Médecine pour tous: les œdèmes des membres inférieurs

Jeudi 11 Avril 2019 - 11:30

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L’œdème des membres inférieurs (OMI) est défini comme leur gonflement par accumulation d’eau et de sel dans le secteur extravasculaire sous-cutané. Son mécanisme est simple. Normalement, il y a équilibre entre la pression intra-vasculaire (dite pression oncotique ou PO) sous-tendue par les protéines dont l’albumine et la pression du milieu extravasculaire ou interstitiel (dite pression hydrostatique ou PH) sous-tendue par l’eau et le sel. En cas de déséquilibre de causes diverses, la PH devient supérieure à la PO, ce qui aspire l’eau et les sels vers le milieu interstitiel.

Comment affirmer l’OMI ?

1) Par l'interrogatoire du patient qui relève l’ancienneté des symptômes, le contexte d'apparition des troubles, les antécédents, les habitudes alimentaires et nutritionnelles, les traitements en cours, etc.

2) Par l'examen clinique. Celui-ci note la prise de poids du patient, la distribution uni ou bilatérale et l’importance des œdèmes. Il précise les caractères des OMI : a) œdèmes veineux : soit simple infiltration des pieds et œdème malléolaire avec signe du godet (la pression digitale de l’œdème provoque un creux ou godet), soit éléphantiasis (œdèmes énormes, donnant l’aspect de pattes d’éléphant) avec ascite, notamment. Au début, ces OMI sont blancs, mous et indolores. Par la suite, ils deviennent chroniques, inflammatoires et violacés.

b) œdèmes lymphatiques (ou lymphoedème: œdème fait de lymphe, liquide semblable au plasma, contenu dans les vaisseaux lymphatiques). Ils sont cartonnés, croûteux, durs, ne prenant pas le godet, parfois infectés.

Les principales causes des OMI 

  • OMI bilatéraux et symétriques

I-1) OMI avec dyspnée, gros foie douloureux et reflux hépato-jugulaire : soit insuffisance cardiaque, droite ou globale ; soit péricardite chronique constrictive ou PCC (l’enveloppe du cœur ou péricarde, devenue fibreuse, gêne les mouvements de ce dernier). Les bilans complémentaires à faire comportent : électrocardiogramme (ECG), radiographie thoracique, écho-Döppler cardiaque et veineux. Mécanisme des OMI : rétention hydrosodée.

I-2) OMI avec ictère, ascite, gros foie dur et tranchant, circulation collatérale abdominale : cirrhose hépatique (alcoolisme, hépatite virale, hémochromatose ou surcharge en fer du foie). Mécanisme : baisse de la pression oncotique par hypo-albuminémie.

I-3) OMI sans insuffisance cardiaque et sans atteinte hépatique mais avec protéinurie : insuffisance rénale avancée, néphropathie hypertensive gravidique, ou syndrome néphrotique. Mécanisme : baisse de la pression oncotique.

I-4) OMI tropicaux : carences protidiques (malnutrition, anémie, filariose,) et diverses affections chroniques.

I-5. OMI médicamenteux (par rétention hydrosodée) : inhibiteurs calciques, corticoïdes, anti-inflammatoires).

II. OMI unilatéraux

II-1) Patient sans fièvre : penser à une thrombose veineuse profonde (TVP) ou formation de caillot sur phlébite, grande pourvoyeuse des embolies pulmonaires. Examen prioritaire : écho-Döppler veineux.

 II-2) Patient franchement fébrile, jambe douloureuse avec des plages de rougeur : syndrome infectieux à streptocoque (érysipèle, lymphangite, etc.), maladie de Lyme (arthrite due à une bactérie transmise par une piqûre de tique), etc.

II-3) Patient apyrétique, avec hyper-éosinophilie : lymphoedème filarien (microfilaires à Loa-Loa et surtout à Wuchereria bancrofti).

II-4) Patient avec lymphoedèmes congénital.

Traitement des OMI 

 Au regard de la multiplicité de leurs étiologies et de la gravité potentielle de certaines formes, les OMI doivent faire l’objet d’une consultation médicale. Les stratégies thérapeutiques seront définies en fonction des bilans. Selon les résultats de ces derniers, le patient sera hospitalisé dans une unité spécialisée (Cardiologie, hépato-gastroentérologie, néphrologie/dialyse, cancérologie, parasitologie, etc.) pour une prise en charge appropriée. Il est conseillé d’éviter tous faits et gestes à domicile qui aggraveraient la situation. Au final, l’accent doit être mis sur la prévention.

Conclusion

 Les OMI les plus préoccupants relèvent de l’insuffisance cardiaque, de la cirrhose hépatique, de l’insuffisance rénale et de la thrombose veineuse profonde, source des embolies pulmonaires. En général, dans ces cas, tout est mis en œuvre pour améliorer la vie des patients. Les autres formes d’OMI sont plutôt invalidantes que meurtrières. La meilleure stratégie de prise en charge des OMI consiste à prévenir les pathologies impliquées dans leur genèse.

Christophe Bouramoué, professeur émérite, nbouramoue@yahoo.fr

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