Affaire dette de 200 millions d’euros : Gécamines et Ventora déboutées par l’Acaj

Jeudi 26 Décembre 2019 - 19:37

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L’ONG, dans sa réaction, qui contredit les communiqués publiés par ces deux entreprisese établissant les contrevérités de la débitrice et sa prétendue créancière, remonte les bretelles aux responsables de ces sociétés et pense démontrer à suffisance le blanchiment d’argent dont ces derniers sont auteurs.

L’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj) relève, à la lecture des communiqués de presse de la Gécamines et de Ventora Development publiés le 23 juin 2019, que « leurs auteurs tentent de justifier l’injustifiable par des arguments tronqués en fait comme en droit ». Ce qui rend nécessaire, note cette ONG, sa présente mise au point, articulée sur cinq points.

L’Acaj qui rappelle, en effet, que le communiqué de la Gécamines indique que « Fleurette Mumi, devenue Ventora depuis lors, avait octroyé à Gécamines, en octobre 2017, un prêt de 200 millions d'euros », note également que Fleurette Mumi est une société du groupe Dan Getler, incorporée et ayant son siège social dans un paradis fiscal (Iles-Vierges Britanniques). « Elle n’est ni une banque, ni un établissement de crédit. Elle n’exploite aucune activité productive et surtout est identifiée mondialement comme exploitant des activités illicites », souligne cette ONG dans son communiqué publié le 24 décembre. De l’avis de l’Acaj, ces faits relevés étaient suffisants pour convaincre la Gécamines à ne pas s’engager avec une telle société à la réputation sulfureuse, et de surcroît à solliciter auprès d’elle une ligne de crédit d’un montant de 200 millions d'euros, « sachant que les règles de compliance internationale et les obligations de vigilance n’autorisent pas un tel comportement suspect.»

De l’avis de l’Acaj, qui appuie son argumentaire sur la loi n° 04/016 du 19 juillet 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, une telle opération de prêt, avec l’origine des avoirs (fonds) du prêteur non connue et la hauteur de ce montant de 200 millions d’euros incompatible avec la nature et le niveau des activités du prêteur, constitue un indice particulier du blanchiment en ce qu’il tend à introduire, dans le système bancaire congolais ou dans le circuit économique congolais, des sommes d’argent issues des activités non connues et jugées illicites par le Trésor américain qui a, à juste titre, placé Fleurette Mumi au cours de la même année 2017 sous le coup des sanctions américaines. « Toute personne diligente ne peut comprendre pourquoi la Gécamines a choisi précisément cette société sulfureuse qui n’est ni banque, ni établissement de crédit pour obtenir le prétendu prêt », a souligné cette association.

Un mauvais créancier pour renflouer des caisses non vides

Pour l’Acaj, la Gécamines n’avait pas non plus besoin d’aller emprunter à cette date cette somme d’argent auprès d’un tiers, à réputation sulfureuse, pour prépayer les impôts, étant donné qu’elle disposait d’un matelas financier important à la suite de la réalisation de nombreux actifs qui lui ont donné une enveloppe financière très conséquente.

Cette association note, en effet, que la Gécamines venait de réaliser la cession de ses cinq mille actions (25%) dans Metalkol à ENRC pour 170 millions de dollars américains (USD) dont le dernier paiement sur ce montant a été fait en avril 2017, soit 50 millions USD. L’Acaj indique également qu’en 2017, cette société avait réalisé d’importantes sommes en millions de dollars dans un partenariat avec des chinois de Hong Kong et en 2018, avec Hong Kong excellent mining Investment Co. Ltd et KLK Mining Sasu, pour les gisements de Kilamusendu et Kingamyambo. « Bien plus, les motifs farfelus de ce prêt, à savoir payer des avances d’impôts et taxes (ce que rien ne justifie rationnellement) démontrent à suffisance le côté pernicieux du montage », insiste l’Acaj.

Dans son troisième point développé, l’Acaj souligne qu’en prétextant dans leurs communiqués que « Fleurette Mumi » et Ventora Development constituent une même personne, pendant que les pièces du dossier attestent l’absence d’un quelconque lien de droit entre les deux entités, les deux sociétés posent un acte d’empilage consistant à monter un scénario, appuyé sur une action judiciaire, pour justifier le remboursement d’un prêt fictif à Ventora. « Le saviez-vous ? Contrairement à ce que disent les communiqués de ces deux sociétés, l’immatriculation de Ventora Development en date du 24 août 2018 est véritablement la date de naissance de Ventora et non pas celle de sa prétendue relocalisation que les pièces du dossier démentent », indique l’association.

