Election du directeur général de l’OMS: Tedros Adhanom Ghebreyesus veut être le premier Africain à diriger l’organisation

Jeudi 10 Novembre 2016 - 18:00

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Souhaitant un monde où chacun peut mener une vie saine et productive, quels que soient son identité et son lieu de vie, l’ancien ministre éthiopien qui a roulé sa bosse à la Santé puis aux Affaires étrangères, avant de présider le conseil du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme est, à 51 ans, candidat à la direction générale de l’Organisation mondiale de la Santé. Au sortir de son audience avec le président Denis Sassou N’Guesso, le 9 novembre, Tedros Adhanom Ghebreyesus a expliqué ses motivations dans une interview avec Les Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : Voudriez-vous bien, d'entrée de jeu, vous présenter à nos lecteurs ?

Tedros Adhanom Ghebreyesus : Je suis Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, originaire d’Ethiopie. J’ai pendant plusieurs années travaillé en tant que fonctionnaire dans mon pays. J’ai occupé les postes de ministre des Affaires étrangères, je suis actuellement Conseiller spécial auprès du Premier ministre avec rang de ministre. Auparavant, j’étais ministre de la Santé publique de l’Ethiopie, président du conseil du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme, président du Conseil du Partenariat pour la santé de la mère et de l’enfant. Je suis titulaire d’un doctorat en santé communautaire et d’un master en Sciences immunologiques des maladies infectieuses, spécialiste et auteur reconnu internationalement sur différentes problématiques relatives à la santé. Pour tout dire, je suis candidat à la direction générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Je ne suis pas seulement le candidat de mon pays, mais le candidat de l’Union africaine à ce poste. Ma candidature a été validée lors du dernier sommet de l’UA en janvier 2016 à Addis-Abeba. Vous le savez bien, depuis sa création, l’OMS n’a jamais été dirigé par un Africain.

LDB : Qu’est-ce qui vous a poussé à être candidat à cette élection qui va se dérouler en mai 2017 ?

TAG : Je veux un monde où chacun peut mener une vie saine et productive quels que soient son identité et son lieu de vie. Pour que cette vision se réalise, il faut faire de l’OMS une organisation forte et efficace qui peut répondre aux nouveaux défis pour atteindre les objectifs du développement durable dans le domaine de la santé. Pour cela, l’OMS a besoin d’une gestion redynamisée qui combine des compétences requises dans les domaines de la santé publique, de la diplomatie et de la politique pour aborder les défis les plus urgents de l’heure.

LDB : Dans cette vision, quelles seront vos priorités si vous êtes élu à la tête de l’organisation ?

TAG : Ceci est une bonne question. Nous devons amener l’OMS à être plus dynamique et beaucoup plus efficace. Avec l’expérience acquise en Ethiopie et au niveau régional en matière de santé publique, je serai en première ligne pour prendre des initiatives et placerai l’OMS au centre des actions pour la santé mondiale et des grandes priorités internationales. En tant que directeur général, mon mandat va s'articuler autour de cinq priorités : 1- Réformer l'OMS, c’est à dire en faire un organisme plus efficace, transparent, responsable et indépendant, fondé sur la science et l'innovation, axé sur les résultats et tourné vers l'action ; 2- La santé pour tous. Il s’agit ici d’agir pour la couverture sanitaire universelle et s'assurer que chacun ait accès aux soins sans risquer de s'appauvrir, en favorisant l'allocation de ressources nationales consacrées à la santé, en renforçant les structures de soins de base ou encore en étendant l'accès aux services de prévention, aux diagnostics et aux médicaments pour les maladies transmissibles et non transmissibles. 3- Assurer la sécurité sanitaire, en renforçant la capacité des autorités nationales à détecter, prévenir et gérer les urgences sanitaires, y compris la résistance aux antibiotiques, et à gérer plus efficacement les conséquences sanitaires de grands mouvements de populations.

LDB : Quelles sont donc les deux autres priorités ?

TAG : C’est le triptyque femmes, enfants et adolescents. Il s’agit notamment de placer le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents au centre de la santé et du développement à l'échelle mondiale et mettre la santé au cœur des programmes pour l'égalité des genres. Enfin, nous allons soutenir les autorités sanitaires nationales pour mieux appréhender et gérer les conséquences sanitaires des changements climatiques et environnementaux. L’Afrique n’est pas en reste, car ce continent doit faire face à de nombreux défis. Près de 400 millions de personnes - soit environ un être humain sur 18 – n’ont pas accès aux services de santé de base. C’est un grand challenge pour moi. À cela, il faut ajouter les grandes pandémies et autres catastrophes naturelles. Pour cela, un engagement collectif de haut niveau est forcément nécessaire. Les autorités nationales et internationales doivent travailler ensemble et mettre les questions de santé au cœur de leurs programmes.

LDB : Vous êtes en pleine campagne, comment cela se passe-t-il ?

TAG : Justement, la campagne a déjà commencé. J’ai démissionné de mon poste de ministre des Affaires étrangères pour m’occuper de la campagne. C’est cela la raison de ma visite au Congo-Brazzaville. Je suis venu rencontrer le président de la République du Congo. Il était hier dans mon pays où il a rencontré notre Premier ministre et ont discuté de la question de ma candidature. J’aurais dû le rencontrer à Addis-Abeba, mais, par respect, j’ai préféré venir sur place pour qu’on en discute chez lui.

LDB : Que peut-on retenir de vos échanges avec le président de la République ?

TAG: Ma rencontre avec le président Sassou a été très fructueuse. Il m’a rassuré de tout son soutien. Comme je vous l’ai dit plus haut, je ne suis pas le candidat d’un seul pays mais du continent tout entier. Je suis très content de l’entendre de sa propre bouche. Après l’officialisation de ma candidature à Genève (le siège de l’OMS), le Congo est le premier pays pour ma campagne. Et pour nous, le président Sassou est un sage et on ne peut se passer de ses conseils et de son soutien. Nous avons aussi parlé de différents sujets d’actualité, notamment la situation en Libye, au Soudan du Sud, l’élection du nouveau président américain Donald Trump…

LDB : Quel est, enfin, votre dernier message à l’endroit de la communauté internationale sur ce qu’elle peut attendre de l’OMS ?

TAG : Les actions de l'OMS touchent des centaines de millions de vies dans le monde entier. Chaque programme, chaque initiative, chaque allocation de fonds est beaucoup plus qu'un chiffre ou un poste dans un budget. Il s'agit de sauver une vie. Il s'agit de permettre à un enfant d'atteindre l'âge adulte. Il s'agit de donner la possibilité à un parent de voir son enfant survivre et réussir. Il s'agit de permettre à une communauté de vivre sans maladie ou de mieux préparer un pays ou une région aux urgences et catastrophes. Voilà le changement que l'OMS peut apporter, en travaillant de concert avec les États membres et les partenaires internationaux. Je suis candidat au poste de directeur général de l'OMS, parce que je crois fermement en la faculté de cette organisation à avoir un impact positif et concret. J'espère que tous se joindront à moi pour que nous puissions travailler ensemble en faveur d’un monde en meilleure santé.

Propos recueillis par Thierry Noungou

Légendes et crédits photo : 

1- Tedros Adhanom Ghebreyesus à la sortie d'audience 2-Tedros Adhanom Ghebreyesus reçu le président Denis Sassou N'Guesso (DR)

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