Antoinette Dinga Dzondo : « L’intégration des populations autochtones est une œuvre de longue haleine »

Samedi 9 Juillet 2016 - 15:54

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La ministre des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité, a conduit du 6 au 8 juillet une mission conjointe des agences du système des Nations unies-gouvernement, à Bétou dans la Likouala, en passant par Enyellé. Après trois jours d’intenses activités, Antoinette Dinga Dzondo revient sur sa première mission de terrain.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Mme le ministre, vous avez eu une série d’activités à Bétou avec les autorités locales, les réfugiés et les populations autochtones. Alors qu’est-ce qu’on peut retenir de votre séjour ?

Antoinette Dinga Dzondo (ADD) : Comme vous le savez, la mission principale du ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité est de voir ce qui se passe au niveau des populations qui vivent dans la précarité pour leur donner la dignité humaine. Il s’agit notamment de toutes les populations vulnérables (handicapées, populations autochtones, malades, personnes de troisième âgé, réfugiés). Dans mes discussions avec les partenaires au développement, il a été porté à mon attention qu’il y avait beaucoup d’activités qui se déroulaient ici dans la Likouala. C’est pour bien comprendre ce qu’on me disait, saisir l’importance, l’envergure des activités qui se mènent sur le terrain et préparer les projets et programmes à venir que j’ai effectué cette visite. Nous avons eu d’intenses activités, nous avons beaucoup visité, parlé et aujourd’hui je suis à même de dire que je peux mener les discussions avec les partenaires pour améliorer vraiment les conditions de vie des populations qui vivent dans la précarité.

LDB : Bétou, ce sont pratiquement des partenaires qui œuvrent pour le bien-être de la population. Les agences du système des Nations unies et la société Likouala Timber sont-ils des partenaires de poids pour le gouvernement congolais ?

A DD : Ce que j’ai vu, c’est que beaucoup d’efforts ont été fournis et, au nom du gouvernement, j’aimerais remercier les agences du système des Nations unies qui aident les autochtones à s’intégrer. Mais l’intégration des populations autochtones est une œuvre de longue haleine. Peut-être devons-nous nous asseoir au niveau du gouvernement. Que voulons-nous qu’ils deviennent, ces peuples autochtones ? Est-ce qu’ils doivent rester dans la forêt pour que nous venions leur rendre visite de temps en temps, ou bien nous voulons vraiment en faire des citoyens congolais à part entière ? C’est une réflexion que nous allons mener et, avec ce que j’ai vu, je suis maintenant capable de participer aux discussions, que ce soit au niveau du gouvernement ou avec des partenaires au développement qui veulent bien nous aider dans ce domaine.

Il y a un partenaire important ici qui participe et contribue au développement du département, notamment la société Likouala Timber. Je crois que nous devons aussi nous asseoir avec cette société pour regarder le développement de ce département avec cet acteur qui contribue de beaucoup.  Nous avons aussi visité le Centre de santé intégré qui vit grâce à Likouala Timber qui a, non seulement fourni du matériel mais aussi de l’électricité et de l’eau. Nous avons visité des écoles, ce sont les mêmes problèmes que nous avons dans tous les départements : la qualité de l’éducation et de la formation, la qualité des infrastructures, des routes. En tout cas, tout doit être revu, comment nous pouvons travailler main dans la main avec les agences du système des Nations unies pour réellement aller dans le programme du président de la République, « La marche vers le développement ». Ici, il y a encore beaucoup à faire. Avec ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, je me sens prête à participer aux discussions qui vont avoir lieu sur la préparation du prochain cycle du Plan national de développement (PND). Quand il s’agira de parler de la Likouala, je saurai qu’il y a des problèmes de désenclavement, d’assainissement, de ressources humaines, d’emploi. Il faut pousser la jeunesse à travailler puisqu’il y a beaucoup de potentialités, il faut montrer aux jeunes comment mettre en valeur toute cette richesse que nous voyons ici.

LDB : Et s’il y avait des leçons à tirer au terme de votre première visite de terrain ?

 A D D : Les leçons, il y en a de plusieurs ordres, mais j’aimerais insister sur la cohabitation. Nous avons ici la première cohabitation entre les agences du système des Nations unies et les autorités locales. Ce que j’ai appris, c’est que la communauté urbaine de Bétou concentre un grand nombre d’agences du système des Nations unies par rapport aux autres départements du pays. J’ai parlé aux autorités et aux représentants des agences, il faut qu’ils dialoguent beaucoup pour une cohabitation harmonieuse, pour éviter des soupçons. Il faut bien communiquer, la transparence dans ce que nous faisons et une bonne communication, cela va éviter les soupçons.

La seconde leçon, c’est la cohabitation entre les réfugiés et les populations de Bétou. Ce que j’ai perçu, les deux s’accusent. A notre arrivée, j’ai parlé d’éviter de promouvoir des inégalités, et ce que j’ai perçu, c’est que les nationaux pensent que tout est fait en faveur des réfugiés. De leur côté, les réfugiés disent que nous avons des droits, ils oublient qu’ils ont des devoirs. On les a accueillis, mais ils veulent tout et la population nationale se défend. Il y a donc cette friction, le gouvernement devrait regarder cette question avec beaucoup de tacts parce que les questions de peuplement, de migration, de réfugiés se mélangent à un moment donné et on ne sait plus qui migre et qui est réfugié. Je pense que c’est maintenant qu’il faut éviter que les problèmes s’aggravent. Il y a la commission tripartite, regroupant le gouvernement congolais et ceux des pays concernés et le HCR qui devait permettre de regarder ces choses. Je suis venue, j’ai vu, j’ai entendu, je pourrais aussi contribuer aux discussions pour que la situation ne s’envenime. Les réfugiés pensent qu’ils ont tous les droits, mais je leur ai rappelé qu’ils ont aussi des devoirs.

LDB : Et pour terminer !

A D D : Je remercie le système des Nations unies de m’avoir permis de venir toucher du doigt les réalités du terrain parce que j’en ai profité aussi pour discuter avec mes collaborateurs. Ils m’ont exposé les difficultés dans lesquelles ils vivent. Je remercie également les autorités locales qui nous accueillis.

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

Antoinette Dinga Dzondo répondant aux questions de la presse ; les élèves autochtones de l’école ORA de Makodi (district d’Enyellé) ; crédit photo Adiac

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