Présidentielle : la candidature de Jean-Pierre Bemba fait polémique

Samedi 28 Juillet 2018 - 17:37

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D’après la majorité présidentielle, le sénateur pourrait tomber sous le coup de l’article 10 de la loi électorale qui dispose que les personnes condamnées par un jugement irrévocable de corruption sont inéligibles, allusion faite à l’affaire de subornation des témoins pour laquelle l’intéressé a été condamné par la CPI. Ce que dément la secrétaire générale de son parti.     

Attendu fiévreusement par ses militants, le sénateur Jean-Pierre Bemba dont le retour au pays est annoncé pour le 31juillet est au cœur de la chronique politique de ces dernières heures. Sa candidature à la magistrature suprême est au centre d’une vive controverse dans la classe politique sur fond d’un débat juridique axé sur l’interprétation de la loi électorale. Alors qu’au Mouvement de libération du Congo (MLC) l’effervescence est déjà perceptible dans le chef des militants mobilisés à accueillir leur leader après dix années d’absence dues à son incarcération à la Cour pénale internationale (CPI), une certaine opinion dénie d’ores et déjà à Jean-Pierre Bemba le droit de postuler à la présidentielle. C’est du camp présidentiel précisément que viennent les attaques ciblées contre le leader du MLC présenté comme inéligible au scrutin présidentiel de décembre.

Au-delà de l’euphorie que peut susciter le retour au pays de l’ex-challenger de Joseph Kabila à la présidentielle de 2006, il demeure comme tous les prétendants à tous les niveaux de scrutins, assujetti aux dispositions de la loi électorale. C’est ce que le porte-parole de la majorité présidentielle a tenu à faire comprendre à l’opinion, le 27 juillet, par le biais d’une conférence de presse. « L’émotionnel ne remplace pas le droit », a déclaré Alain André Atundu pour qui le sénateur Jean- Pierre Bemba est frappé par l’article 10 de la loi électorale qui dispose que les personnes condamnées par un jugement irrévocable de corruption sont inéligibles.

Dans le cas d’espèce, a-t-il indiqué, la subornation de témoins, pour laquelle le leader du MLC a été condamné par la CPI, « est une altération de la volonté et de la conscience du témoin par des moyens condamnés par la loi ». Et d’enchaîner : « Il a été libéré pour les crimes contre l’humanité, etc., mais pour subornation des témoins, il a été condamné. Le fait d’être condamné suffit. Ce qui reste maintenant, c’est de déterminer la durée de la peine ».

La RDC, a-t-il argumenté, assume les décisions coulées en arrêts définitifs de la CPI dont elle est membre à part entière et par conséquent, ne peut valider, au regard de ses propres lois, la candidature d’un repris de justice. D’autres juristes du même bord politique ont appuyé cette version en insistant sur l’applicabilité de l’article 10 point 3 de la loi électorale qui, dit-on, consiste à moraliser l’espace politique congolais en évitant que des violeurs, des tueurs, des détourneurs, des corrupteurs, n’accèdent aux plus hautes fonctions de l’État.

Du berger à la bergère

Au triomphalisme affiché par la majorité présidentielle qui se félicite déjà à l’idée de voir Jean-Pierre Bemba être disqualifié à la prochaine présidentielle, le MLC oppose sa ferme assurance vis-à-vis de la candidature de son leader qui, d’après ce parti, ne peut souffrir d’aucune contestation. Les membres du MLC font fi de l’argumentaire développé par la majorité présidentielle, obnubilés par le retour de leur leader annoncé pour le 31 juillet par Gemena pour un recueillement devant la tombe de son père avant de mettre le cap sur Kinshasa, le 1er août. Tout, apprend-on, est fin prêt pour réserver un accueil digne de ce nom à cet opposant farouche dont le retour pourrait vraisemblablement bouleverser les données dans le microcosme politique congolais. « Investi par le congrès, il sera notre candidat à l’élection présidentielle et nous allons déposer sa candidature aussitôt qu’il sera au pays et il va le faire personnellement », entend-on dire dans les milieux du MLC.

Les partisans de Jean-Pierre Bemba ne manquent pas non plus d’arguments pour soutenir, sur le plan du droit, la candidature de leur leader qu’ils estiment conforme à la loi. Acquitté des accusations des crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour lesquelles il était poursuivi principalement, l’intéressé n’a plus de compte à rendre avec la justice internationale, fait savoir Eve Bazaïba. Et de préciser que l’autre affaire subsidiaire, celle de subornation des témoins greffée sur l’affaire principale, tombe automatiquement. Cette secondaire affaire « ne peut pas avoir d’impact sur le dépôt de la candidature de Jean-Pierre Bemba à la présidentielle du 23 décembre 2018 », note la secrétaire générale du MLC. « Bemba a été libéré par rapport à l’affaire principale et le dossier de l’affaire subsidiaire est greffée à la principale qui n’existe plus. On ne peut plus spéculer sur l’affaire subornation des témoins par la même occasion », explique-t-elle                                         Chaque camp a sa façon de lire le droit et d’interpréter les dispositions de la loi électorale. C’est sur ces entrefaites que se négocie le retour de l’opposant Jean-Pierre Bemba qui risque de laisser des traces. L’annulation, le 28 juillet, du vol de Congo Airways qui devrait transporter une équipe d’avance du sénateur vers Gemena d’où il devrait atterrir en provenance de Bruxelles pour, dit-on, des raisons techniques, est un signe qui ne trompe pas. À l’entame du mois d’août, le retour au pays de Bemba s’annonce déjà comme un fait politique majeur qui risque de faire tâche d’huile.   

Alain Diasso

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