Centrafrique : le quotidien au rythme de meurtres, pillages et déplacements

Samedi 3 Mai 2014 - 13:30

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Les déplacements incessants et massifs de populations et la poursuite des violences prouvent combien la réconciliation entre séléka et anti-balaka semble une mission impossible malgré les efforts des soldats français et africains de l'opération Sangaris et de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), appuyés par des renforts européens de l’Eufor-RCA

Des observateurs avisés vont jusqu’à avancer que l’arrivée de la force de l’Union européenne en Centrafrique, devenue opérationnelle depuis mercredi, aura du mal à changer la donne. Composée actuellement d’environ 150 hommes, l’Eufor-RCA qui doit à terme atteindre les 800 soldats, sera chargée de sécuriser l’aéroport de Bangui et deux autres quartiers de la capitale durant les 6 mois que durera son mandat. Le relais de la force internationale en poste à travers le pays sera assuré par 12 000 Casques bleus de l’ONU dont le déploiement ne devrait pas intervenir avant septembre.

Selon des sources concordantes, la population est toujours sous pression en Centrafrique d’autant que la situation sur place demeure complexe et varie selon les régions et les localités. Ce qui fait que des milliers de personnes vivent encore retranchées dans des lieux de culte ou dans certains quartiers totalement enclavés, notamment à Bangui et à Boda.

« Le niveau de peur et de violence est tel que les populations n’ont parfois d’autre choix que de partir ailleurs dans le pays ou par-delà les frontières afin d’échapper aux atrocités et aux menaces de mort qu’ils subissent au quotidien. Qu’ils décident de rester ou de partir, il est fondamental que les civils et leurs biens soient respectés », a déclaré par exemple samedi Juerg Eglin, chef de la délégation du CICR en République centrafricaine.

À Bangui, la capitale, le chef d’un quartier témoigne : « Nous ne pouvons plus nous déplacer librement depuis des mois. Nous sommes bloqués ici, privés de tout, avec la peur constante d’être tués. » Des familles entières doivent faire face à des problèmes récurrents d’insécurité et d’accès à la nourriture ou aux soins de santé et sont parfois sans nouvelles de leurs proches.

Le CICR souligne que les violences qui se poursuivent à travers la Centrafrique rendent l’accès aux structures de santé difficile si bien que les malades et leurs accompagnants ont peur de s’y rendre pour y recevoir des soins. « Il est primordial que tous les blessés et les malades puissent avoir accès aux soins dont ils ont besoin, sans discrimination : c’est une question de vie ou de mort. Nous appelons toutes les parties au conflit à garantir l’accès des patients aux soins médicaux et à respecter et protéger tant les patients que le personnel médical, en toutes circonstances », a lancé Juerg Eglin.

Pour l’heure, et en coopération avec la Croix-Rouge centrafricaine, le CICR s’emploie à améliorer les conditions de vie des déplacés, notamment sur le site de Mpoko, à Bangui, en livrant chaque jour de l’eau, en organisant le ramassage des ordures et en construisant des latrines. Il distribue également de la nourriture à des familles déplacées. Des dizaines de personnes ont pu ainsi bénéficier d’un accompagnement du CICR pour se rendre dans des structures médicales situées dans d’autres quartiers de Bangui.

La situation inquiétante qui prévaut en Centrafrique a conduit les organisations humanitaires comme Médecins sans frontières, le CICR et la Croix-Rouge centrafricaine, ainsi que les Croix-Rouge du Tchad, du Cameroun, de la République démocratique du Congo et du Congo, à renforcer leur action sur place. Elles poursuivent leurs efforts d’aide multiformes en faveur des membres des familles dispersées. Notons que des milliers de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays ou cherchent refuge dans des pays voisins.

En rappel, la Centrafrique a sombré dans le chaos lorsque l’ex-rébellion Séléka, à majorité musulmane, a pris le pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014 dans un pays composé à 80% de chrétiens, multipliant les exactions. Pour faire face à cette situation, des milices chrétiennes, hostiles aux Séléka et plus généralement aux musulmans, se sont formées, semant elles aussi la terreur parmi les civils. Le conflit a fait des milliers de morts et près d’1,5 million de déplacés.

Nestor N'Gampoula