Veuvage en Afrique : des sévices qui perdurent au nom de la tradition

Jeudi 7 Novembre 2019 - 19:24

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Véritable épreuve laissant quelquefois des séquelles physiques et psychiques, le veuvage est une pratique ancestrale qui se réalise tant sur l’homme que sur la femme qui vient de perdre son ou sa conjoint(e). La femme en est la plus victime. Zoom sur un rite douloureux. 

Dès l'annonce du décès du conjoint, son épouse entre immédiatement en période de veuvage. Les brimades commencent aussitôt mais les rites surviennent après l'inhumation du défunt. La femme est stigmatisée et soumise à des tests avec pour objectif de vérifier son innocence concernant la mort de son conjoint.  

Durant ces rituels dans certaines ethnies, une veuve est contrainte de se raser la tête, s’assoir et dormir uniquement à même le sol, se faire prendre son bain par d’autres personnes, manger et pleurer constamment à des heures précises. Quoique pas du tout évident, la veuve doit constamment présenter une attitude triste et meurtrie, s’habiller légèrement dénudée, se badigeonner de cendre ou de kaolin, limiter ses mouvements, marcher tête baissée et poings fermés, parfois s’enfermer dans la case ou chambre du défunt pendant quelque temps.

Une fois les sévices achevés, la veuve est emmenée généralement à la rivière pour se purifier. Des interdits sont imposés : voyage, festivités, serrer la main à quelqu’un… La période de veuvage peut durer plusieurs mois et est levée par des cérémonies adéquates qui vont en quelque sorte la faire renaître à une éventuelle vie de famille future. A cet effet, elle se présentera à la communauté dans un nouveau look pour une réception de cadeaux autour d’un repas et des bénédictions prononcées par ses convives.  

A en croire certaines personnes, le rituel joue un rôle de purification de la veuve afin de la libérer d’un quelconque attachement, passions et sentiments envers le défunt mari.   « Quand j'ai perdu mon mari, on m’a fait croire que le rituel était la base de survie pour toute veuve. C'était horrible, mais étant donné que la tradition me l’exigeait, j’étais obligée de m'y soumettre sous peine de malédiction », a témoigné Madeleine Nianga, veuve âgée de 78 ans.

Pour Jean Makaya, patriarche d'un clan, ces rituels de veuvage visent à purifier simplement et à libérer la veuve et sa famille des souillures de la mort, ainsi qu’à apporter la sérénité et l’harmonie.  

Aujourd'hui, la société moderne tente tant bien que mal d’éradiquer cette pratique mettant à mal le bien-être féminin. Un homme qui perd sa femme n'a de contraintes que de la porter en terre sans autres obligations ni sévices majeurs. Ces supplices, pour lui, sont remplacés par le versement d’une somme d’argent pour compenser l’humiliation. Ce qui n’est pas toujours le cas pour la femme.

Il est clair qu’au vu des défauts d’égalités et de déviations constatés pendant le rite de veuvage, celui-ci mérite d’être réorganisé et équilibré afin que cela ne porte pas préjudice à celui qui doit le pratiquer. Soulignons que la Journée internationale de la veuve a été instituée en 2010 par l’Assemblée générale des Nations unies, afin de donner une reconnaissance particulière à la situation des femmes après la disparition de leur conjoint.

Karim Yunduka

Légendes et crédits photo : 

Une femme au pied de la tombe de son conjoint

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