Interview. Raïssa Malu : « La SST est un événement panafricain qui contribue à révéler la prochaine génération de scientifiques et techniciens »

Mercredi 26 Avril 2023 - 15:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La dixième édition de la semaine de la science et des technologies (SST) s’est déroulée du 18 au 22 avril, à Kinshasa et Mbanza-Ngungu, dans la province du Kongo-Central. Raïssa Malu, fondatrice de l’association à but non lucratif Investing in people, qui a organisé l’événement, revient sur les enjeux de cette édition anniversaire, sur les innovations enregistrées au cours des dix ans d’existence  et sur les ambitions. Entretien.

 

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Vous venez d'organiser la dixième édition consécutive de la SST en République démocratique du Congo (RDC). Pourriez-vous nous rappeler en quoi consiste la SST et quels sont ses objectifs ?

Raïssa Malu (R.M.) : La SST est organisée en RDC par l’association sans but lucratif Investing in people que je dirige, en partenariat avec le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, le ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire, le ministère de la Recherche scientifique et innovation, et l’organisation non gouvernementale Elongo Elonga. Cet événement vise trois objectifs : développer en Afrique une culture scientifique et technologique ; promouvoir les savoirs et savoir-faire africains dans ces domaines ;  et, surtout, susciter des vocations chez les filles et les garçons.

L.C.K. : Qu’est-ce qui vous a motivée à prendre cette initiative ?

R.M. : Je voulais contribuer à réconcilier le public avec les disciplines techniques et scientifiques. Ce sont souvent des disciplines qui suscitent la peur, qui évoquent de mauvais souvenirs des années scolaires. Pourtant, les scientifiques prennent du plaisir dans leurs activités. Tout le monde devrait en profiter. C’est la raison pour laquelle j’ai créé, avec des amis, la SST.

L.C.K. : Quelles sont les activités organisées au cours de cette dixième édition ?

R.M. : Il y a les activités du programme principal et celles des équipes provinciales.  Pour le programme principal, nous avons eu deux villages des sciences avec des animations scientifiques et des expositions, un à l’institut supérieur pédagogique de Mbanza-Ngungu, dans la province Kongo Central, le 15 avril, et l’autre à l’Institut de la Gombe, à Kinshasa, les 20 et 21 avril. Nous avons également organisé deux journées de conférences, le 17 avril, à l’Université Kongo, au Kongo Central, et le 19 avril, au centre Wallonie Bruxelles de Kinshasa. Le 22 avril, nous avons eu une grandiose soirée de clôture au centre Wallonie Bruxelles  avec une pièce de théâtre inédite écrite par le Pr Madimba Kadima-Nzuji, avec l’acteur Michel Bohiri, et un concert féérique de musique classique avec des jeunes de l’orchestre symphonique kimbanguiste.

Pour les activités parallèles, nous avons réussi à établir un réseau d’une vingtaine d’équipes bénévoles dans douze provinces de la RDC qui ont organisé des animations scientifiques, des conférences et formations. Ces douze provinces sont Haut-Katanga, Ituri, Kasaï-Central, Kinshasa, Kongo-Central, Kwilu, Lomami, Lualaba, Mai-Ndombe, Nord-Kivu, Sud-Kivu et le Tanganyika.

L.C.K. : Pourquoi le thème « 10 ans de sciences et de technologies au service de la jeunesse. Victoires du passé, espoirs du futur » ?

R.M. : Pour faire une rétrospective des neuf éditions précédentes et imaginer ensemble notre futur.

L.C.K. : Cette édition anniversaire a été placée sous le haut patronage de l’Union africaine. Pour quelle raison  et quel a été son apport dans l’organisation de la SST ?

R.M. : La SST contribue en RDC à l’aspiration 6 de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Une Afrique dont le développement est dirigé par ses citoyens, en comptant sur le potentiel de la population africaine, en particulier les femmes et les jeunes, et la prise en charge des enfants, ainsi qu’à l’aspiration 7, l’Afrique comme acteur et partenaire mondial fort, uni, résistant et influent. La représentante spéciale du président de la commission et chef de bureau de liaison de l’Union africaine en RDC, son excellence Mme Michelle Ndiaye, a ainsi marqué de sa présence toutes les activités au Kongo Central et à Kinshasa. Et le  commissaire à l'éducation, à la science, à la technologie et à l'innovation de la Commission de l'Union africaine, son excellence le Pr Mohamed Belhocine, est intervenu lors de la journée des conférences du 19 avril et il a visité le village des sciences, le 20 avril, à l’Institut de la Gombe. Nous sommes fiers et reconnaissants de cet appui de l’institution continentale. La SST est un événement panafricain qui contribue à révéler la prochaine génération de scientifiques et techniciens, ces femmes et ces hommes qui accéléreront le développement de la RDC et de l’Afrique.

L.C.K. : Le lancement de la 10e édition s’est déroulé à Mbanza-Ngungu, dans la province du Kongo Central. Qu’est-ce qui justifie ce choix ?

