Interview. Pr Alexis Elira Dokekias : « Les personnes testées à temps sortent négatives après le 22e jour »

Samedi 9 Mai 2020 - 16:55

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Le Pr Alexis Elira Dokekias livre dans cet entretien l’essentiel des informations sur le protocole thérapeutique qu’utilise le Congo et ses méthodes, la décision du pays d’expérimenter le Covid-Organic élaboré à Madagascar et la question du déconfinement qui doit être traitée sans que les structures perdent leur rythme de travail. Interview complète à suivre également cette semaine sur notre webtélé www.adiac.tv.

Les Dépêches de Brazzaville. Où en êtes-vous avec la prise en charge des malades du Covid-19 au Congo ?

Alexis Elira Dokekias : « Dans un projet important comme celui-ci, la prise en charge est liée à toutes les commissions.  Evidemment dans le cadre d’un système sanitaire qui n’est pas au point, il y a des imperfections depuis le départ. Sur cette prise en charge, nous pouvons dire qu’il y a environ 270 cas qui ont été révélés positifs selon les derniers examens réalisés. Et au niveau national, l’Etat a mis des structures de prise en charge. Au niveau de Brazzaville, nous avons le CHU qui est le premier site qui a été ouvert et qui a reçu le premier cas qui a été dépisté dans des conditions difficiles, le site n’étant préparé. Ensuite, nous avons le site de l’hôpital Albert-Leyono, celui de l’hôpital de Mfilou dont les travaux sont prêts à 85% et qui n’a pas encore ouvert, et celui de Kintélé La Concorde qui est un site hôtelier que nous avons transformé en site de prise en charge. A Brazzaville, avant, vous avez des sites de quatorzaine que vous appelez quarantaine, des sites dédiés à toutes personnes se retrouvant à l’extérieur du pays et qui devraient subir la quarantaine au niveau de plusieurs formations hôtelières.

L.D.B. : Qu’on est -il de la situation à Pointe-Noire où plusieurs sites ne sont pas totalement opérationnels ?

A.E.D. : Au niveau de Pointe-Noire, nous avons des sites officiels de prise en charge, notamment l’hôpital Adolphe-cissé qui n’est pas prêt a 100%. Nous avons le site de Mouesso- Madeleine qui est un centre de santé intégré situé à Tié-Tié. Sur ce site, les travaux ne sont pas encore terminés malheureusement. Ce qui fait qu’au niveau de Pointe-Noire, les compagnies pétrolières ou les centres médicaux sociaux d’entreprises ont dû réquisitionner certains hôtels pour lesquels nous avons dû placer certains patients pour la prise en charge. A ces patients, il faut compter que près d’un tiers était pris en charge à domicile. Nous avons mis en place un protocole de prise en charge à domicile. Au niveau du reste de la République, nous avons l’hôpital Edith-Lucie-Bongo-Ondimba à Oyo. Puis, nous avons dû précipiter la mise en place d’un centre au niveau du CSI Nzalangoye a Ouesso pour prendre en charge le cas que nous avons dépisté à Ouesso. Ceci dit, toutes les cliniques privées participent à notre commission de prise en charge, que ce soient des cas alertes ou positifs. Nous avons conseillé la mise en place des espaces de pré-tri dans les hôpitaux.

L.D.B. plusieurs personnes jugent mitigé le rapport entre le nombre de personnes dépistés positifs et ceux qui guérissent. Est-ce à dire que vos schémas thérapeutiques sont moins efficaces ?

A.E.D. : Vous devez comprendre que chaque pays a des schémas thérapeutiques. Le nôtre est très dur. Dans d’autre pays, il suffit de rester quatorze jours et on vous sort de l’hôpital. On sort des personnes qu’on croit être guéries et parfois elles restent encore positives. C’est ce qu’ils ne vous disent pas. Ils disent que le nombre d’hospitalisation décroît, alors que la prise en charge est biaisée. Chez nous, lorsque vous commencez un traitement aujourd’hui, il faut attendre le 22e jour pour qu’on fasse le premier contrôle. Et si celui-ci est négatif, il faut un 2e contrôle fait au 10e ou 14e jours pour confirmer. Cela veut dire que quand on sort un patient au 22e jours, il doit rester confiné chez lui pendant quatorze jours. Les normes édictent que la durée totale du confinement pour une personne qui est positive qui n’a pas eu de symptômes de la maladie est de vingt-huit jours minimum. Nos critères sont durs et il faut être patient. Je peux vous dire que nous avons déjà prêt de quarante patients guéris. Selon les nouveaux schémas de quinze jours qui sont scientifiquement démontrés, je peux vous dire que tous ce qui ont bénéficié de ce traitement sortent négatifs après le 22e jour.

L.D.B. : Quel est finalement le protocole officiel thérapeutique que le pays utilise pour parvenir aux résultats que vous estimez ?

AED. : Nous avons le sulfate de chloroquine, mais on aurait souhaité avoir l’Hydroxychloroquine, la molécule qui permet l'immunomodulation prouvée. La molécule de base c’est la chloroquine. Nous avons un antibiotique que nous donnons pour essayer de faire que les infections respiratoires ne prennent pas le devant. Nous avons des médicaments contre le virus qui présentent plusieurs composantes. Car nous devons interrompre la chaîne de production des virus dans le corps. On ne peut pas malheureusement vous faire le récit complet de tous ceci. Pour certains cas, nous associons d’autres maladies.

