Médecine pour tous. Cœur et sida

Jeudi 30 Mai 2019 - 19:01

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Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida), pandémie mondiale aux retentissements multiples, est responsable d’une morbi-mortalité cardiovasculaire élevée dans le monde et particulièrement au Congo. Les efforts fournis dans ce domaine ont certes quelque peu amélioré la situation, mais les données qui suivent demeurent encore d’actualité.

Un organisme atteint par le virus du sida (VIH1, VIH2) est frappé d’un déficit de l’immunité cellulaire et humorale donnant libre cours au développement d’infections microbiennes et de cancers. Les cardiopathies du sida constituent un de ces aspects. Elles portent sur le péricarde (enveloppe du cœur), le myocarde (muscle du cœur dont les contractions propulsent le sang dans les vaisseaux), l’endocarde (membrane tapissant l’intérieur des cavités du cœur et soutenant ses valves) et, enfin, les artères coronaires (vaisseaux nourriciers du cœur).

L’altération de l’état général (amaigrissement, fièvre+++, asthénie) observée dans presque tous les cas attire en général l’attention. Les signes fonctionnels cardiovasculaires ci-après constituent souvent le motif d’hospitalisation des patients : essoufflements (dyspnée tous stades), douleurs thoraciques antérieures (dites précordiales), toux sèche ou grasse (crachats purulents ou hémorragiques); gros foie douloureux (hépatalgies), palpitations, convulsions, etc.

Selon les tuniques cardiaques atteintes, l’examen clinique, la radiographie thoracique, l’électrocardiogramme et l’échocardiographie-Döppler permettent les regroupements ci-après : a) Atteintes myocardiques (deux tiers des cas) sous les aspects suivants : a1) cardiomyopathie dilatée [CMD]. Faisant suite à une myocardite virale, elle se manifeste par une insuffisance cardiaque globale, responsable des essoufflements, des œdèmes des membres inférieurs, du gros foie, de l’hypo-contractilité du cœur, du bas débit sanguin et de la cardiomégalie radiologique. a2) infarctus du myocarde, assez rare, il est vrai, de mécanisme mixte, expliquant certaines tableaux d’algies thoraciques subaiguës; a3) infiltrations cancéreuses (maladie de Kaposi [variété diffuse de cancer], lymphomes). b) Atteintes de l’endocarde (moitié des cas). Elles relèvent de deux mécanismes étiologiques essentiels: b1) délabrements des valves cardiaques (orifices mitral, aortique, tricuspide) par des microbes opportunistes nombreux sur ces terrains (=endocardites infectieuses=EI). Les EI sont responsables des fuites orificielles (souffles cardiaques) et, ipso facto, des insuffisances cardiaques graves. b2) Distension des anneaux des valves suite à la dilatation des cavités cardiaques. Elle cause l’incontinence de certains orifices cardiaques et par conséquent des régurgitations soufflantes. c) Atteintes péricardiques (un tiers des cas). c1) Parfois, il s’agit d’un simple épanchement péricardique inflammatoire, asymptomatique, découvert à la radiographie (gros cœur) et confirmé par l’échographie. c2) Souvent, au contraire, il s’agit de péricardites microbiennes documentées par les cultures. Leurs formes purulentes s’expriment souvent sous forme de tamponnade (constriction des cavités cardiaques gênant leur remplissage, d’où effondrement du débit cardiaque et choc dit cardiogénique). c) Atteintes vasculaires cérébrales : de nombreux cas d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques sont observés.

La biologie (Test de l’Elisa, Western-Blot, anatomie pathologique, niveau effondré du taux des lymphocytes CD4) affirme le diagnostic et fixe le niveau de gravité de l’affection. Parmi les microbes retrouvés, signalons la fréquence du bacille de la tuberculose et des champignons. L’anémie est quasi constante et la vitesse de sédimentation toujours très accélérée.

La prise en charge des atteintes cardiaques du sida relève de la pratique cardiologique quotidienne (insuffisance cardiaque, endocardite infectieuse, infarctus du myocarde, tamponnade, etc.). Elle nécessite par conséquent une hospitalisation. Les germes opportunistes impliqués sont vigoureusement combattus par des antibiotiques et des antifungiques appropriés. Les protocoles antirétroviraux (VIH1 et VIH2 notamment) sont désormais bien codifiés et suffisamment efficaces dans la stabilisation de la maladie. Cependant, les antibiotiques virucides ne sont pas encore à notre disposition, encore moins le vaccin antirétroviral. Voilà pourquoi, au-delà des actes de circonstance, la lutte contre le fléau par l’application des mesures préventives définies par l’OMS et par l’ONU SIDA doit se poursuivre de façon soutenue.

Sur le plan évolutif et en conclusion, des résultats satisfaisants sont obtenus mais la guérison du sida se fait encore attendre. En général, il y a d’abord une stabilisation clinique. Le taux de décès reste dans les limites acceptables. Malheureusement, par la suite, presque toutes les CMD deviennent irréductibles, avec l’issue qu’on imagine. Par conséquent, les mots d’ordre restent la prévention pour tous selon les normes internationales et, pour les sujets déjà atteints, le respect soutenu du protocole antirétroviral et du suivi cardiologique.

Christophe Bouramoué, professeur émérite, nbouramoue@yahoo.fr

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