R.M. : La SST est une fête nationale. En plus du réseau de jeunes dans les provinces que nous avons réussi à établir, nous voulions avoir un lancement officiel en province. En 2021, nous étions à Lubumbashi et à Goma. Cette année, nous voulions mettre en avant l’ouest du pays. C’est la ville de Mbanza-Ngungu qui a été choisie avec ses deux institutions phares, l’Institut supérieur pédagogique de Mbanza-Ngungu et l’Université Kongo.

L.C.K. : Quel bilan faites-vous depuis la création de la SST ?

R.M. : En dix ans, j’ai vu la RDC changer grâce à l’évolution mondiale des technologies, au réajustement forcé à cause de la pandémie de covid-19 et à nos efforts constants de promotion et de vulgarisation. Aujourd’hui, il y a plus de jeunes, filles et garçons, intéressés par les domaines techniques et scientifiques, car ils ont des rôles modèles locaux et ils se sentent soutenus et encouragés. Les femmes dans les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STEM en anglais) en RDC ont pris confiance en elles. Elles sont reconnues, mises en avant. C’est le résultat de nos efforts avec différentes associations partenaires. Enfin, le principal bilan de ces dix ans est que nous avons démontré le bien-fondé du travail en équipe, de l’inclusivité et le levier que représente la jeunesse.

L.C.K. : Quelles sont les innovations apportées, comparativement à la première édition ?

R.M. : Deux innovations principales : premièrement, la formation des élèves animateurs n’est plus assurée uniquement par notre directrice scientifique, Dora Muanda, mais par une équipe de jeunes formateurs formés et encadrés par cette dernière. C’est un cycle vertueux. J’ai formé Dora. Dora a formé les élèves animateurs. Ils deviennent formateurs et le cycle continu. Secondo, le réseau des jeunes bénévoles qui ont organisé des activités dans douze provinces de la RDC en marge de la SST. Nous sommes maintenant au plus près des communautés et le mois d’avril est celui des sciences et des technologies en RDC. C’est magnifique !

L.C.K. : Après dix éditions consécutives, quels sont les moments qui vous ont marquée personnellement ?

R.M. : Je suis marquée par les témoignages que je reçois des élèves et des étudiants, particulièrement de ceux qui visitent le village des sciences. Permettez-moi aussi de souligner l’appui du ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, du ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire, et du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique. La mobilisation de nos écoles, de nos institutions, de nos chercheurs et centres de recherche a été remarquable au fil des années. Enfin, je suis marquée par la mobilisation de mon équipe et des amis qui viennent nous prêter main forte. Il faut vivre la SSTS. C’est une expérience unique !

L.C.K. : Pour cette dixième édition, vous avez choisi comme marraine une avocate et une personnalité du monde du sport. Des domaines différents de la science et de la technologie. Pourquoi ce choix ? 

R.M. : Pour jouer leur rôle dans les communautés et s’épanouir, nos jeunes doivent avoir une formation complète avec une juste connaissance de l’histoire, des solides compétences dans les domaines techniques et scientifiques, mais aussi dans le sport et les arts. C’est pour cette raison que nous choisissons des parrains et marraines dans ces domaines complémentaires. Je suis heureuse que Me Nancy Tshiaba, vice-championne d’Afrique de Karaté, ceinture noire 4e dan et entraineur adjoint de notre équipe nationale, ait accepté de s’associer à notre sixième édition. Les démonstrations de Karaté qu’elle a faites avec son équipe aux villages des sciences, à l’ISP Mbanza Ngungu et à l’institut de la Gombe, étaient impressionnantes.

L.C.K. : Qu’en est-il du programme des bourses pour les femmes dans les STEM que vous avez lancées en RDC ?

R.M. : Nous venons d’apporter des modifications à la plateforme – www.femmes-sciencesrdc.org/ -, car nous sommes en discussion avec des partenaires pour faire évoluer le programme. Nous tenons à proposer aux femmes dans les STEM de la RDC un soutien adapté à leurs besoins et aux défis de notre pays. C’est un de nos chantiers pour les prochaines années.

L.C.K. : Quels autres progrès espérez-vous pour la SST dans les années à venir ?

R.M. : Notre objectif est d’avoir des équipes de bénévoles dans toutes les vingt-six provinces de la RDC qui organiseront des activités dans le cadre de la SST ;  de contribuer à augmenter sensiblement le nombre d’étudiants, filles et garçons, inscrits en sciences physiques, mathématiques et polytechniques ;  de contribuer à faire participer nos institutions, nos scientifiques, techniciens et ingénieurs, nos jeunes à des programmes et collaborations scientifiques internationales.

 

 

Propos recueillis par Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

1-Raïssa Malu 2 et 3- Des élèves en pleine activité pendant la semaine de la science et des technologies 4- Raïssa Malu accueillant le ministre de la Recherche scientifique, Gilbert Kabanda Kurhenga

Notification: 

Non