Insécurité à Béni : les députés du Nord-Kivu dénoncent le blocage du contrôle parlementaire

Jeudi 19 Avril 2018 - 18:11

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Les élus de la région estiment que le domaine de la défense ne doit pas rester tabou. Entre-temps, plus de cent organisations féminines des provinces de l’Ituri, du Maniema, du nord et sud-Kivu leur demandent de réintroduire, au bureau de l’Assemblée nationale, la motion de défiance initiée contre le ministre de la Défense accusé de laxisme dans la gestion de la situation sécuritaire à Beni et ailleurs dans le Grand Nord.

C’est dans la frustration que les habitants de Béni ont suivi le dénouement de la motion de défiance initiée par le député Paul Muhindo contre le ministre de la Défense, Crispin Atama. Comme il fallait s’y attendre, cette requête qui visait la tête du ministre interpellé pour incompétence dans la gestion de la situation sécuritaire à Béni n'a pas abouti. Le débat attendu en plénière sur la question n’a pas eu lieu alors que d’aucuns espéraient qu’il allait concourir à l’éclatement de la vérité pour établir les responsabilités dans la persistance de  l'insécurité à Beni, Lubero et Rutshuru. Malheureusement, une motion incidentielle de la députée Vicky Katumwa est venue tout chambarder, annihilant de fait un processus d’interpellation qui semblait déjà recueillir de nombreuses adhésions. L’élue de Kalemie (Tanganyika) expliquait que la démarche violerait le secret défense et elle fut entendue par ses pairs de la majorité présidentielle qui ont vite rejeté l’initiative de Paul Muhindo.

Une attitude que les députés de la région ont mal digéré, stigmatisant le diktat d’une majorité présidentielle qui a tendance à bloquer le contrôle parlementaire pour des visées politiques pendant que des vies humaines sont en train d’être sacrifiées au quotidien dans une région du pays en proie à une marginalisation forcée. Le secteur de la Défense et de la sécurité « ne doit pas continuer à rester en marge du contrôle parlementaire », ont fait savoir les députés nationaux élus de la province du Nord-Kivu.

Dans une déclaration publiée le 18 avril, les élus du Nord-Kivu ont carrément désapprouvé la manière dont cette motion a été traitée tout en dénonçant une tendance à étouffer systématiquement tout débat public sur le massacre de la population congolaise, notamment à Beni, Lubero et Rutshuru. Ce qui, d’après eux, tend à renforcer « le sentiment d’abandon total d’une partie du peuple congolais livré à l’holocauste (…) par les plus hautes institutions de la République ». Et dire que ce n’est pas la première initiative du genre en rapport avec les responsabilités à établir dans la protection et la défense de la population congolaise qui soit bloquée en plénière.

En tout cas, la colère des députés du Nord-Kivu a eu un effet contagieux auprès des habitants de Béni et des environs qui, en guise de mécontentement, ont enlevé les drapeaux du parti présidentiel, PPRD, qui flottaient sur divers bâtiments de la ville. Notons que le Nord-Kivu est le théâtre depuis de nombreuses années de violences de la part de groupes armés politico-mafieux rivaux. Depuis 2014, ont lieu à Beni des massacres de civils (qui ont fait plus d’un millier de morts et près de deux cent mille déplacés). Des attaques attribuées par les autorités congolaises à la rébellion ougandaise des ADF installée depuis des années dans cette région nande. Le fait que cette rébellion ADF s’adonne soudainement aux massacres de la population civile sans revendiquer quoi que ce soit, laisse penser qu’il y a anguille sous roche.

 

Alain Diasso

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