La numérisation : un signal fort pour le développement

Samedi 21 Juin 2014 - 0:15

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Antonin Bossoto, enseignant chercheur à l'Université Marien Ngouabin, expert en TIC, estime que la possibilité d’accéder à l’information publique par l’usage d’un réseau internet doit être, au même titre que l’énergie ou la santé, une priorité dans la politique de développement et d’émergence de la République du Congo

À la veille de l'échéance de 2015 où s’opérera la transition de l’analogique au numérique dans le secteur de l’audiovisuel favorisant une diffusion essentiellement au numérique, un traitement aux normes de la télévision numérique terrestre (TNT) s'impose. Antonin Bossoto partage ici avec nous ses réflexions.

L’analyste précise combien les TIC (technologies de l’Information et de la communication) ont eu un rôle majeur dans le développement des pays émergents. Mais force est de constater que le processus d’intégration du numérique rencontre de nombreux obstacles dans nos pays. Excepté les variables liées à la fracture numérique (taux d’équipement, types d’usage, politiques d’apprentissage des TIC et performances résultant de l’usage des TIC), la prise en compte et la connaissance des avantages offerts par les TIC sont encore sous-estimées, voire méconnues de nos décideurs.

Selon Antonin Bossoto, les progrès technologiques rapides dans les pays en développement ont contribué à accroître les revenus et réduire le niveau de pauvreté absolue de 29% en 1990 à 18% en 2004. « La Banque mondiale soutient par exemple que 10% de croissance de pénétration mobile engendre une croissance de 1,2% d’un pays d’Afrique subsaharienne. Rappelons que la grande réussite de l’Afrique sur le plan technologique s’est manifestée par l’explosion de la téléphonie mobile », constate l’analyste.

Pour Antonin Bossoto, l’Afrique compte actuellement 540 millions d’usagers. Elle est l’un des marchés de téléphonie mobile les plus dynamiques au monde, avec en 2013 près de 735 millions de cartes SIM en service. Les États-Unis, comme l’Europe et l’Asie, sont en retard sur l’Afrique pour de nombreuses innovations dans la téléphonie mobile, notamment sur le système de paiement mobile. Il a ajouté que selon une étude de 2011 du GSMA, l’Association des opérateurs mobiles utilisant le GSM, 80% des transactions effectuées sur mobile ont pour origine les pays d’Afrique de l’Est. La même association a publié en 2012 une autre étude évaluant à 2,8 milliards d’euros le montant total des transferts effectués rien qu’au Kenya avec le système M-Pesa.

Antonin Bossoto constate qu’au niveau de l’éducation, les TIC servent de médias d’apprentissage. C’est-à-dire qu’elles offrent des possibilités technologiques de consultation, de production, de gestion de l’apprentissage des élèves ou des étudiants et de diversification des approches pédagogiques. La finalité de ce processus réside dans l’amélioration des performances des étudiants qui repose sur l’intégration de ressources pédagogiques nouvelles qui permettent le développement d’usages novateurs affectant la manière d’apprendre et d’enseigner. Bien d’autres secteurs tirent un réel profit de la diffusion des TIC sur le continent, à l’exemple des réseaux télématiques qui offrent un gain de productivité et de compétitivité à travers la modification du système de management des entreprises.

Il exhorte la mise en réseau des différents maillons de l’Administration, qui apparaît comme un outil pour pallier les difficultés structurelles et formelles de l’Administration congolaise. Les TIC permettent de s’acquitter plus efficacement du traitement de grandes quantités de dossiers ainsi que des tâches propres aux administrations publiques. Le recours à des applications internet peut se traduire par des économies en matière de collecte et de transmission de données, ainsi que de fourniture d’informations et de communication avec les clients.

L’administration électronique, estime-t-il, permettrait donc de réduire les dépenses publiques grâce à la mise en œuvre de programmes plus efficaces, d’améliorer la productivité des entreprises publiques et privées grâce à la simplification des procédures administratives en instaurant la confiance entre administrations et citoyens. En effet, les échanges modernes sont fondés sur les paramètres de « réponse rapide », de « temps réel », de « concurrence basée sur le temps », etc. Les pays africains (principalement l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb) qui parviennent à respecter ces critères grâce à l’existence de bonnes infrastructures de TIC sont devenus plus compétitifs dans la mondialisation des échanges.

Le véritable défi managérial pour nos entreprises, suggère-t-il, consiste donc à aller au-delà de ce double cercle vertueux (contribution à la croissance et au développement) et être capable de créer une valeur via l’innovation et la construction de nouveaux business models. En tant que technologies polyvalentes, les TIC se substituent à certaines utilities défaillantes. C’est le cas des infrastructures de transport. La téléphonie mobile permet de réaliser d’importantes économies en termes de coût de déplacement. Compte tenu de l’état des routes et de l’importante superficie du territoire, nombre de régions congolaises demeurent non desservies par les transports et les réseaux de distributions. Aussi grâce aux TIC, les agriculteurs peuvent d’un côté se tenir au courant du cours du marché en ville sans être obligés de se déplacer, et de l’autre proposer et vendre leurs produits en ligne à des producteurs étrangers.

Concluant son analyse, Antony Bossoto, invite les acteurs politiques et les décideurs à promouvoir par tous moyens l’usage du numérique comme pilier du développement. Un pacte républicain, qui s’avère obligatoire, selon lui, pour coupler la politique congolaise de développement à une intégration des TIC dans les secteurs porteurs (économie, éducation, santé, recherche scientifique). Et enfin, il préconise d’encourager la production de contenus et de services à valeur ajoutés pour faire partie prenante de la société de l’information.

Guillaume Ondzé