Anatole Collinet Makosso : « A 50 ans, on entre dans la voie de la sagesse »

Jeudi 26 Décembre 2019 - 17:00

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 Auteur du livre « Le jubilé, connaître son parti pour mieux le servir » publié aux Editions L’Harmattan, Anatole Collinet Makosso, membre du bureau politique, s’est prêté aux Dépêches de Brazzaville. Il invoque, dans cette interview exclusive, le bilan qu’il juge élogieux du Parti congolais du travail (PCT) fondé en 1969.

 

Votre ouvrage consacré au PCT coïncide avec l’organisation du cinquième congrès ordinaire de ce parti.  Pourquoi avoir attendu ce moment pour le publier ?

Anatole Collinet Makosso : D’abord, il faut noter que le livre a pour titre le Jubilé. Donc, au-delà du cinquième congrès ordinaire, il s’agit de célébrer les 50 ans du parti. Le jubilé est une fête marquant un intervalle de 50 ans. Dans la bible, le jubilé est une année privilégiée, dite année jubilaire, revenant tous les cinquante ans et marquée par une volonté d’égalité sociale. Vous comprenez donc que la parution du livre n’a pas pour principal lien le cinquième congrès ordinaire.

Cela dit, n’empêche que, dans ma mission intellectuelle et culturelle, en tant qu’éveilleur de conscience, j’ai toujours voulu saisir au bond les événements pour m’exprimer sur certains sujets d’actualité. Car tout intellectuel, s’il veut jouer son rôle d’éducateur, d’édificateur de la nation, doit tenir compte du contexte, de l’état d’esprit du peuple à éduquer pour donner à sa réflexion toute sa profondeur et sa portée.  On édifie mieux un peuple lorsqu’on lui fait passer un message adapté à sa préoccupation du moment. Le regard des Congolais étant tourné vers le 5e congrès et le cinquantenaire du PCT, c’est donc à cette occasion qu’il faut capter son attention sur l’histoire, sur la vie et sur les nouveaux chantiers du PCT. Vous comprenez ainsi la promptitude avec laquelle je partage mes réflexions sur des questions d’actualité.

Vous êtes membre du comité central du PCT ; mais relativement jeune dans cette formation politique fondée en 1969. Pensez-vous avoir la légitimité requise pour dresser son bilan ?    

ACM : Je suis un écrivain chercheur. Je partage avec les autres le fruit de mes recherches. Je ne les sers pas comme vérité d’évangile, mais comme déclencheur de la réflexion collective avec tous les risques d’être contredit, d’être combattu. Il y a une leçon que je tiens de notre patriarche, le Pr Théophile Obenga. Je vous la restitue telle qu’il nous l’a enseignée : « L’homme politique congolais ne perd pas, tant s’en faut, en écrivant ses idées, afin que le peuple les connaisse, les commente, les critique, les discute et les amende ». Il poursuit en disant que l’homme politique n’est pas un fabulateur. Il doit s’exprimer, mieux par écrit (les paroles s’envolent mais les écrits demeurent), pour qu’on n’imagine pas les idées fausses à son sujet. Les réflexions politiques d’un homme politique sont, en soi, une précieuse contribution à la vie politique congolaise. Le débat politique national est mieux nourri, approfondi, s’il dispose de documents écrits, d’idées publiquement exprimées, des dossiers accessibles, pour faire fructifier les discussions.

La tenue du congrès a créé des « dissensions » au sein des cadres et militants du parti. Qu’est-ce qui explique cet état de chose ?

Cela s’inscrit dans la droite ligne du parti. Le PCT n’est pas un parti qui fait la volonté d’un individu. Le domaine de l’expression constitue le noyau dur des normes de notre parti avec la possibilité donnée à chacun de nous d’exprimer librement ses points de vue, son opinion. Ce qui conduit à admettre des discours ou des courants d’idées contraires mais qui n’ont pour finalité que de structurer l’opinion de sorte qu’au bout du processus, on parvienne à une synthèse pour ne retenir que l’opinion du parti. Cela apparaît aux yeux de l’opinion nationale comme des dissensions ; ce qui est vrai. Mais fort heureusement, elles ne peuvent en aucun cas conduire à des dissidences au nom du respect d’un triptyque qui nous est cher : unité-critique-unité.

Dans votre livre, vous parlez d’un bilan élogieux du PCT en cinquante ans d’existence de cette organisation. Comment le justifiez-vous ?

Nous le justifions au plan interne par la confiance de plus en plus grandissante dont jouit le parti de la part de nos compatriotes au point où le PCT soit de nos jours le parti le mieux implanté sur toute l’étendue du territoire national. De même, en fonction du nombre de ses élus tant au niveau parlementaire qu’au niveau local.

