Proche-Orient : risque d'escalade guerrière en Irak

Vendredi 3 Janvier 2020 - 17:30

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L'Irak a déclaré vendredi redouter une guerre dévastatrice après l'assassinat sur son sol par les Etats-Unis du puissant général iranien, Qassem Soleimani, et de son premier lieutenant.

C'est le tir de précision d'un drone qui a pulvérisé en pleine nuit les véhicules à bord desquels se trouvaient les deux hommes, à la sortie de l'aéroport de Bagdad. Ce raid, qui a suscité des réactions inquiètes à travers le monde, a été ordonnée par le président américain Donald Trump lui-même.

Soleimani, un dirigeant des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, est mort sur le coup, tout comme Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran désormais intégrés à l'Etat irakien.

Selon un responsable local, le commandant irakien, ennemi numéro un des Etats-Unis en Irak depuis des décennies, était venu chercher Qassem Soleimani à l'aéroport. "Il l'a accueilli ainsi que deux autres visiteurs et leurs véhicules ont ensuite été touchés", a-t-il indiqué.

Il s'agit de la plus importante opération de décapitation jamais menée par les Etats-Unis, plus que celles ayant tué Abou Bakr al-Baghdadi ou Oussama Ben Laden, les chefs des groupes Etat islamique (EI) et Al-Qaïda, a commenté Phillip Smyth, spécialiste américain des groupes chiites armés.

L'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, et le président Hassan Rohani ont appelé à venger cette mort. Et, à Téhéran, des dizaines de milliers de personnes manifestaient dans l'après-midi de vendredi aux cris de "A mort l'Amérique". A Bagdad, les commandants des factions pro-Iran ont appelé leurs combattants à se tenir prêts. Au Liban, troisième pivot de l' "axe de la résistance" iranien au Moyen-Orient, le mouvement chiite Hezbollah a promis "le juste châtiment aux assassins criminels".

Parmi les autorités irakiennes, traditionnellement écartelées entre leurs alliés américain et iranien, le Premier ministre démissionnaire, Adel Abdel Mahdi, a estimé que le raid américain allait enclencher une guerre dévastatrice dans son pays. Le président Barham Saleh a exhorté tout le monde à la retenue. L'Iran, de son côté, a annoncé dès la mi-journée le nom du successeur de Qassem Souleimani à la tête des forces Al-Qods, Esmaïl Qaani.

La frappe américaine qui a fait dix morts au total est intervenue après l'assaut mardi de l'ambassade américaine à Bagdad par des milliers de partisans du Hachd, une démonstration de force qui a ravivé pour Washington le traumatisme de la prise d'otages à l'ambassade de Téhéran en 1979.

Alors que trois jours de deuil ont été décrétés en Iran, le Parlement irakien va se réunir très rapidement pour déterminer la position officielle du pays et évoquer l'avenir des 5200 soldats américains postés en Irak en vertu d'un accord que Bagdad semble prêt à dénoncer.

La frappe du drone américain a eu lieu après une série d'attaques à la roquette contre des diplomates et des soldats américains. Non revendiquées, elles ont tué le 27 décembre un sous-traitant américain et ont été attribuées par Washington aux forces pro-Iran en Irak. Le 29 décembre, Washington avait rétorqué en bombardant une base près de la frontière syrienne, faisant vingt-cinq morts.

Alors que le Congrès n'a pas été notifié en amont du raid selon un élu démocrate, les réactions ont divergé à Washington. L'influent sénateur républicain Lindsey Graham a menacé l'Iran tandis que la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, a estimé que l'Amérique et le monde ne pouvaient se permettre une escalade qui atteindrait "un point de non-retour".

La communauté internationale a exprimé sa vive inquiétude. Le raid américain va accroître les tensions, ont jugé Moscou et Paris, tandis que Pékin et Londres ont appelé au calme et à la désescalade. "Le cycle de violence, de provocations et de représailles doit cesser", a dit le président du Conseil européen, Charles Michel. Le Premier ministre israélien, qui a écourté un séjour en Grèce, s'est rangé du côté américain, évoquant le droit de se défendre de Washington. Dans la matinée de vendredi, les cours du pétrole ont bondi en raison des risques de conflit au Moyen-Orient.

 

D'après AFP

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