D'après l’Acaj, l’attestation de dépôt de capital du 23 août 2018 établie par la Banque certifie que Ventora Development a ouvert un compte pour société en formation (au sens de l’article 100 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales) dans les livres d’Afriland First où elle effectua un versement de 1 625 000 FC ( soit 1 000 USD) en guise de libération du capital social par l’associé unique qui est la société Ventora Mining Sasu, qui, elle-même, a un capital de 200 USD. L’ONG relève également son immatriculation qui s’en est suivie sous RCCM n° 18-B-01273 en date du 24 août 2018 en tant que société nouvellement constituée. « Du reste, n’ayant exercé aucune activité sociale, après plus d’un an d’existence, Ventora Development n’a, à ce jour, déposé aucun bilan. Son prétendu gérant a même confirmé ignorer une quelconque prétendue relocalisation de Fleurette Mumi dont il ne connaît rien », a fait savoir le président de l’Acaj, Me Georges Kapiamba, dans ce communiqué dont copie est arrivée  au Courrier de Kinshasa.

Pour ce juriste, ce flou artistique d’une identité entre une société étrangère et une société locale, qui n’obéit à aucune règle de droit des sociétés, est un artifice qui n’échappe à aucun spécialiste, mais qui a surtout l’avantage de démontrer qu’il n’y a jamais été conclu aucun contrat de prêt entre la Gécamines et Ventora Development. Ce qui rend fictif, a-t-il affirmé, le prêt revendiqué par la première à la seconde. Car celle-ci ayant accédé à l’existence juridique en août 2018 ne peut pas logiquement conclure un contrat avec Gécamines en octobre 2017, soit un an avant son existence.  Dès lors, a-t-il fait savoir, Ventora est tiers par rapport à Gécamines et doit lui être appliquée l’article 63 du Code civil livre III.

Ainsi, appuie l’Acaj, l’opinion comprendra qu’en voulant coûte que coûte forcer l’identité de deux sociétés, les dirigeants de la Gécamines et sieur Dan Getler ont, de concert et sciemment, voulu contourner les sanctions américaines, commettant ainsi un procédé de dissimulation dans le but d’empêcher toute possibilité de remonter à l’origine illicite des fonds, en voulant aider la société Fleurette Mumi pourtant sanctionnée à cause de ses activités illicites, à vouloir échapper aux conséquences desdites sanctions par des simulations identitaires qui ne tiennent pas la route.

L’Acaj note qu’aussi bien le jugement RAC 2478 que la procédure d’appel sous RCA 16.748 étalent en réalité un arrangement grossier (complot) pour justifier le paiement d’un montant de plus de 151 millions d’euros à un tiers. En effet, a commenté cette ONG, l’absence criant d’un acte juridique liant ces deux sociétés aurait dû logiquement justifier la Gécamines à initier une action pénale contre le président de Ventora Development pour tentative d’escroquerie, avec celle-ci comme civilement responsable. Ceci, poursuit-elle, est d’autant plus vrai qu’il n’existe aucune preuve que le prétendu montant de 128 millions d’euros a été viré au profit de la Gécamines. « En effet, le soi-disant swift y relatif renseigne que ledit prétendu montant aurait été viré au compte d’une société dénommée ‘’Gécamines Développement’’ qui est non autrement identifiée, pendant que l’article 2, alinéa 1er des statuts harmonisés de la Gécamines datant de 2014 renseignent sans équivoque que la société est dénommée ‘’Gécamines’’. Cette réalité rend impertinente la justification du refus de défense à exécuter sur la base de reconnaissance d’une créance fictive », fait observer l’Acaj.

Cette ONG de défense des droits de l’homme note, enfin, que le timing et la coïncidence de la conclusion des contrats entre KCC (Glencor) et la Gécamines à hauteur d’un montant global de 270 M USD, avec exigence de paiement d’un acompte de 150 M USD à la date de la signature, au moment même où Gécamines attend impatiemment et avec excitation sa condamnation à payer plus de 151 M USD intrigue. Pour cette association, si donc KCC (Glencor) venait à effectuer un tel paiement, alors même qu’elle a été interpellée à ne pas porter main-forte à un tel processus de blanchiment de capitaux, il va sans dire qu’elle deviendrait complice de l’introduction des sommes blanchies dans le circuit économique légal afin de leur donner une apparence licite.

Soulignant la gravité de ces faits, l’Acaj attend finalement  du Procureur général près la Cour de cassation de poursuivre son action judiciaire contre les trois dirigeants de la Gécamines et ceux de Ventora ; à ne pas céder aux pressions politiques ; et prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires afin de protéger le patrimoine de la Gécamines contre la prédation en cours. Cette ONG appelle la population congolaise à soutenir activement l’action judiciaire en cours et à rester mobilisée jusqu’à ce que les auteurs et complices de ces faits de blanchiment des capitaux et détournement des fonds de la Gécamines soient jugés et sanctionnés conforment aux lois congolaises.

Lucien Dianzenza

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