les vrais héros du changement politique. Rapidement, ils sont débordés par les « révolutionnaires » qui imposent un an après, le 28 juillet 1964, le socialisme scientifique, à la faveur du congrès constitutif du Mnr (Mouvement national de la révolution).

Le 15 août 1963, marque le début des premiers assassinats politiques. Dès 1965, Matsocota, Pouabou et Massouémé sont enlevés et sauvagement abattus. La lutte politique prenait un tour nouveau, la violence comme moyen de résolution des contradictions. Comme on disait à l’époque, « la Révolution a commencé à manger ses enfants ». La Conférence nationale souveraine, en 1991, n’a pas réussi à démêler l’écheveau de cet imbroglio. Cet épisode sanglant ouvre le cycle d’une série d’énigmes non résolus de l’histoire politique du Congo ; vices rédhibitoires de la Révolution. Dix ans plus tard, dans une philippique contre le président Marien Ngouabi, Pierre Nzé, éminente personnalité politique du Congo, écrivait : « La révolution, ce ne peut-être pas un dîner de gala. Mais ce ne peut être continuellement destruction. C’est aussi nécessité de construction ».

Au regard d’une histoire épileptique, on apprécie le prix de la paix. C’est dans la paix retrouvée, mais à préserver, que le Congo, en cette année 2015, a célébré les 56 ans de la naissance de l’orchestre Bantous de la capitale. Le plus ancien orchestre en activité sur le continent africain, les Bantous sont nés le 15 août 1959, un an avant l’accession du Congo à l’indépendance. C’est dans la salle de conférence de la Préfecture que cette célébration a eu lieu, le 6 août dernier. Au cours de leur histoire tourmentée, les Bantous ont souvent plié sans rompre le fil de leur existence. Cette commémoration n’a été possible que grâce à la paix qui règne dans le pays depuis quelques années. Cette félicité ne doit pas être consumée par la perpétuelle volonté de violence des hommes politiques congolais, toujours prêts à donner le peuple en holocauste pour assouvir leurs ambitions égoïstes. À cette fin, ils s’ingénient à jouer sur les instincts plus vils des hommes, l’envie, la mesquinerie, la haine inféconde et la bestialité primitive. Le monstrueux, comme on dit, s’impose toujours à l’attention.

Le rêve n’est pas l’utopie. Certains acteurs politiques, boostés par une certaine communauté internationale, se sentent pousser les ailes de la contestation et de la provocation futiles. Leur heure serait arrivée. Il n’est pas interdit de rêver certes, mais de là à prendre ses rêves pour la réalité, il y a loin de la coupe aux lèvres. Leurs propos comminatoires, et souvent intempestifs, ressemblent davantage à  l’esbroufe qu’à autre chose.

N’oublions pas cependant que l’imprévu a toujours un caractère de difformité et de sauvagerie. Nous devons nous en prémunir. En ces temps incertains des mœurs politiques déréglées, nous avons encore droit au rêve, à l’espoir. Le plus grand crime aujourd’hui serait d’attenter non à une constitution escamotée mais à la paix, sous de sulfureux prétextes. Nous devons continuer à profiter de la chaude et vibrante joie de vivre dont la paix est la source, en dépit des difficultés existentielles contingentes. La vie et la paix  n’ont pas de prix.

L’héritage du 15 août 1963 a été soldé lors de la Conférence nationale souveraine. Le retour des symboles de la République, institués peu avant l’indépendance, a définitivement tourné la page du long épisode révolutionnaire. La « Révolution » a laissé de profonds stigmates dans la conscience collective congolaise.

 

 

 

MFUMU

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