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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : Jacques Opangault, l’ovni de la politique congolaise

Vendredi 15 Décembre 2017 - 11:33

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Un jour de 1962, Jacques Opangault présentait sa démission à l’abbé Fulbert Youlou, le président de la République :  « Monsieur le président, pour des raisons de convenances personnelles, j’ai l’honneur de vous demander de vouloir bien accepter ma démission du ministère des Travaux publics, des transports et du tourisme, que vous aviez bien voulu me confier dans votre gouvernement. Je tiens à vous remercier de la confiance que vous aviez voulu placer en moi, et je vous prie, Monsieur le président, d’agréer, l’assurance de ma haute considération. Jacques Opangault ».

Voilà un personnage qui va éviter les « châtiments de l’oubli », pour reprendre les mots de Michel Foucault, dans un monde où l’amnésie collective est de mise. Ce qui représentait un mouvement profond d’une indispensable mutation est resté sans lendemain. Le papillotement est désormais la règle. La vocation profonde d’un serviteur de l’Etat est de rendre son tablier lorsqu’il  a échoué ou quand l’opinion le cloue au pilori. Sa  présence aux affaires se réduit simplement  à faire sa réputation et de s’arroger une fortune indue, simplement guidé par  l’égoïsme triomphant, ambiant. Cette facilité qu’ont les hommes à s’accorder toutes les qualités, même lorsqu’ils en sont dénués,  est pittoresque.

Les actes avérés de Jacques Opangault résument, à eux seuls, l’univers de cet homme d’Etat hors norme, dans un monde politique où évoluent des « tricheurs qui ne trichent pas par accident, mais par principe » ; certains, dans la perspective d’un changement dans les institutions de la République, allant jusqu’à simuler l’apoplexie pour inspirer de la pitié au président de la République et sauver ainsi leur peau.  Pitoyable que tout ça ! Comme le dit Nietzsche « la morale est dès maintenant anéantie ». Le Congo a aujourd’hui besoin d’hommes qui se conforment aux valeurs éthiques promues et appliquées par Jacques Opangault, un homme, capable de se mettre en danger au nom des principes. Mais, que valent-ils aujourd’hui?

Cette lettre de démission, du 6 décembre 1962, pose à l’évidence la question de l’éthique. L’homme, par sa nature, tend toujours au résultat le plus proche et le plus pressant. En tout état de cause, en cette fin d’année 2017 et, dans une conjoncture aussi débridée, le peuple attend de ceux qui le gouvernent un tel geste de bravoure et d’abnégation. Comme le disait bien, à ce sujet, Bouetoum- Kiyindou, dans un excellent papier dans "Vision pour Demain", cette démission est un geste d’une élégance morale suréminente qui rappelle, d’ailleurs, la décision retentissante de Jacques Opangault, vice-président du Territoire du Moyen-Congo, d’aligner son salaire sur celui des ministres. Dans un souci d’équité et de justice. Nos politiques sont-ils capables d’une telle empathie ? Rien n’est moins sûr ! Jacques Opangault, par son attitude, ressemble à « un homme qui leur fait l’effet d’une gifle ». Nul n’est pas parfait, c’est vrai,  mais Jacques Opangault apparaît bien comme un personnage iconoclaste dans un monde de vénalité écœurante. Jacques Opangault n’a jamais été ni vulgaire ni ostentatoire.  En politique, il avait compris, mieux que personne, la notion d’exemplarité. C’était, de ce point de vue, un homme supérieur, en ce qu’un homme supérieur épouse les événements et les circonstances pour les conduire. 

Le nom de Jacques Opangault se rattache aux rares phases vertueuses de la politique dans notre pays, pour souligner, par contraste, ce qui se fait en politique aujourd’hui. Presque tous ses contemporains sont fascinés par son style. Là où d’autres s’incrustent, lui, il sait partir. Il part. Il est tout, sauf un velléitaire. Il agit dans le sens que lui dicte sa conscience. Jacques Opangault peut se réjouir d’avoir laissé dans les annales de la politique, une magnifique fresque de bravoure, de conviction et de responsabilité. Dans le jeu complexe de la politique politicienne actuelle, il aurait toujours choisi la vérité et l’engagement, toutes choses,  opposées à la pratique de la culbute et du vice répandue dans  ce pays. Ceux qui, par exemple, ont quitté le navire lors de la campagne du référendum constitutionnel, du 25 octobre 2015, ont rejoint, la tempête passée, le terrain de leur « sport favori », l’équilibrisme.

Jacques Opangault réintègre le gouvernement, en qualité de ministre d’Etat, le 20 mai 1963. Quelques mois après, pendant qu’il est en mission, Fulbert Youlou est renversé et incarcéré. A son retour au pays, il tient à se constituer prisonnier aux côtés du président déchu. Solidarité dans l’épreuve qui s’oppose à la veulerie, la roublardise et la poltronnerie de nos jours. L’ascension sociale est désormais, ici,  assurée par ce biais.

Après une vie politique bien remplie, Jacques Opangault rentre dans son village. Malgré les sollicitations des pouvoirs successifs, il y est resté, loin de la course aux prébendes et aux sinécures. Comme quoi, il y a une vie après la politique. Nul besoin de s'y incruster. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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