Présidentielle au Cameroun : le soutien de Samuel Eto’o à Paul Biya suscite des remous

Jeudi 4 Octobre 2018 - 12:00

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La star camerounaise du football a annoncé, le 2 octobre, à la sortie d’une audience pour laquelle il accompagnait Ahamad Ahamad, le patron de la Confédération africaine de football à la présidence du Cameroun, qu’il votera le 7 octobre pour le « candidat président ».

« Je n’ai aucun doute. Je sais déjà pour qui je vais voter et j’invite mes frères à faire comme moi. Moi je vais voter Paul Biya pour toutes ces choses qu’il m’a apportées dans ma vie, dans ma carrière », a-t-il déclaré. Insistant sur la nécessité pour ses fans de faire comme lui, Samuel Eto’o a dit que cela était très important, parce que l’actuel président camerounais est un « leader rassembleur ».

Le soutien de Samuel Eto’o à Paul Biya est fortement critiqué au Cameroun et à l’étranger. A Yaoundé, par exemple, Akere Muna, candidat à la présidence qui a été l’un des premiers à réagir à cette annonce, s’est dit « triste et choqué ». Il a souligné que la décision de la star de football n’était pas bien accueillie, rappelant que Samuel Eto’o, aujourd’hui âgé de 37 ans, avait tout juste un an lorsque Paul Biya commença à diriger le pays. D’autres réactions plus nombreuses se trouvent sur les réseaux sociaux où certains Camerounais le qualifient de « traître ». Pourtant, Samuel Eto’o n’est pas le seul ancien lion indomptable à avoir indiqué qu’il votera pour Paul Biya. Rigobert Song, ancien capitaine et recordman de sélections avec le Cameroun, avait déjà, le 28 septembre dernier durant la campagne électorale, invité les Camerounais à voter Paul Biya, bref, à « le soutenir pour aller ensemble plus loin ».

Parmi les candidats en lice du scrutin qui s’annonce, le chef de l’Etat sortant est donné favori malgré de fortes tensions dans les régions anglophones. Il fera face à des candidats comme Joshua Osih du Social democratic front, principal parti d’opposition ; l’avocat et ancien vice-président de Transparency international, Akere Muna; et le président du parti Mouvement pour la renaissance du Cameroun et ancien ministre passé dans l’opposition, Maurice Kamto. Mais aucune coalition de l’opposition n’a été formée pour cette élection à un tour, chacun se disant sûr de ses chances d’être élu. C’est dire que cette année, comme en 2011, il semble compliqué d’entrevoir une victoire d’un candidat de l’opposition. À l’époque, Paul Biya avait été réélu avec 77,98% des suffrages et Paris comme Washington avaient noté de « nombreuses irrégularités » lors du scrutin.

Le scrutin va se dérouler dans un contexte sécuritaire tendu

L’élection présidentielle camerounaise va se dérouler dans un contexte sécuritaire tendu : les incursions du groupe djihadiste nigérian Boko Haram se poursuivent dans le nord du pays, pendant que les deux régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest sont le théâtre d’un conflit meurtrier entre l’armée et des séparatistes radicaux. Ceux-ci ont menacé d’empêcher le bon déroulement du scrutin dans ces régions quadrillées par les forces de l’ordre et de sécurité.

Selon des analystes, jamais une élection camerounaise n’avait pris place alors que l’armée est déployée dans trois des dix régions du pays : l’extrême-nord, où elle combat les djihadistes de Boko Haram, et les deux régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest, où des séparatistes armés réclament l’indépendance. Malgré cela, le ministre de l’Administration territoriale a assuré la population que le scrutin va se dérouler dans de bonnes conditions. Le président Paul Biya a, de son côté, souligné que les conflits armés que son pays connaît ne sont que des « troubles ».

Durant la campagne électorale, quatre candidats des neuf en lice étaient les plus distingués par leurs meetings et les diverses manifestations publiques. En tête des préoccupations que les intéressés ont évoquées, figure notamment la crise sécuritaire dans les deux régions anglophones, d’autant que depuis des mois, la violence n’a cessé de croître dans les principales villes de cette partie du pays. L’armée y est quotidiennement aux prises avec des combattants séparatistes représentant la frange radicalisée d’un vaste mouvement de mécontentement de la population anglophone, né fin 2016. A l’approche du jour du vote, les résidents de ces régions vivant depuis des semaines sous couvre-feu ont été contraints à fuir dans le sud-ouest et le nord-ouest.

Pour avoir réédité début septembre sa « Vision pour le Cameroun » compilée dans un ouvrage en 1987 et dépêché des soutiens de plateau en plateau télévisé défendre son bilan, le président-candidat, Paul Biya, a su cette année, comme à l’accoutumée, mobiliser des foules à ses meetings.

Contrairement aux trois dernières élections pour lesquelles l’opposant de toujours, Ni John Fru Ndi, était le principal challenger, « le scrutin semble en 2018 plus ouvert », notent les analystes. « C’est la première fois dans l’histoire du Cameroun qu’il y a des candidats d’opposition aussi démarqués qui ont de vraies offres politiques chacune différente », a estimé Fred Eboko, politologue camerounais à l’Institut de recherche et développement.

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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