Distinction: Bill Kouélany reçoit le prix Prince Claus

Jeudi 5 Décembre 2019 - 15:54

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Originaire du Congo Brazzaville, la lauréate fait partie des sept personnalités qui ont été récompensées le 4 décembre par  Prince Constantijn des Pays-Bas , au cours d’une cérémonie au Palais royal d’Amsterdam. Ces personnalités ont été distinguées pour leurs réalisations exceptionnelles dans le domaine de la culture et du développement.

Les prix Prince Claus 2019, explique-t-on, rendent hommage à des femmes remarquables qui accomplissent un travail culturel de haute qualité ayant un impact important sur la société. Leurs réalisations influencent la vie des femmes et des filles, mais profitent aussi à l’ensemble de leur société. « Travaillant et s’exprimant dans des disciplines et des contextes divers, elles offrent des exemples aux multiples facettes du rôle fondamental joué par les femmes dans le domaine de la culture et du développement », indiquent les organisateurs.

Ce prix a été décerné à Bill Kouélany pour ses œuvres complexes et expressives qui critiquent la société et les politiques contemporaines, explorant avec honnêteté et intégrité des sujets difficiles et souvent extrêmement douloureux ; pour sa ténacité, sa persévérance et l’incontestable qualité de son travail novateur, à la fois en tant qu’artiste et dans le domaine de l’action culturelle, ceci dans un contexte dur, transformant le manque et les difficultés en potentiel et en force ; pour sa générosité et son engagement dynamique pour les jeunes, les encourageant, les aidant à se prendre en charge, leur offrant des lieux, des formations, un accompagnement, et créant des opportunités là où les moyens pour l’art sont limités ; pour sa façon de favoriser les échanges culturels et la création de liens et d’échanges entre les professionnels du monde culturel au Congo, pour avoir développé l’art de manière innovante en Afrique et partout dans le monde et  pour la voie qu’elle a ouverte courageusement, faisant disparaître les frontières entre les différents médias, les disciplines, les espaces et les gens, et en faisant œuvre de pionnière dans l’expansion et la mise en place de la diversité de la culture contemporaine au Congo-Brazzaville.

Un éventail de sujets abordés par l'ariste

Bill Kouélany, née à Brazzaville, en 1965, est artiste plasticienne, écrivaine, scénographe et une figure majeure du monde de l’art dans son pays. Intellectuelle de haut niveau, elle combine de manière originale et innovante la peinture, le collage, la performance, le mot écrit et parlé, l’installation et la vidéo. Immensément lucide et polyvalente, elle s’intéresse à un vaste éventail de sujets. Certaines de ses œuvres sont terriblement hardies, drôles et cinglantes comme la vidéo dans laquelle elle juxtapose le sexe et le foot. Dans d’autres œuvres, des écrits et une certaine ironie font apparaître une critique politique et sociale à plusieurs niveaux.

Le travail de Bill Kouélany est extrêmement personnel et se fonde sur des expériences vécues. Multidimensionnel et à plusieurs niveaux, il reflète souvent l’ambiguïté et l’ambivalence. Elle explore des thèmes tels que la perte, la douleur, les blessures, l’égalité des sexes, la solitude et les conflits, utilisant des matériaux et une technique de déchirures, de cassures, d’encollage et de couture qui font ressortir la fragilité et la vulnérabilité de l’existence.

L’étude à long terme qu’elle a menée sur la violence potentielle présente chez tous les êtres humains a abouti à des explorations intimes et critiques de la relation entre soi et les autres. "Sans titre", une vaste installation présentée à la Documenta 12 (2007), explore les conséquences de la guerre et de la violence : un mur monumental fait de briques en papier-mâché déchiré et de lambeaux, et orné de mots et d’images sur la violence et les conflits politiques. Tout cela tient par la colle et des coutures d’une grande expressivité.

Des initiatives pour la promotion de l'art

Deux vidéos insérées dans ce mur montrent l’impact de l’architecture et de la violence sur l’identité. En dépit du fait que Kouélany refuse formellement tout label de genre ou de race dans sa pratique artistique, on ne peut passer sous silence qu’elle a été la première femme de la région subsaharienne à être invitée à participer à la Documenta. En 2012, Bill Kouélany fonde Les Ateliers Sahm, un centre d’art contemporain local, unique en son genre qui offre un lieu, du matériel et des outils aux plasticiens, rappeurs, danseurs, écrivains, photographes, acteurs, chanteurs comédiens et musiciens pour travailler, expérimenter et échanger des idées. On y trouve une bibliothèque et un club d’écriture et de lecture. Le centre s’est engagé à défendre l’égalité des sexes, ouvrant des opportunités pour les femmes? notamment des allocations mensuelles pour l’achat de matériel artistique.

En 2012, Kouélany lance aussi la Rencontre internationale de l’art contemporain : un mois de performances, de workshops et de séminaires animés par des spécialistes internationaux sur des sujets tels que l’art vidéo, la poésie slam, la critique de cinéma et d’art, ainsi qu’un programme de résidences pour des artistes d’Afrique et du reste du monde invités à travailler avec ceux du Congo sur des thèmes spécifiques tels que « Talking body » (2018) et « Reinventing the world…at dawn crossings » (2019). Les Ateliers Sahm organisent également Bana’Arts, une série de workshops hebdomadaires sur une période de quatre mois pour accompagner des enfants vulnérables, augmentant ainsi leurs compétences et leur confiance en eux, et les aider à développer un parcours professionnel. Tous les deux ans, Kouélany s’occupe de la participation du Congo et des pays voisins au programme Off de la Biennale de Dakar. Suite à cela, de jeunes artistes sont ensuite sélectionnés pour l’exposition principale de Dak’art, où ils obtiennent des résidences à l’étranger et sont invités à exposer dans d’autres pays.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Bill Koulélany recevant son prix

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