Collège de France : leçon inaugurale de François-Xavier Fauvelle

Lundi 14 Octobre 2019 - 12:34

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Le titulaire de la chaire "Histoire et archéologie des mondes africains", première chaire permanente dédiée  à l'Afrique,  s'est prêté, le 3 octobre, à la leçon inaugurale dans l'amphitéâtre Marguerite de Navarre.

L'archéologue et historien a été élu en novembre 2018 à la chaire "Histoire et archéologie des mondes africains". Longtemps négligée, sinon niée, l'histoire ancienne de l'Afrique a résonné haut et fort, dans l'enceinte du Collège de France. Pourtant, ce jour-là, on trouvait bien peu d'Africains dans l'amphithéâtre Marguerite de Navarre pour la leçon inaugurale donnée par François-Xavier Fauvelle. 

"Docet omnia" (tout doit être enseigné, tout doit être connu) : telle est la devise (en latin) du Collège de France, rappelée en préambule par l'administrateur de l'institution, Thomas Römer.  "Or, en ce qui concerne le continent africain, cette devise n'a pas été beaucoup appliquée. Les raisons de cette négligence, voire de cet évitement, sont multiples. L'histoire coloniale de la France y est certainement pour quelque chose", a-t-il poursuivi...

Dans ce contexte, "le temps perdu n'existe pas, mais il n'y a plus de temps à perdre", a déclaré, lors de son introduction, Patrick Boucheron, celui-là même qui avait proposé la candidature de François-Xavier Fauvelle au Collège. Ce dernier entendait donner "une leçon d'histoire sous la protection incertaine des ancêtres".

Comme au Mali, du temps du roi Moussa Soleiman au XIVe siècle, quand au cours d'une cérémonie, des personnages masqués venaient rappeler au souverain que d'autres étaient assis au même endroit avant lui et qu'on se souvenait de leurs actes...En 2007, à Dakar, un président de la République française  déclarait  que "l'Homme africain n'(était) pas assez entré dans l'Histoire''.

"Beaucoup ont été scandalisés par ces propos, et avec raison. (...) Loin que l'Homme africain, avec un grand H, souffre d'un défaut d'Histoire, avec un grand H, ce sont plutôt nos sociétés contemporaines qui souffrent d'un déni de l'historicité des sociétés africaines", a observé  François-Xavier Fauvelle. Autrement dit, "s'il n'est jamais superflu de rappeler que les sociétés africaines sont faites de la même étoffe historique que toutes les sociétés, c'est parce que l'Afrique a vu sa coprésence au monde depuis longtemps méconnue"

Méconnue et niée notamment en raison de "l'expérience de la traite par les esclaves africains (...), réduits à une condition de marchandises, victimes et instruments de la globalisation du monde", a souligné l'archéologue et historien, poursuivant:  "Suivons (le philosophe camerounais)  Achille Mbembe quand il écrit que les expériences postcoloniales africaines devraient être le grand sujet d’observation de notre temps. Parce que ce qui s’y passe depuis la sortie de la 'grande nuit ' coloniale, les ratés politiques et les expériences sociales foisonnantes sont le laboratoire de notre avenir humain. Parce que l’Afrique n’est pas en panne d’Histoire, mais en avance sur l’Histoire".

Dans sa conclusion, le titulaire de la nouvelle chaire a une nouvelle fois évoqué les "ancêtres" : "Pour leur faire remarquer que tout notre travail d'historiennes et d'historiens consiste en somme à les inviter dans le présent, pour leur faire comprendre que la connaissance que nous déployons à leur sujet, est le gage de notre reconnaissance à leur égard", a-t-il expliqué.

Noël Ndong

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