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Frontières

Samedi 18 Mars 2023 - 16:10

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Qu'elles soient terrestres, aériennes, maritimes, fluviales ou même aléatoires, les frontières font partie des normes intégrantes du principe de souveraineté sur lesquelles les États se dépensent tant pour en assurer l’inviolabilité. Contre ceux qui tentent de les franchir de manière tout à fait civile, le cas des migrants, par exemple, les mesures de rétorsion sont parfois aussi robustes que quand elles sont violées par une action ennemie.

La semaine dernière a donné la preuve supplémentaire de l’extrême sensibilité de cette question des frontières comme l’atteste l’incident survenu au-dessus de la mer noire entre un drone américain, le Reaper MQ-9, et un chasseur russe, le Sukhoï-27. Avec ces appellations fort techniques, on plonge dans la haute technologie militaro-stratégique dont la maîtrise appartient aux initiés mais l’intérêt du sujet va au-delà de la seule logique de confrontation qui se déroule sous nos yeux.

L'incident du drone a, en effet, relevé d'un cran la tension déjà vive entre les États-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie, deux superpuissances en état de belligérance plus ou moins ouverte depuis le déclenchement par Moscou de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le 24 février 2022. Conscients tous les deux des limites qu'il serait dangereux de franchir dans cette lutte d’influence sans répit, la Maison-Blanche et le Kremlin se sont parlé par le biais de leurs plus hauts gradés au lendemain de l’accrochage.

Le 15 mars, le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, et son homologue russe, Sergueï Choïgu, ont échangé sur le grave incident. Pour se répéter mutuellement que de tels développements sont de nature à mettre le feu aux poudres et ne devraient plus se reproduire malgré la volatilité de la situation en Ukraine. Tiendront-ils parole ? Le conflit à l’Est du Vieux continent se poursuivant, la volonté des belligérants de puiser jusque dans leurs dernières réserves morales pour gagner la guerre aidant, le monde n’est pas à l’abri d’autres incidents de ce type.

Il est vrai que l’épisode dont on parle n’est pas totalement réglé. Et le désir des services russes de repêcher l’épave du drone abimé en mer laisse penser que les soupçons d’espionnage dont ils accusent leurs collègues américains restent d’actualité. Devenu une arme à tout faire dans les conflits hybrides du monde d’aujourd’hui, le drone est un outil chargé de lourds secrets à tel point que même plongé au fond des océans, l’on a besoin que sa carcasse parle. D’autant plus que les deux « Grands » ont un autre contentieux lié au sabotage, en septembre dernier par « on ne sait qui », des gazoducs Nord-Stream 1 et 2 en lien avec le bruit des canons en Ukraine.

Une fois de plus, et c’est ce qui paraît raisonnable dans la lecture du champ de bataille ukrainien, Russes et Américains détiennent peut-être la clé de la fin du conflit. D’un côté comme de l’autre, ils sont les seuls dont l’influence sur le déroulement des hostilités demeure la plus crédible. Après une année d’un conflit aussi destructeur, on ne peut pas dire que les parties impliquées n’ont pas envie qu’il s’arrête et que l’on pense au retour à une vie plus ou moins normale dans laquelle chacun, en pansant ses plaies, envisagerait l’avenir autrement.

Même si officiellement l’aveu de l’épuisement réciproque ne vient de nulle part, officieusement que ce soit Moscou, Kiev ou ses alliés occidentaux, ce conflit n’a que trop duré. Il est temps d’encourager les initiatives de paix pour qu’un nouvel incident plus dangereux ne vienne à le faire se déplacer de ses frontières actuelles.

Gankama N'Siah

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