S’agissant de notre bilan dans la gestion du pays, nous retiendrons au plan politique la transition réussie du régime de parti unique au régime du multipartisme. C’est une victoire importante que nous devons au PCT qui avait engagé le processus de mutation en 1990 et l’a conduit jusqu’à son terme. Il faut le dire parce que nous avons l’habitude de penser que les choses sont faciles lorsque nous les avons acquises. Nous oublions que d’autres autour de nous n’y sont parvenus. Il existe encore des pays au monde qui ont gardé le système de parti unique avec des peuples qui continuent à lutter vainement pour arriver au multipartisme.

Au plan socio-économique, nous avons aménagé et reconfiguré géographiquement notre territoire en l’équipant d’infrastructures de base et en désenclavant l’arrière-pays. Si pour le jeune de vingt ans qui n’a pas connu le Congo d’il y a 30 ans, l’état actuel du Congo ne peut pas l’impressionner parce que se comparant aux autres pays développés qu’il découvre chaque jour à travers les médias qui lui sont d’ailleurs facilement accessibles, grâce toujours à l’action du PCT, il est injuste pour un congénère du PCT, c’est-à-dire pour celui qui a sensiblement le même âge que le PCT, de ne pas reconnaître les avancées qui s’opèrent sous ses yeux.

Sur le plan de l’éducation, toute l’élite que nous avons aujourd’hui a été formée dans nos écoles, collèges et lycées implantés dans tous nos départements et presque tous nos districts. On peut poursuivre la liste des avancées sous le régime PCT.

Il est clair que comme l’avait dit le président de la République, il n’est point d’œuvre de construction ou de reconstruction d’un pays, d’une nation, d’une économie qui ne soit parfaite et totalement achevée. Nous n’avons nullement pensé ni dit que nous avons tout fait, tout réussi et qu’il n’y a plus rien à faire. Beaucoup assurément reste à faire. Même ce qui a déjà été fait comporte sans doute quelques faiblesses et imperfections. Il nous appartient à nous tous de les corriger.

Pourquoi le PCT n’assure-t-il pas ses échecs et veut les rejeter sur d’autres ?  

Nous n’avons jamais rejeté nos échecs sur les autres. Le PCT a toujours assumé ses erreurs. D’abord, à la Conférence nationale de 1972, ensuite à la session extraordinaire du Comité central de 1975 avec la déclaration du 12/12/75, ensuite encore à la conférence sur les entreprises d’Etat en 1980, puis encore ensuite à la Conférence nationale avec la célèbre expression du président Denis Sassou N'Guesso « J’assume ». Et je viens encore de vous rappeler les propos du président en 2015. Il n’y a pas d’hommes politiques qui sachent assumer leurs erreurs et échecs comme on le ferait au PCT. Tous ceux qui n’aiment pas assumer finissent par quitter le PCT et pensent être devenus propres en se vêtant de nouveaux habits sans s’être lavés.

Le PCT reconnaît-il sa responsabilité dans ce que certains observateurs appellent la « mauvaise » gestion de la chose publique sous son règne ?

Si c’est au PCT d’engager sa responsabilité dans les actes de prévarication que le président Fulbert Youlou reprochait à ses collaborateurs en 61-63, dans la mauvaise gestion que le président Massamba-Debat a dénoncée dès sa prise de pouvoir le 17 aout 1963, en 1964 lors du congrès du MNR, en 1965 et en 1966 lors des sessions du Comité central du MNR, nous l’assumerons, puisque l’échec est orphelin. De même, si c’est au PCT d’assumer tout seul tous les choix économiques que nous avons pris ensemble dans le cadre du parti unique avec les nationalisations d’entreprises, la création des entreprises d’Etat, nous acceptons, puisque personne d’autre ne peut l’assumer.

Si c’est au PCT de répondre des privatisations et des liquidations des entreprises et fermes agropastorales orchestrées de façon sauvages et maladroite au lendemain des années 90, sans garantie de relance et de reprise par des opérateurs crédibles, nous l’acceptons, puisque tous ceux qui ont procédé ainsi se passent pour des saints. Enfin, si c’est le PCT qui doit répondre des actes de destruction et de sabotage des infrastructures que nous construisons et reconstruisons avec peine, pourquoi pas ? Le président de la République nous a toujours enseigné que l’avenir de la démocratie dans le monde, en Afrique, dans cette partie de l’Afrique et au Congo, n’appartient non à ceux qui prétendent être innocents, purs et sans tâche, mais à ceux qui sauront se convertir à cette nouvelle expérience. C’est d’ailleurs à cela que nous invite le secrétaire général Pierre Ngolo, lorsque dans la postface de mon livre il nous rappelle : « A 50 ans, on entre dans la voie de la sagesse… La sagesse exige que les militants de notre parti puissent prêcher par l’exemple, qu’ils s’engagent résolument dans la lutte contre les antivaleurs et s’abstiennent de tout comportement qui ferait douter le peuple de notre capacité à le conduire vers les cimes rêvées de l’émergence.»

 

 

La Rédaction

Légendes et crédits photo : 

Anatole Collinet Makosso, auteur du "Jubilé, connaître son parti pour mieux le servir"/Adiac

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