L.D.B. Vous étiez à la tête d’une délégation qui a séjourné récemment à Madagascar pour récupérer un produit appelé Covid-Organics issu de la recherche malgache pour contrer le Covid-19. Pourquoi le Congo s’allie-t-il à cette forme thérapeutique alors que vous avez des protocoles qui marchent bien ?

A.E.D. : C’est un produit à base d’une recette traditionnelle préparée par nos collègues de l’Institut malgache des sciences appliquées. Il se présente soit sur une forme de solution dans un flacon plastique de 33 cl soit sur une forme en sachets conditionnés. Au même titre que nous faisons des essais cliniques sur des médicaments modernes, au même titre que nous devrons le faire sur les médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle. Ce produit contient l’artémesia à 60%, une plante dont nous avons initié la culture chez nous aussi. A 20%, il comprend les composants d’une plante médicinale pour lequel les collègues malgaches ne sont pas obligés de divulguer pour préserver la propriété intellectuelle. Et puis il contient près de 15% d’excipients. Nos collègues malgaches nous ont montré des preuves qu’ils ont eu près de 176 cas et zéro décès et que ce produit n’a pas de toxicité, qu’il est efficace contre l’infection à Covid-19. Notre chef d’Etat étant sensible à la question, il nous a dépêchés à Madagascar après des échanges qu’il a eus avec son homologue malgache.

L.D.B. Justement où en êtes-vous avec la prescription médicale de ce produit dans les différents centres de prise en charge ?

A.E.D : Nous sommes des scientifiques. Sur cette base, il est de notre droit de prendre un échantillon de produit et de faire des analyses chimiques et de toxicologies préalables. Ce qui est en cours. D’ici deux jours, nous aurons la certitude de la composition chimique de ces produits. Et à partir de là comme dans ces recettes traditionnelles, il y a celles qui sont préparées pour la prévention et d’autres pour la recette curative, nous sommes en train de finaliser les protocoles que nous allons soumettre au comité des experts dont je fais partie et au comité d’éthique en science de la santé. Ce qui nous permettra dès l’avis favorable à utiliser ces produits et de les intégrer dans nos schémas thérapeutiques. Si son efficacité est prouvée, je peux vous assurer que le président de la République fera en sorte que nous acquérons ce produit par voie normale car ce premier lot est un don du président malgache.

L.D.B. Quels sont les malades épinglés comme prioritaires dans l’utilisation de ce Covid-Organics ?

A.E.D. : Les malades destinataires, dans le cadre de ce protocole que nous avons préparé, sont les asymptomatiques, c’est-à-dire ceux qui ont peu de symptômes cliniques. Il s’agit de démontrer qu’en prenant ce produit pendant sept jours, lorsqu’on contrôle au 14e jour,  nous puissions avoir la négativation de la virémie si elle était constatée positive au départ. Est-ce qu'on doit l’intégrer seul ou en association avec d’autres produits comme nous l’avons entrepris ? C’est le protocole qui va le déterminer. La quantité que nous avons est suffisante pour couvrir le nombre des sites si l’efficacité est prouvée.  Les patients de l'avenir pourront bénéficier du produit par la voie que j’ai citée.

L.D.B. Dans l’optique d’un déconfinement annoncé d’ici peu, comment votre commission va s’y prendre pour poursuivre la prise en charge des malades sachant que des débordements peuvent être observés à plusieurs niveaux ?

A.E.D. : Le déconfinement est normal. Le président de la République nous a prescrit ce qui doit accompagner ce déconfinement progressif. Il faut d’abord que nous cernions la majorité des cas contacts.  Et après, il faut que cela soit accompagné d’un dépistage de masse qui doit cibler certaines populations. On ne pourra pas dépister les 5 millions de Congolais. Mais il y a des personnes exposées qu’il faut dépister prioritairement. Il s’agit des professionnels de santé, la force publique, les administrations, les vendeurs de marchés, les chauffeurs dans les transports en commun et bien d’autres. Il convient donc d’organiser des stratégies au niveau des douze départements du pays et voir comment assurer la prise en charge. Mais des mesures de prévention doivent être prioritaires. Que chacun porte son masque et respecte les gestes barrières déjà édictées car l’épidémie est encore en cours.

L.D.B. Depuis le début de la pandémie, des Congolais comme plusieurs africains se sont lancés dans l’automédication, notamment à base des tisanes concoctées ici et là. Que sera votre message à nos lecteurs dont plusieurs doutent encore des conditions d’hébergement des malades dans les différents centres de santé et ceux érigés pour la circonstance ?  

A.E.D. : Le patient congolais est très méchant. Quand il a des symptômes, il aime l’automédication. Il va regarder les réseaux sociaux pour prendre ce qu’on lui conseille. Et c’est quand il est en détresse qu’il va courir à l’hôpital parce qu’il a des complications respiratoires. Et après, on nous demande de faire la magie. On ne joue pas avec les maladies qui ont une atteinte respiratoire comme celle-là. En France, vous avez vu des décors qui assuraient parfois entre 500 et 1000 morts par jours. Les gens ne mourraient pas parce que les médecins français ne sont pas compétents mais parce qu’il y a des gens qui arrivent à un stade tardif et les médecins sont débordés. Les médicaments que nous donnons sont gratuits. Maintenant, pour les conditions hôtelières, c’est vrai qu’on nous critique mais nous continuons d’améliorer les méthodes et nous sommes très avancés sur ce point. Vous pouvez aller voir comment les choses s’améliorent chaque jour.

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Le Pr Alexis Elira Dokekias

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