Bande dessinée : Panique à Kinshasa illustre la paranoïa kinoise

Mercredi 27 Août 2014 - 16:46

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L’album du dessinateur Asimba Bathy paru sous son label personnel, Les éditions du Crayon noir, met les projecteurs sur le comportement fâcheux des habitants de la capitale qui sont  passés maîtres dans leur capacité à créer la psychose générale à partir de rien et à s’en accommoder.

À un peu moins de deux mois de la présentation de Panique à Kinshasa qu’il prévoit en octobre, l’auteur de la bande dessinée (BD) s’est permis un commentaire sur son contenu. En effet, il ne faudrait pas mieux pour susciter l’envie de la lire comme le laisse pressentir son discours entamé de la sorte : « Le Kinois est fort en fiction ». Comme un peu pris d’admiration pour ce « talent » particulier qu’il reconnaît à ses concitoyens kinois mais rendu sur le ton d’un reproche, il explique : «  Le Kinois est ingénieux, fort dans l’invention de faits qui n’existent pas. Alors qu’il n’y a rien au fond, il parvient à se créer une histoire qu’il amplifie à sa façon, il finit par y prendre peur lui-même et ne sait plus comment la gérer ».

Ce qui semble le plus surprendre dans l’observation dont Asymba Bathy a fait le partage aux Dépêches de Brazzaville, c’est que, toujours de façon assez invraisemblable, «  comme pour se ressaisir », dans une sorte de sursaut, « il crée un évènement autour pour essayer d’y apporter un semblant d’accalmie et tout le monde est content, le climat redevient paisible ». Le comble, il poursuit : « Et, en fin de compte lorsque l’on cherchera à savoir ce qui s’est réellement passé, l’on ne trouvera rien. Car d’ordinaire le Kinois vous affirme avoir vu telle chose à tel endroit quand vous vous décidez d’aller vérifier, c’est là qu’il va vous dire : « En fait, ce n’est pas moi qui ai vu, mais cela m’a été plutôt rapporté par untel qui lui a été le témoin des faits. Et une fois en contact avec le présumé témoin indiqué, lui aussi à son tour dira avoir reçu l’information d’une tierce personne laquelle vous racontera aussi la même chose et ainsi de suite, sans que jamais l’on ne remonte à la source, la bonne personne qui aurait vécu les faits dont les circonstances et les détails se sont propagés et sont parvenus à l’oreille de tous. Pourtant, au départ, tout le monde affirmait avoir vu et qu’au final tout le monde avoue avoir entendu. Un ouï-dire dont tout le monde a fait sien jusqu’à prétendre avoir vu de ses yeux et à se présenter comme un témoin oculaire alors qu’en fait, il n’en était qu’un auriculaire et encore… ». Et Asymba Bathy de conclure : « Donc tout le monde l’a su par quelqu’un que l’on pourra pas identifier… ».

Une BD carte postale

Asimba déclare avoir abordé « une démarche multiple », au-delà de cette drôle de mentalité kinoise ci-haut mentionnée. Il soutient dès lors : « J’exploite cette réalité dans ma bande dessinée avec en background l’histoire de Kinshasa ». Portée par le coup de projecteur sur l’imagination cocasse dont ses habitants savent faire preuve, l’histoire de Panique à Kinshasa donne à voir la ville « comme elle n’a jamais été vue auparavant en BD », affirme l’auteur. Et d’ajouter : « J’ai dessiné Kinshasa dans tous les sens. J’ai pris en compte son architecture urbaine et citadine, l’arrière-ville et je suis même allé jusque dans l’arrière-pays pour cela. Et donc, cela va donner à découvrir Kinshasa car j’ai en quelque sorte réalisé la carte postale de ma ville d’habitation que j’aime beaucoup. Je la présente à travers les gens et leurs spéculations d’un côté et de l’autre je montre son architecture. Et, pour couronner le tout, j’ai expérimenté une nouvelle manière de faire la mise en couleur de la BD de sorte qu’elle soit différente, extraordinaire ».

Le bédéiste reste convaincu de l’importance à mettre en lumière sa ville. Il est parti du suivant constat : « Plusieurs Kinois, quoiqu'ils  n’aient jamais quitté leur ville, se considèrent tels des Parisiens. Il faut dire que le cinéma, les photos-romans et autres revues, gravures de mode, etc. que les gens se partagent y contribuent en nous saturant d’images de Paris, Bruxelles, New-York ce qui a pour effet de les sublimer aux yeux de beaucoup ». Et de s’alarmer un tant soit peu sur le fait suivant « surtout depuis que Bandal, Lemba et Limete sont devenus Paris », il dit se réjouir d’avoir déjà pensé à vendre l’image de la capitale. « Je m’étais dit pourquoi ne pas vendre positivement, culturellement Kinshasa à partir de ce décor que j’ai choisi pour illustrer la ville ? », nous a-t-il confié. Conforté ici du fait que « cela fera en sorte qu’elle soit aussi à son tour vue dans le monde entier ». Et de faire part de sa certitude d’y être parvenu  : « J’ai eu l’occasion, lors des séances de signature d’autographes en France, de voir la surprise des gens qui me demandaient : Est-ce bien ça Kinshasa ? Ah non ! avec la guerre qui sévit dans votre pays…Et donc, quand je répondais oui, il s’en est trouvé qui ont pris rendez-vous disant alors qu’ils viendraient vérifier par eux-mêmes, s’accorder un passage dans notre ville. Et donc, je crois avoir réussi à faire comprendre que Kinshasa est une ville vivable et fréquentable ».

Deux planches de Panique à Kinshasa

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Deux planches de Panique à Kinshasa