Crise du lac Tchad : des risques majeurs encourus dans le transfert massif désordonné d’eau du fleuve Congo

Jeudi 1 Mars 2018 - 18:24

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Le plan de sauvetage de la région du lac Tchad confrontée à la pire sécheresse et à l’insécurité aura des effets incalculables sur l’avenir de la RDC. Évalué à près de dix milliards de dollars américains USD, le projet discuté du 26 au 28 février à Abuja (Nigéria) dans le cadre d’une conférence internationale réunissant des hommes politiques, experts scientifiques et investisseurs du monde entier vise à restaurer le lac Tchad qui a perdu 90 % de sa superficie en l’espace de quarante ans. Réagissant dans les colonnes du Courrier de Kinshasa, Achille Bondo Landu, expert en gestion de l’eau, attire l’attention de l’opinion nationale et internationale sur plusieurs risques majeurs.

Le fleuve Congo représente un enjeu vital aussi bien pour la RDC que pour le Congo Brazzaville. La question liée à son intégrité physique ne peut être prise à la légère, sans prendre la peine d’expliquer les grands enjeux autour de ce qui apparaît comme le simple dépannage d’un lac qui se vide depuis … 40 ans. Achille Bondo choisit de briser le silence sur ce projet bien plus vieux qu’on ne le pense. En fait, dans les années 1970, il s’était posé la question du transfert d’eau à la suite de la grave sécheresse qui avait sévit au Sahel africain. À cette époque, la superficie du lac était passée de 22 000 à 8 000 km² en un temps très court. Par contre, il y avait une nette augmentation des précipitations dans la zone de la forêt tropicale humide de l’Afrique, notamment dans le bassin versant du fleuve Congo, note l’auteur Bondo dans un livre publié en 2010 et intitulé « L’eau, principale ressource économique et enjeu stratégique majeur pour la RDC au 21e siècle ». Par conséquent, estimait-on à l’époque, le problème pouvait être résolu par un transfert massif d’eau des régions excédentaires du bassin versant du fleuve Congo vers les zones déficitaires du Sahel, entre les affluents nord du fleuve Congo et le bassin versant du Chari, principal tributaire du lac Tchad. Faute de financement et en raison de la crise du pétrole et de la crise financière qui ont secoué les économies africaines, le projet n’a plus abouti. Et le lac Tchad a continué à perdre sa superficie, entraînant des effets néfastes sur la vie des populations riveraines. En fait, le lac concentre environ 80 % de l’activité économique de cette région dominée par la pêche, l’élevage et l’agriculture. Dans la dimension sécurité, il y a le déplacement des populations vers les zones mieux adaptées et l’apparition du Groupe armé Boko Haram qui écume cette partie de l’Afrique.

Huit ans plus tôt, Achille Bondo a bien posé un problème qui semble occuper de nouveau le devant de l’actualité. Il ne peut être autrement, martèle l’auteur de « Document des stratégies pour la transformation des ressources naturelles de la RDC en richesse économique » (janvier 2018), car le fleuve est le principal levier pour le développement à long terme de la RDC. C’est également la première raison majeure de ne pas mettre en exécution un tel projet sans voir pu mesurer les conséquences possibles. Grâce au fleuve et à son débit régulier, des projets comme Inga peuvent continuer à exister. Il est possible d’envisager l’implantation des nouvelles centrales hydroélectriques, d’irriguer les cultures et de développer les investissements productifs. Le fleuve, c’est aussi les échanges commerciaux internes et la desserte des provinces intérieures. Mais quels sont les autres risques majeurs décelés par l’auteur ? Les préoccupations concernent les conséquences écologiques de ces transferts massifs. L’impact environnemental ne peut être minimisé : ponction des volumes importants d’eau, déstabilisation des écosystèmes qui dépendent des cours d’eau donateurs, assèchement des cours d’eau donateurs et destruction de leur écosystème, disparition de certaines activités économiques, baisse des débits et perturbations du transport fluvial, de la production hydroélectrique, sans oublier les dommages sur l’environnement et le déplacement des populations.

Face aux différents risques dénombrés (écologie, débit du fleuve, conséquences cumulées des prélèvements, changements climatiques, etc.), Achille Bondo estime les préoccupations suffisamment légitimes pour mobiliser les experts congolais. Il explique, par exemple, que le pays ne dispose pas des connaissances suffisantes sur le volume global de l’eau du fleuve Congo. Cela représente déjà un vrai problème. Pour lui, il revient à la RDC de reprendre l’initiative dans ce débat car, en plus de la nécessité de bien présenter l’ensemble des enjeux et défis à relever, il faut arriver à mettre sur pied un projet économiquement viable et veiller à une évaluation et un partage équitable entre les régions d’origine et réceptrice des bénéfices économiques. Nous y reviendrons.

Laurent Essolomwa

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