Interview. Pierre Ntsemou : « L’écrivain congolais est confronté au coût exorbitant des frais d’édition »

Mercredi 4 Juillet 2018 - 14:15

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Nouvelliste, poète, romancier et critique littéraire, l'écrivain Pierre Ntsemou nous parle de son itinéraire d'homme de lettres, de la littérature en général et du forum des gens de lettres dont il est membre. Entretien.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : À quoi sert, selon vous, la littérature ?

Pierre Ntsemou (P.N.) : Disons que la littérature sert à nourrir l’esprit du lecteur, à le cultiver, l’informer, le former, le guider, l’instruire, le détendre, l’émanciper, lui faire découvrir la grande nature environnante, la nature humaine, les secrets des civilisations qui se sont succédé depuis que l’écriture a été apprivoisée comme mode de communication entre les hommes. La littérature est une potion magique qui fait voyager le lecteur comme un gourou indien sur son tapis volant où l’invraisemblable prend la forme et les allures du vraisemblable. La littérature est notre remède à l’oisiveté, à l’ennui, au stress, aux fugues, aux folies mineures et majeures quand la déprime ronge l’être humain en mal de prime. Pour moi, la littérature sert d’amante irrésistible chaque fois qu’une absence d’une âme sœur au masculin ou au féminin, est signalée dans l’espace et dans le temps dont elle comble le chaud désert ou le vide froid ou frais comme l’effraie qui effraie dans la nuit noire où le cerveau est hanté par le mal et le malin, ces bourreaux du cœur humain.

L.D.B. : Vous êtes membre du Forum des gens de lettres, quels sont les objectifs de cette plate-forme et qui peut en faire partie ?

P.N. : Le Forum des gens de lettres est une organisation non gouvernementale qui vise la valorisation du statut de l’écrivain et œuvre à la promotion du livre. Peut adhérer au Forum des gens de lettres toute personne ayant publié au moins un ouvrage, toute personne ayant pour vocation l’édition des livres ou toute personne manifestant un intérêt pour les livres ; en un mot tous les passionnés de la lecture et de l’écriture.

L.D.B : Un mot à l’endroit de ceux qui veulent faire comme vous.

P. N. : Aimer lire tout ce qui tombe entre vos mains. Et quand rien n’arrive vers vous comme livre, il faut faire le premier pas vers le livre qui n’attend que vous pour vous enrichir et chasser de votre logiciel mental la pauvreté culturelle qui y a élu domicile, car chaque heure passée sans un livre ouvert est une occasion manquée de réduire votre ignorance. Chaque jour passé sans lire un livre est une fermeture accentuée de votre prison intellectuelle. Chaque semaine passée sans le contact d’un livre est un sevrage du lait vivifiant de votre esprit en perte de repère. Et le plus grand scandale de votre vie sur terre sera de passer un mois plein, sans être en bonne compagnie d’un livre, car vous auriez signé là le refus sine die de vous extasier des merveilles de l’île mythique aux trésors dont chaque page de livre contient les secrets révélés aux seuls écrivains, les maîtres de tous les rêves éveillés et lucides de notre univers.

L.D.B. : Quels sont vos plus beaux souvenirs dans l’écriture ?

P.N. : Mes participations au Salon du livre de Paris en avril 2014, en pérégrinant par la même occasion à Bruxelles en Belgique, capitale de l’Union européenne ; aux soixante-douze heures du livre de Conakry en Guinée en avril 2016 ; à la célébration de la Journée internationale de l’écrivain africain à Dakar en novembre 2016. À ceci s’ajoutent les différents prix littéraires, notamment le prix d’honneur d’Euro-poésie de la francophonie à Paris en 2013, le prix d’excellence de littérature nationale de la Biennale des arts et des lettres en 2014, le Trophée des meilleurs en littérature nationale des Sanzas de Mfoa en 2015, le prix Jean-Malonga Awards Congo émergent en 2017. Un autre motif de satisfaction est dans le fait que de nombreux écrivains de toutes les générations partagent ma passion de l’écriture du fait que du Congo natal en passant par la diaspora et certains confrères africains, des projets de livre me sont confiés pour en faire des préfaces, devenant aujourd’hui un préfacier de quaranrante-neuf livres tous genres confondus de juillet 2013 à mai 2018. Une cinquantième est en cours d’élaboration dans notre laboratoire « préfaciel. »

L.D.B : Quelles sont les difficultés auxquelles l’écrivain peut être confronté ?

P. N. : Combien de lecteurs avons-nous sur trois cents à cinq cents livres vendus au bout de trois à cinq ans sur cinquante mille élèves et étudiants susceptibles de lire votre livre par curiosité, par exigence scolaire ou académique, par snobisme pour faire intello, par dépit faute d’argent pour prendre un verre dans un coin de la rue… ? Et pour cause, la grande difficulté que rencontre l’écrivain congolais et moi y compris, c’est le coût exorbitant des frais d’édition et, par ricochet, du prix de vente des livres une fois édités malgré tout. Le pouvoir d’achat est tellement faible que les livres vous regardent et vous passez les voir, tristes, poussiéreux dans les rayons des maisons de la presse ou des librairies où ils baillent d’ennuis chaque jour ouvrable, attendant une salutaire solde au bout du tunnel pour donner à l’écrivain, l’illusion d’une promotion bien curieuse du livre, mais pas du chiffre d’affaires, entendu évidemment qu’on n’écrit pas pour s’enrichir disait quelqu’un, boudant une complainte d’un écrivain se perdant dans des calculs arithmétiques à la signature d’un contrat dans une maison d’édition de la place qui, dans le jeu des chiffres et des lettres, est bien plus disposée à garantir les premiers au détriment des seconds, la partie maigre et osseuse de ce contrat de dupes où il n’est qu’un secret de polichinelle pour le citoyen lambda qui sait que le dindon de la farce à farcir et à rôtir c’est bien l’écrivain.

L.D.B. : Combien d’ouvrages avez-vous déjà publiés

P. N.: C’est un recueil de poèmes « "La Flûte du cœur" » paru aux Éditions l’Harmattan qui ouvre ma « jeune » carrière littéraire en décembre 2012. Vont suivre en 2013 "Les déboires de Patrice Likeur", une comédie et "Pétrins, festins et destins en balade", un recueil de nouvelles puis "Diélé : l’ange, l’homme et la bête" un roman, "Tremblement de terre au ministère des Affaires alimentaires ", une pièce de théâtre parue en 2014. La poésie est de nouveau sur la sellette avec "Mon cœur, ma plume et ma muse s’amusent" ; un recueil de nouvelles publié en 2014 aux Éditions Chapitre.com. et "Quête, enquêtes et conquêtes de plaisirs". Depuis cinq mois, le huitième livre "Un bébé pas comme les autres" est paru aux Éditions l’Harmattan. Dans l’Anthologie des soixante ans de la littérature congolaise, j’ai publié une nouvelle intitulée " Le secret des jumelles" en 2015.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

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