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La sorcellerie au Congo : une gangrène sociale

Lundi 19 Avril 2021 - 16:45

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Les meurtres liés à la sorcellerie dans notre pays sont, de plus en plus, fréquents au point de mettre en péril notre vie en société. Ces drames gangrènent et détruisent, peu à peu, notre tissu social plus que tout autre chose. Tenez ! Il y a quelques jours, un fait divers s’est produit à Inkouélé, une localité au nord de Gamboma, dans le département des Plateaux. Ce fait serait passé inaperçu, n’eut été la perspicacité des réseaux sociaux qui ont tôt fait de le relayer abondamment.

Rappelons les faits : un adjudant-chef de 57 ans en service au commissariat spécial de Yoro est assassiné par sa belle-famille. L’homme est un usurier qui a fait sa richesse et va causer sa perte. Le brandon de discorde ? La disparition brutale de son neveu de 19 ans hébergé chez lui. A Inkouélé où il se rend pour répondre aux interrogations sur la disparition du jeune homme, il est accusé de sorcellerie, assommé à coup de massue et abandonné mort dans une clairière sur la route menant à la sous-préfecture d’Ongogni.

La gendarmerie finit par mettre la main sur un registre de créanciers dans lequel figure le nom de l’un des meurtriers qui avait toutes les bonnes raisons de voir le policier disparaître. Autant dire que l’argent aura été un puissant mobile dans cette affaire !  

Curieusement, ce crime n’a pas suscité au sein de la population villageoise indignation, inquiétude, encore moins une quelconque compassion. Motif : « il a assez bouffé des gens pour se faire de l’argent ! » diront les langues vipérines. Sauf que le neveu donné pour mort finira par réapparaître de retour de deux semaines de la campagne présidentielle dans une partie du pays. Les quatre malfrats sont, aujourd’hui, mis aux arrêts, sauf le « nganga », toujours en cavale depuis ce forfait.

Par-delà ce fait, banal en apparence, se cache une dérive dangereuse pour la société. Une dérive qui pourrait, si l’on n’y prend garde, voir les familles congolaises se disloquer une à une, à mesure que ce phénomène croît. Un grave problème social qui devrait interpeller, dès à présent, les pouvoirs publics.

La croyance en la sorcellerie a fait beaucoup de mal dans notre pays. Si hier, ces considérations mesquines étaient l’apanage de marginaux ou de gens moins instruits, aujourd’hui, cette croyance touche les classes moyennes, les intellectuels et surtout la jeunesse. Des échecs à répétition, des maladies, des accidents de circulation, le manque d’argent, la mort inopinée ne sont plus considérés comme la conséquence d’une négligence personnelle, d’une imprudence non assumée ou d’une vie dissolue. Toutes ces déconvenues, selon les prétendues victimes, ont pour origine l’œuvre malveillante d’un parent, d’un voisin jaloux ou d’un collaborateur ambitieux ayant la capacité de nuire. Tout ceci ne devrait exonérer aucun crime commis au nom de la sorcellerie. Les pouvoirs publics devraient mettre en place une réglementation forte pour tenter de dissuader ces illuminés qui se sont octroyés le droit de tuer.

Valentin Oko

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