Couleurs de chez nous. Nécrologie

Jeudi 2 Mai 2019 - 21:12

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En termes simples, il s’agit d’un communiqué qui annonce le décès d’une personne. À l’époque où la radio était le principal moyen de communication, les Congolais restaient accrochés à 9h du matin et vers 17h pour écouter les communiqués nécrologiques.

Puis d’autres médias ont pris le relai à l’instar de la télévision (même si pour des raisons données, la Télévision nationale a mis fin à cette politique de diffusion de la nécrologie sur ses antennes) et des journaux comme Les Dépêches de Brazzaville.

Pour faire dans l’air du temps, comme nous le signalions dans une des chroniques précédentes « Adieu la palme ! », les Congolais ont opté pour des annonces sur des banderoles avec la photo de la personne décédée. Timide au départ, le phénomène a pris de l’ampleur si bien qu’il devient une préoccupation en soi. Pour ne pas parler de problématique de société.

Le nombre de banderoles qui surplombent nos villes interpelle sur bien d’aspects tels que le taux des décès dans le pays, leur nature, le profil des personnes mortes, la politique sanitaire et, notamment, la qualité des hôpitaux.

En effet, alors que certains s’arrêtent à l’information prioritaire qui est diffusée, à savoir le décès, d’autres, un tantinet philosophes et sociologues, en font un objet de recherche. De plus en plus, ces banderoles aux couleurs nécrologiques attirent l’attention des gens.

« Cette jeune dame est morte ? Pourtant, je l’ai vue à peine hier ! » ; « Qu’est-ce qui nous arrive ? Comment les gens peuvent-ils mourir de la sorte et sans cause ? » ; « Des décès dans chaque rue ? », etc. Telles sont les interrogations qui fusent et auxquelles personne n’ose apporter des réponses. Mais les réponses existent.

Bien plus : la nature de ces affiches renseigne sur le mode de vie des Congolais au niveau de leurs rapports avec la mort en tant que phénomène naturel, cultuel et social. La mort comme épreuve douloureuse. La mort comme événement festif. La mort comme facteur de mobilisation ou de destruction des familles ou de la société. La mort comme un élément d’affirmation sociale.

Bref ! Critiqué et toléré, l’affichage des morts au moyen des banderoles est diversement interprété. D’abord comme une désacralisation de la mort que nos croyances relèguent parmi les choses sacrées et auxquelles il faut une vénération. Il est vrai que la banderole informe mais on sait aussi que le temps qu’elle passe, exposée à l’entrée des rues et avenues, est proportionnel à la durée de la veillée observée pour le mort.

A l’image des communiqués diffusés sur les antennes des télévisions, l’exposition des photos de décédés sur la place publique tranche avec le caractère privé qui devait entourer la mort. Un caractère privé mis à mal jusqu’à la dernière demeure car, désormais, n’importe qui accompagne le mort au cimetière.

Et pour finir avec la banderole, il n’est pas exclu qu’elle soit à l’origine de la guéguerre entre les membres d’une famille. Parfois parce que la banderole est truffée de fautes ou d’incorrections. Come quoi, on y expose aussi l’inculture.

Van Francis Ntaloubi

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