Couleurs de chez nous. De Aristote à Arafat

Jeudi 17 Octobre 2019 - 21:25

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Le premier était philosophe et le second n’est autre que le célèbre artiste ivoirien qui vient de nous quitter dans des circonstances tragiques. Chacun, à sa façon et à son époque, a fortement influencé la jeunesse. L’un par la force et la puissance de sa pensée et l’autre par le rythme de sa musique.

Chez nous, les années passées ont vu la gloire des philosophes alors que les temps présents sont désormais conquis par les artistes musiciens. Ils sont des influenceurs de la pensée collective.  Des icônes de la jeunesse !

En effet, jusqu’au début des années 1990, les jeunes congolais étaient restés passionnés des arts, des lettres et de la philosophie. Cela était remarquable par les petits noms ou pseudonymes qu’ils s’attribuaient : Aristote, Socrate, Zeus, Platon, Hegel, Kant ou Descartes. Cette passion pour les gens d’esprit a poussé ces Congolais d’hier à donner à leur progéniture des prénoms d’écrivains ou de philosophes. Même les écoles privées qui ont éclos à l’aube des années 1990 affichaient des enseignes aux couleurs intellectuelles.

Le lycéen et l’étudiant d’hier avaient sa tête dans l’encyclopédie. Aux nombreuses citations auxquelles ils recouraient pour donner de la pertinence à ses propos, ils se distinguaient par l’écoute d’une musique d’un certain genre (classique, blues ou jazz) et la qualité de leurs dépenses étaient orientées majoritairement vers les ouvrages. Au fronton de leurs chambres ou studios, on pouvait lire : « Agora » ; « La Sorbonne » ; « L’Académie » ; « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » ou, simplement, « Rive gauche (de la Seine !) » en référence à la situation géographique du célèbre Quartier latin de Paris où bouquinistes, « rats de bibliothèques » et autres collectionneurs de belles œuvres se côtoient et se mesurent.

Aujourd’hui, le philosophe a passé le témoin au musicien et au footballeur. Arafat (paix à son âme !) et tous les occupants du petit écran sont les maîtres à penser de la jeunesse (congolaise) qui pense et respire la musique. Ignorant ce qu’est le Littré, notre jeune a pour hobbies le téléchargement des nouveautés musicales, la collection des posters des stars de la chanson, du football ou du cinéma.

Di Caprio, Conor, Jennifer, Messi, Ryhana, etc., tels sont les prénoms que les jeunes pères et mères d’aujourd’hui affectionnent pour leurs enfants. L’esprit coincé dans le présent, ils ont volontairement élevé un mur avec le passé. S’ils connaissent Fally et Roga, jusque dans leurs frasques, ils ignorent cependant que Luambo ou Pamelo Mounka avaient longtemps dominé la chanson congolaise des deux rives. N’allez surtout pas leur demander qui étaient Soni Labou Tansi, Sylvain Mbemba ou Letembet Ambily.

L’école de peinture de Poto-Poto ? Même les célèbres universités du monde leur sont inconnues tout comme le sont les grandes formules mathématiques et physiques avec lesquelles rivalisaient leurs aînés, aujourd’hui leurs pères. Si Madagascar leur vient à l’esprit, le blanc des yeux apparaît quand on leur demande si le Vanuatu est un pays ou un animal.

Van Francis Ntaloubi

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