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Le pari du financement de la dette de l’État par les obligations assimilables du Trésor

Mercredi 13 Juin 2018 - 12:45

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Les États endettés placent souvent leur dette auprès du public en utilisant plusieurs outils, afin de couvrir leur déficit. Les titres obligataires qu’émet le Trésor public permettent à leurs acheteurs de devenir le créancier de l’État. Ce dernier leur rembourse, à une échéance déterminée, le montant du capital emprunté et leur verse régulièrement des intérêts avant cette échéance. Le succès dépend du degré de solvabilité de l’émetteur, de la technique de couverture de la dette utilisée compte tenu des normes éthiques en vigueur.

En effet, en octobre 2017, la dette du Congo fut estimée à plus de 4 273 milliards de dollars par le Fonds monétaire international (FMI), soit 127% du produit intérieur brut (PIB),  largement au-dessus des 70% autorisés par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cémac). Son déficit budgétaire qui doit être nul ou positif, passa de -5,2% du PIB à -16 % en 2016 et à -25% en 2017. Son insolvabilité a conduit les agences de notation à dégrader la note du Congo de six points entre 2013 et 2018, renchérissant le coût de ses emprunts sur les marchés financiers internationaux. Ses négociations avec le FMI traînent depuis 2017, le privant d’une part substantielle des 8,4 milliards de dollars de Facilité élargie de crédit sur trois ans, accordés aux pays de la Cémac pour relancer leur économie dans une plate-forme commune.

Le Congo recourt au marché obligataire régional, option recommandée par le FMI aux pays endettés de la Cémac par deux techniques.  D’une part, la syndication, engagement précis entre les banques souscriptrices de ses titres, réunies dans un syndicat bancaire et l’État, par lequel, ces établissements acquièrent ces instruments à un prix défini avec l’émetteur. Le Congo a utilisé cette technique pour son emprunt obligataire par appel à l’épargne publique d’un montant de 150 milliards de F CFA pour un taux d’intérêt fixe de 6,5%, émis le 15 décembre 2016, au prix d’émission de 10 000 F CFA pour trente obligations sur cinq ans, souscrites du 15 au 23 décembre 2016, afin de financer le déficit budgétaire de l’État. Plus de 193 milliards F CFA, soit 129% du montant initial furent souscrits par les banques, et 146 milliards F CFA, soit 74,49% ont déjà été récoltés.

Ce pari n’est pas toujours gagnant comme le montre l’échec de l’emprunt obligataire du Congo de 60 milliards FCFA, émis par appel à l’épargne publique en avril 2016, au taux fixe de 6% à maturité 2016-2021, pour couvrir le déficit d’exploitation de la compagnie nationale d’aviation Ecair SA. La Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale, lors de sa session du 17 juillet 2017, décida d’annuler cet emprunt, au motif que la société boursière chargée de l’opération n’avait récolté que 16% des fonds nécessaires.
La société Ecair SA, dont les pertes d’exploitation sont passées de 3,833 milliards FCFA en 2011 à 48,167 milliards FCFA en 2016, fut contrainte de rembourser les 10 milliards FCFA déjà encaissés à toutes les personnes physiques ou morales ayant souscrit à cet emprunt. Toutes les entreprises publiques congolaises furent frappées de l’interdiction de recourir à tout accord d'endettement par l’épargne publique sur le marché de la Cémac, quel qu’en soit le montant. Ecair SA cessa ses vols, le 21 octobre 2016, par décision de l’Asecna pour insolvabilité, avant d’être déclarée en faillite par le Tribunal de commerce de Bobigny (France), le 18 avril 2018.

D’autre part, l’adjudication « à prix demandé » ou enchère de titres, consistant à servir d’abord les acheteurs au prix de soumission ou les plus offrants, et ensuite les acheteurs les moins offrants au prix marginal souhaité par le Trésor. Cette technique a été utilisée, le 6 juin 2018 par le Trésorier général du Congo qui a émis 4 000 milliards FCFA d’obligations assimilables du Trésor, à échéance le 7 décembre 2018 sous forme de titres dématérialisés d’un million FCFA par  coupon, avec les intérêts précomptés sur la valeur nominale, auprès de quinze établissements bancaires de la Cémac agréés en valeur du Trésor, pour couvrir le déficit de trésorerie de l’État.

Si en période de « rupture », l’insolvabilité de l’émetteur limite l’efficacité de la syndication, l’adjudication profite aux participants nantis, capables d’enchérir le montant supérieur à celui d’émission du coupon pour gagner une plus-value conséquente. Le contrôle de la traçabilité des fonds et de la qualité des participants par l’autorité de régulation, prévu par le règlement n°01/03 Cémac-Umac du 28 mars 2003, portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale, limite le pari. D’où, la nécessité de respecter les normes pour diversifier les sources de financement et réduire les risques.

Emmanuel Okamba,maître de conférences HDR en sciences de gestion

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