Cinéma : « Le silence des mots », un cri de douleur contre les massacres et viols

Vendredi 13 Mai 2022 - 13:49

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Sorti le 21 avril dernier et diffusé sur Arte reporter, le long métrage documentaire choc réalisé par Gael Faye et Michael Szatanke dénonce la loi du silence entourant le viol commis par les soldats français au Rwanda. Vingt-huit ans après les faits, des femmes rwandaises tutsies rescapées du génocide se battent pour que justice soit faite, mais en vain.

En 1994, un premier génocide africain éclate au Rwanda, les tutsis basculent brutalement dans l’horreur, un cauchemar incessant s’installe, et dont l’objectif semble être l’éradication de la population tutsie. Les habitants, dans leurs villages et sur les routes subissent frontalement le choc de violences de toutes sortes perpétrées par les militaires, les hommes ivres du pouvoir que leur donnent les armes, et surtout cette arme redoutable et transgénérationnelle que l’on ne connaissait pas dans le pays, le viol utilisé comme arme de guerre au pouvoir de destruction ravageur, aggravé pour de nombreuses victimes par une obligation au silence.

« Le silence des mots » raconte l’épouvantable calvaire de Marie Jeanne, Concessa et Prisca et d’autres femmes tutsies violées par les militaires français de l’opération turquoise en 1994. Déjà victimes des génocides hutus, ces femmes pouvaient trouver refuge dans les camps de Murambi et Nyrushishi. « La question de la justice post-génocide a toujours été importante pour moi ainsi que le travail de mémoire. Mais une mémoire sans justice ne sert à rien. Secrétaire depuis 2000 du collectif des parties civiles pour le Rwanda, je me sentais légitime pour m’emparer de l’histoire de ces femmes qui ont porté plainte en France », a expliqué Gael Faye.

En 2009, ces femmes décident de saisir le Tribunal de grande instance de Paris. L’instruction, ouverte un an plus tard, a finalement été confiée en 2012 au pôle « Génocide et crimes contre l’humanité ». Depuis lors, rien n’est fait, un silence assourdissant sur fond politique. Les rescapés ont le souci de conserver la mémoire pour eux, la peur de l’oubli et l’entorse à la transmission de la vérité hantent ces femmes depuis bien longtemps.

Concessa, Prisca et Marie Jeanne retournent avec leurs enfants sur les lieux du génocide et des crimes. Ces trois femmes survivantes affrontent leur passé, un cheminement douloureux mais nécessaire pour se libérer et entrevoir l’avenir. « L’histoire d’un génocide ne finit jamais de s’écrire et les témoins qui ont échappé au désastre se risquent parfois à nous raconter des histoires dont il ne reste que des ruines, des récits dont les sons et les silences », indique le réalisateur.

Avec subtilité et pudeur, ce film est une réflexion sur l’indicible, le pouvoir des mots et le poids du silence comme l’affirme Gael Faye. « Au-delà de mon histoire personnelle familiale, je me sentais légitime pour m’emparer de l’histoire de ces trois femmes survivantes du génocide, ayant porté plainte en France. Elles sont dans une démarche active, il ne semblait donc possible de leur demander de s’exprimer devant la caméra », renchérit-il.

Cissé Dimi

Légendes et crédits photo : 

L'affiche du film/DR

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