Lutte contre le Covid-19 : Quand les musiciens s’en mêlent

Jeudi 9 Avril 2020 - 16:49

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Lancé dans sa passion carnassière, le fléau du Covid-19, si on ne l’arrête pas, finira par menacer l’humanité dans son existence. Ayant préempté l’actualité de ce fait, ce virus à la couronne sème le chaos et la mort partout. Du jamais vu de mémoire d’homme ! Il faut remonter très loin dans l’histoire pour retrouver traces de pareille tragédie. C’était en 1918, lors de la pandémie de la grippe espagnole, qui fit plus de 50 millions de victimes à travers le monde.  

Aujourd’hui, l’histoire semble bégayer. Et l’humanité déjà traumatisée décide, à juste raison de battre le tocsin, plutôt que de battre en retraite. Vital, l’enjeu est de mobiliser toutes les ressources pour combattre cet ennemi protéiforme, aux relents de moulins à vent. Le ton est délibérément martial pour marquer les esprits, et le champ lexical tout à l’avenant. On parle front, stratégie, ennemi, attaque, riposte, résistance et tout le toutim ! C’est dans ce contexte de mobilisation générale que les artistes, en véritable miroir de la société descendent dans l’arène, de pied ferme, pour assumer leur part de fardeau dans cette bataille capitale.

En effet, il eut été indécent, voire même choquant que devant tant de morts, douloureusement comptabilisés à longueur de journée par la presse, qu’ils continuassent à vivre leur vie, comme si de rien n’était. Ayant pris la mesure du drame qui se joue, ces artistes ont ponctuellement suspendu leur liberté pour s’emparer de cette cause, afin de lui donner une visibilité, quitte à en devenir d’ailleurs la locomotive. Un apport bienvenu par ces temps de frustrants bouleversements, dont l’acceptation nécessite le déploiement de tous les stratagèmes. Car il s’agit mine de rien d’un quasi-changement de civilisation, où l’on voit par exemple que, du fait du confinement s’opère subrepticement une mutation civilisationnelle, où à la civilisation de la mobilité, se substitue celle de l’immobilité (Edgard Morin) (1). Pris ainsi à rebrousse-poil de sa nature, l’Homme, même avec le covid19 à ses trousses est-il vraiment prêt à consentir, en si peu de temps à tant de sacrifices ?

Nécessité faisant loi, ces sacrifices de toute façon s’imposent, sublimés par la cause. Néanmoins, pour y parvenir la contrainte seule ne suffira point. A cette dernière, en plus de la pédagogie, devront s’associer d’autres modes de motivation, y compris émotionnels. Et c’est dans ce registre-là que l’intervention des artistes, notamment des musiciens peut être décisive. Leur habilité à toucher la corde sensible du grand public fait d’eux de redoutables et incontestables influenceurs sociaux. Qui contestera leur contribution dans la mobilisation des opinions publiques dans la défense de diverses causes telles que : la faim en Ethiopie, l’apartheid en Afrique du sud, la préservation de l’environnement, pour ne citer que ces exemples-là ?

Les musiciens doivent donc essaimer là-dessus ! Plus nombreux ils s’y engageront, mieux cela vaudra, pour obtenir un impact plus fort, puis qui s’inscrive dans la durée. Tel est le vœu que nous formulons pour conjurer les risques du relâchement. Lequel s’observe déjà en Europe, par exemple, où avec l’avènement du printemps, synonyme du beau temps, les citoyens, euphoriques commencent à baisser la garde, au risque d’annihiler tous les efforts consentis jusque-ici.

Au sein des populations, jamais, le sentiment de « révolte » n’a autant dominé les esprits, invoquant l’écrivain Albert Camus, qui en avait fait une tendance philosophique, avec des romans aux titres aussi peu ragoutants que « la peste » ou « la nausée », autour de la notion de condition humaine (Malraux), elle aussi convoquée par ces temps.

Alors, c’est l’occasion ici de tirer notre chapeau aux célébrités, qui en réponse à la détresse ambiante, ont cessé toutes affaires, pour réorienter leur énergie sur ce combat existentiel. Et ce d’autant plus que leur « business » subit de plein fouet les conséquences de la pandémie, du fait de l’annulation des concerts programmés.

De nombreux artistes se sont signalés dans cet engagement, parmi lesquels :

Congo-Brazzaville : l’orchestre Extra-Musica Nouvel Horizon. Il s’est prêté au « jeu » dans un clip de sensibilisation intitulé « changeons d’habitudes ». A cette action s’en sont greffées d’autres comme la campagne de dons aux orphelinats de Brazzaville ce 7 avril 2020 et l’achat d’espaces publicitaires de sensibilisation aux dangers du covid19.   

Likala ya moto, un artiste en herbe, qui dans une chanson-brûlot abondamment diffusée dans les réseaux sociaux s’en prend aux supposés responsables du fléau, sur fond de danse inspirée par les gestes barrières.

 Juste en face, au Congo-Kinshasa, Koffi Olomidé dans une chanson au titre évocateur « assassin » honnit le virus. Férré Gola n’est pas en reste. Dans une chanson chantée en anglais « we fighting corona », il abonde dans le registre de la prévention. Fally Ipupa lui aussi s’y met, en élevant sa voix, guitare sèche en bandoulière, après avoir échappé lui-même à la contamination, lors de son concert à Arena hôtel Bercy de Paris. A posteriori, il s’est avéré que ce concert fut un vrai nid à corona virus, car de nombreuses contaminations s’y sont produites, dont certaines ayant conduit à la mort. Comme celle du célèbre chroniqueur Jean-Michel Dénis, celui-là même qui avait présenté Fally au public, à ce concert.   

En Europe et aux USA, les artistes étaient déjà en alerte :

De Jean-Jacques Goldman à Vanessa Paradis et son mari Samuel Benchetrit, en passant par Oprah Winfrey, les célébrités rivalisent d’ingéniosité dans les réseaux sociaux, pour accompagner au mieux la société en ces temps critiques.

Malgré ses horreurs, cette crise devrait être l’occasion pour l’humanité de se poser un instant, afin d’engager une réflexion en profondeur sur le sens que nous voulons donner à nos sociétés. Elle permettrait d’analyser froidement les tenants et aboutissants de cette calamité, avec en perspective de possibles remises en causes de nos dynamiques actuelles. Karl Jaspers au sortir de la seconde guerre mondiale avait déjà tiré la sonnette d’alarme, en déclarant : « si l’humanité veut continuer à vivre, elle doit changer ». Tout un défi.

  1. Edgard Morin : in Libération du 29 mars 2020, p 5
Guy Francis Tsiehela, chroniqueur musical

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