Evasion fiscale : l’Afrique perd plus de 23 milliards de dollars par an

Jeudi 26 Novembre 2020 - 14:04

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Occasionnée par les abus à l’impôt sur les multinationales, l'évasion fiscale fait perdre à l'Afrique 23,2 milliards de dollars chaque année, selon un premier rapport sur la justice fiscale dans le monde, publié le 20 novembre dernier.

Les multinationales présentes en Afrique sont désignées par un réseau d’ONG comme étant la cause d’une évasion fiscale qui s’élève à 23,2 milliards de dollars par an, en termes de pertes d’impôts.

Selon l’étude qui a mobilisé plusieurs organisations (Tax justice network, Global alliance for tax justice et Public services international), si on y ajoute les 2,53 milliards de dollars d'évasion fiscale d’ultra fortunés d'Afrique, le continent africain perd au total 25,7 milliards de dollars chaque année.

En pleine Covid-19, souligne le rapport, cet argent aurait permis à l'Afrique de financer, sans aucun recours à des emprunts extérieurs parfois conditionnés, la riposte exclusivement sanitaire à la pandémie. Pour mieux présenter l'ampleur du problème que représente cette situation, les auteurs de cette réflexion font remarquer que cette somme aurait permis de recruter 10,13 millions d'infirmiers dans des centres de santé.

Intitulé : « Justice fiscale : état des lieux 2020 - La justice fiscale à l’ère de la Covid-19 », ce rapport marque une rupture avec les précédentes études sur l’abus à l’impôt vers les sociétés à l’échelle mondiale. C'est la première fois qu'une analyse des fuites fiscales dans le monde s'appuie sur les données agrégées des déclarations pays par pays récemment publiées par l'Organisation de coopération et de développement économiques, afin d’estimer les pertes de recettes au titre de l’impôt sur les bénéfices des sociétés pour l’ensemble des pays.

Les abus fiscaux internationaux coûtent, chaque année aux Etats plus de 427 milliards de dollars en recettes fiscales, note le rapport qui révèle que sur ce montant perdu, 245 milliards de dollars correspondent à des bénéfices transférés dans des paradis fiscaux par des multinationales pour alléger le montant des bénéfices déclarés dans les pays où elles exercent des activités, et ainsi payer moins d’impôts.

Les 182 milliards de dollars de pertes restants résultent de l’action d’individus fortunés qui cachent des biens et des revenus non déclarés à l’étranger, hors de portée de l’application de la loi.

En moyenne, alors que le monde est secoué par la pandémie de Covid-19 qui nécessite d’importants efforts financiers, les pays voient disparaître  annuellement l’équivalent de 9,2% de leur budget, en matière de santé dans des paradis fiscaux. Ces pertes sont proportionnellement encore plus lourdes pour les pays à faible revenu perdant en moyenne l’équivalent de près de 52% de leur budget sanitaire dans l’évasion fiscale, contre 8,4% pour les pays à revenu élevé.

Le pays africain le plus touché par cette situation est le Nigeria avec des pertes d’impôt estimées à 10,5 milliards de dollars. Viennent ensuite l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Angola, dont les pertes sont au-dessus de 2 milliards de dollars.

L'Afrique n'est pas le continent qui subit le plus les effets négatifs de l'évasion fiscale des multinationales, en termes de volume. Mais elle est la région du monde qui en souffre le plus à cause de sa faible capacité à mobiliser des ressources budgétaires et des conditions contraignantes d'accès aux marchés des capitaux.

Le rapport recommande une refonte en profondeur de la fiscalité internationale qui prendra plus en compte les intérêts des pays où se déroulent les activités des multinationales. Le système actuel permet encore à de grandes entreprises de consolider leurs performances financières et économiques dans des pays où elles paient le moins d’impôts possible, ou alors qui se caractérisent par une faible transparence des transactions financières.

Josiane Mambou Loukoula

Notification: 

Non