56e Biennale des arts : l'Afrique se distingue à Venise

Vendredi 29 Mai 2015 - 21:07

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Depuis le 9 mai, le monde de l’art contemporain n’a d’yeux que Venise où se joue la 56e Biennale. Consécration pour le Continent ? Parlons d’une Biennale tournant. Fondée en 1895, 89 nations ont depuis cette année-là construit ce rendez-vous artistique en déployant des structures et «pavillons» pour exposer leurs artistes. En 1952, l’Afrique est représentée pour la première fois avec le Pavillon de l’Égypte. Cette année, le commissaire de la Biennale de Venise est Nigérian.

Okwui Enzewor, un commissaire exigeant et engagé

Okwui Enwezor est né en 1963 à Calabar au Nigeria et vit entre New York, où il est directeur adjoint du Centre international de photographie ; et Munich, où il dirige le musée Haus der Kunst. Ce poète, intellectuel, critique et chercheur réputé pour sa vision post coloniale intransigeante et son engagement est l’un des personnalités liées au commerce artistique les plus influentes du moment, décrit par ceux qui le fréquentent comme un homme captivant doté d’un grand savoir-faire. Okwui Enzewor fut le premier à exporter l’art contemporain africain, en 1996 au Musée Guggenheim de New York, avec une exposition collective de 30 photographes. Il a déjà fait ses armes dans des expositions internationales, à Johannesburg, Paris, Kochi, New York, Gwangju, Mexico, Chicago…

Pour la Biennale, il prend le thème Tous les futurs du Monde. Le titre n’est pas annonciateur, il renvoie à un avenir sombre et incertain, marqué par les blessures et les progrès du passé, tourné vers le futur, ses blessures et ses progrès, fait de technologies, de connaissances, de crises et d’anxiété. En écho, Le Capital  de Karl Marx sera lu en continu par une troupe d’acteurs pendant la durée de l’événement.

Mr Enwezor encourage à venir les artistes issus de communautés et pays négligés par le monde des Affaires, les talents encore tus. Pour résumer sa démarche : «L’Art n’est pas juste fait par des Blancs en Europe avec des grands patrons», déclare-t-il sans concession au Wall Street Journal. Avec un budget de 15 millions de dollars, il prend une voie engagée et concernée par l’état du monde, mais aussi celle de l’innovation : sur 136 artistes nommés, 88 le sont pour la première fois.

Distinction africaine

Cette année, la Cité lagunaire accueille 35 artistes africains. Des éveilleurs de conscience, des poètes, des rêveurs, des penseurs, des révolutionnaires…,certains sont déjà bien connus du milieu et de la Biennale, d’autres sont novices. C’est le cas de Sammy Baloji, photographe originaire de Lubumbashi primé déjà deux fois aux Rencontres de la photographie africaine à Bamako et créateur des Rencontres photographiques de l'image de Lubumbashi. Le jeune homme a été choisi  pour exposer dans le Pavillon Belge son «Essai sur la planification urbaine», soit une série de douze photos de paysages congolais, vues aériennes et d’images d’insectes, le résultat d’un long travail d’études d’archives sur l’exploitation des Congolais pendant le régime colonial.

Le collectif nigérian Invisible Borders tire son épingle du jeu avec A Trans-African Worldspace, une installation vidéo et photographique sur la notion de frontière et son impact sur l’Histoire africaine. Toujours du côté de la relève, Samson Kambalu natif du Malawi a fait parler de lui avec son projet Le Dernier jugement, en recouvrant 400 ballons de football avec les pages de la Bible mis à disposition des visiteurs. On porte une attention particulière au travail de Gonçalo Mabunda : l’artiste originaire de Maputo transforme des armes en objet d’art, recyclant des balles et autre AK 47 et lance-roquette en trônes et totem, en écho à la guerre civile qui a ébranlé le Mozambique pendant plus de vingt ans.

El Anatsui est né en 1944 à Anyako et a étudié l’art à Kumasi, au Ghana. En 1975, il déménage au Nigeria et commence à enseigner à l’université. C’est dans ce pays qu’il a le plus œuvré. À ses débuts, l’artiste travaille le bois, le métal, l’argile et crée des objets inspirés des croyances ghanéennes. Peu à peu, El Anatsui se tourne vers l’installation et se met à réaliser des œuvres monumentales, en recyclant des métaux et déchets, assemblés avec des fils de cuir ou des clous. Ses œuvres se veulent des métaphores de la société, du monde, de ce qui est infligé à l’Afrique, et elles fascinent les professionnels de l’art.

En 1990, El Anatsui représente l’Afrique lors de la Biennale d’Art Contemporain de Venise et expose ses installations entre Paris, New York, Londres et Tokyo depuis maintenant 25 ans. Une rétrospective de son travail intitulé When I Last Wrote to You Africa (La dernière fois que je t’ai écrit, Afrique) a été organisé en 2010 par le Musée d’Art africain à Toronto en 2010, puis a voyagé pendant trois ans à travers les États-Unis. En 2013, ses œuvres les plus récentes ont été regroupées pour l’exposition «Gravity & Grace : Monumental Works by El Anatsui» (Gravité et Grâce : les œuvres monumentales de El Anatsui) présentée à Des Moines et Miami. À 70 ans, El Anatsui est l’un des artistes vivants les plus respectés de ce milieu exigeant.

La consécration d'El Anatsui

Le 9 mai dernier, la Biennale de Venise a ouvert ses portes en attribuant des Lions d'Or aux artistes méritants. Le sculpteur ghanéen El Anatsui, l'un des artistes africains les plus cotés, s'est vu attribuer ce prix pour l'ensemble de sa carrière. Anatsui réalise des œuvres monumentales à partir de métaux, des capsules aplaties et assemblées avec des fils de cuirs et des clous pour donner des sculptures aux allures de tapisseries étincelantes. Ses œuvres fascinent le monde de l'art et ses œuvres ont déjà fait le tour du Monde. À 70 ans, El Anatsui est l'un des artistes les plus respectés de ce milieu et se positionne comme un ambassadeur de la création africaine.

 

 

 

 

 

Morgane de Capèle

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Okwui Enzewor Photo 2: Une oeuvre d'El Anatsui Photo 3: El Anatsui

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