Médecine traditionnelle : un secteur de plus en plus prisé par les congolais

Samedi 16 Novembre 2013 - 8:44

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Dans la capitale et partout ailleurs, sur les trottoirs des avenues, des ronds-points et marchés de la place, des produits issus de la pharmacopée traditionnelle sont proposés à même le sol. Nombreux sont les Congolais qui ont recours à cette médecine

Les produits exposés par des tradi-thérapeutes congolais ou étrangers sont fabriqués à base de plantes naturelles et sont proposés à des prix modérés. Ils se présentent sous différentes formes : feuilles, plantes, écorces, racines, huiles, tisanes ou encore poudres. Accompagnée d’illustrations de diverses maladies en guise de publicité pour convaincre la population, la vente de ces produits se fait le plus souvent à la criée. Néanmoins, le succès ressenti dans ce secteur est surtout dû au bouche-à-oreille, et cela marche ! Une amie ou un voisin achète un produit traditionnel, l’utilise et parfois trouve satisfaction. Il va donc le recommander quant l’occasion se présentera. On peut citer le champignon sauvage importé de Chine au Congo dans les années 2003, que de nombreux Congolais consommaient. Le bruit s’était répandu que le champignon, qui se nourrit de thé et de sucre, pouvait prévenir l’organisme de toutes sortes de maladies, réduire le taux de cholestérol, soigner l’anémie, l’hypertension artérielle et même revigorer certains organes. Bref, il guérissait de tout !

On constate maintenant que cette médecine, peu utilisée autrefois par la population, captive la curiosité des hommes et des femmes chaque matin le long des avenues. Au rond-point de Moukondo et au marché du lycée Thomas-Sankara dans le neuvième arrondissement Djiri, par exemple, la population s’intéresse aux explications des tradi-praticiens en même temps vendeurs de ces produits traditionnels. Ces derniers se lancent dans les explications de l’utilisation de chaque produit selon le type de traitement de telle ou telle autre maladie. Pour ce chercheur en plantes naturelles d’origine camerounaise, Armel Sokoudjou, interrogé au rond-point de Moukondo, la vente des produits fabriqués à base des plantes lui permet de vulgariser la médecine traditionnelle peu connue des Congolais.

Pourquoi la vente de ces produits à même le sol ?

« Nous n’avons pas commencé à vendre ces produits maintenant. Nous sommes basés au Congo depuis 2008, avec la permission du ministère de la Santé et nous faisons partie des membres de la médecine traditionnelle du Congo. Étaler ces produits à même le sol me ramène à ma tradition du bantou qui fait recours à son sol. Pour le dosage du produit, la cure de produits obéit à la dose d’un demi-verre trois fois par jour. La conservation serait meilleure dans des bouteilles cassables et non en plastique», a-t-il expliqué.

Sur place, la vente des produits traditionnels paraît encore une curiosité pour la population. C’est qui a été observé lors de l’exposition-vente de ces produits organisée au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville à l’occasion de la Journée africaine de la médecine traditionnelle.

Les stands ont été envahis par la population pour connaître l’utilité de chaque plante, tisane, pommade, gommage, comprimé, huile pour le traitement des maladies. Les produits présentés lors de cette journée étaient contre l’éjaculation précoce, les maladies sexuellement transmissibles, les hémorroïdes, les règles douloureuses, la colopathie fonctionnelle, les brûlures stomacales et les reflux gastriques, les douleurs lombaires, la liste n’est pas exhaustive !

La médecine traditionnelle présente des faiblesses

Cette médecine ne peut nullement se séparer de la médecine moderne, car elle a besoin de la science et de la technologie. Les faiblesses sont notamment dans le domaine du laboratoire, de la conservation, du dosage, de la date de péremption et de la consultation. Elles se posent également au niveau de l’adhésion des tradi-praticiens à la nécessité de réglementer l’exercice de la médecine traditionnelle, de l’absence de mécanisme de protection de la propriété intellectuelle, du savoir des peuples autochtones ainsi que de l’insuffisance de valorisation des résultats. Les tradi-praticiens se contentent des examens de laboratoire modernes pour traiter différentes maladies. La consultation dépend d’un praticien à un autre, ou parfois ils procèdent par le questionnement du malade.

Que dire de la publicité de la guérison de toutes maladies par une plante ?

Le tradi-thérapeute Marcel Gatsongo a expliqué qu’il n’était pas sorti d’une école médico-traditionnelle. Son savoir pour fabriquer des produits issus des plantes est un don hérité de ses parents qui furent des tradi-praticiens, bien qu’il ait appris la médecine moderne. « Une plante ne peut guérir toutes les maladies. Si c’était le cas, ces plantes devraient être confirmées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il existe des maladies pour lesquelles nous pouvons aider la population à trouver la guérison », a-t-il indiqué.

Pour la valorisation de leur médecine, ils déplorent le manque de prise en charge par le gouvernement et le manque de matériel sophistiqué pour la transformation des produits pour une conservation durable. Le problème de la faible utilisation des produits traditionnels par la population ne se présente pas qu’au Congo. Il est présent en Afrique. C’est à juste titre que la question du renforcement du rôle de la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé a été abordée au cours de la soixante-troisième session du comité régional de l’OMS pour l’Afrique organisée à Brazzaville. À cette occasion, les pays africains ont été appelés à investir dans le domaine du contrôle de la qualité et de l’assurance qualité des produits de médecine traditionnelle, la recherche-développement de l’utilisation des médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle, la réglementation des praticiens ainsi que les pratiques et produits de la médecine traditionnelle. Ils doivent également élaborer et adopter les lois et règlements des praticiens et pratiques de la médecine traditionnelle. Les produits issus de la pharmacopée traditionnelle doivent être utilisés selon les normes de l’OMS sur la qualité et l’efficacité de ces produits, la prescription nationale relative à la réglementation des médicaments traditionnels.

Une fois conformés aux critères nationaux et internationaux, aux normes et standards de l’OMS, les pays peuvent inclure des produits issus de la médecine traditionnelle dans leurs listes nationales des médicaments essentiels. Ces médicaments répondent aux besoins de santé prioritaires de la population. Ils sont sélectionnés en fonction de la prévalence des maladies, de l’innocuité, de l’efficacité et d’une comparaison des rapports coût-efficacité.

Notons que tout produit utilisé par la médecine traditionnelle est d’origine minérale, animale et végétale. Sur 300 000 espèces répertoriées dans le monde, 200 000 espèces proviennent d’Afrique.

Lydie-Gisèle Oko

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Des produits de la médecine traditionnelle. (© Adiac) ; Photo 2 : Le thérapeutes explique l'utilisation de ses produits. (© Adiac)