Mode de vie : avantages et revers des mutuelles au Congo

Lundi 6 Avril 2020 - 12:45

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Les mutuelles, encore appelées « moziki ou miziki » ne cessent de prendre de l’ampleur dans les contextes de crise financière au Congo.  Ces nouvelles formes de socialisation suscitent des avis controversés au sein de la société.

Sous l’influence de la culture bantoue, la famille occupe une place de choix dans la société congolaise. Pour un Congolais, parler de la famille c’est revoir toute la lignée depuis les arrière-grands-parents et toutes les ramifications liées à l’arbre généalogique. Cependant, l’urbanisation et les crises sociopolitiques ont brisé le mythe de l’équilibre et la sécurité censés être garantis dans les familles. Comme refuge, le mutualisme a pris corps. La vie des mutuelles présente autant d’avantages et qu’elle ne crée d’autres problèmes dans la société.

Notamment pour éviter la thésaurisation et suppléer aux imprévus dont seul on ne peut faire face, hommes et femmes ont pensé mettre en place des mutuelles, organes regroupant les amis, voisins, collègues ou membres d’une même corporation dans le but d’assistance multiforme. Aussi trouve-t-on, selon les objectifs visés, des mutuelles d’assurance, de crédit, d’épargne, ou des mutuelles de tel quartier, des ressortissants de tel village, des mutuelles du marché, des clubs sportifs, d’entreprises, des ministères… Le comble, c’est qu’il existe aussi des mutuelles à but fantaisiste, comme celle des femmes des soûlards, créée à Pointe-Noire. Ces Ponténégrines se soûlent davantage, autant que le font leurs maris ou concubins. Est-ce pour se venger d’eux ? pour quel intérêt ?

Cette façon de faire n’a pas échappé à d’autres personnes de réfléchir autrement sur la mutuelle et son rôle dans la société.  Pour beaucoup, la mutuelle devient un regroupement de personnes (hommes ou femmes) pour l'entraide et le soutien multiforme. Dans ces mutuelles, la personne adhère avec une cotisation appelée frais d’adhésion et un montant déterminé selon les textes communément appelés règlement intérieur et statut. «Les textes de la mutuelle sont rédigés en assemblée générale avec les membres de la mutuelle », a affirmé Nelyse, membre d’une mutuelle de femmes à Brazzaville. Avant d’ajouter : « Dans ces textes, nous retrouvons l’organigramme de la gestion qui est souvent composé du bureau comme suit : un président, un vice-président, un secrétaire et un chargé de contrôle et vérification ainsi que leurs rôles. Nous retrouvons également dans ces textes de base les articles sur les mesures disciplinaires, les sanctions en cas de non-respect des textes, de détournement d’argent, de non-paiement des droits, d’absence lors des rencontres, etc.»

A entendre cela, c’est toujours l’argent qui est au centre, et souvent la pomme de discorde. Le but des mutuelles est l’entraide entre les membres ! A ce propos, les articles sont aussi rédigés pour réglementer les cotisations dans les cas comme l’hospitalisation d’un membre, des parents proches du membre (pères, mères, époux, épouse, enfants, frères et sœurs), décès du mutualiste ou des parents proches.  Une assistance physique ainsi que financière est souvent obligatoire. De même pour les cas de jouissance, mariage, retrait de deuil et anniversaire. La plupart des mutualistes sont des femmes, célibataires ou mariées. «La mutuelle est comme une seconde famille qui m’aide lorsque je suis dans le besoin. Comme femmes, nous y adhérons souvent pour avoir aussi un cadre approprié d’échange autour des questions féminines. Ce sont des lieux d’initiation à la vie conjugale et à l’entrepreneuriat pour ne pas dépendre toujours de l’homme », a expliqué Marina, membre d'une mutuelle.

Dans la foulée, pour bénéficier d’une grande assistance, une personne peut se retrouver  dans plus de trois mutuelles, augmentant également les exigences ou charges à supporter. Et cela a des revers. Certains ne sont plus ponctuels au travail à cause des mutuelles ; les autres entrent en conflit avec leurs partenaires parce qu’ils accordent plus de priorité à la mutuelle qu’à leur foyer. « La mutuelle ne peut en aucun cas remplacer les liens familiaux. Que chacun prenne conscience, afin de revoir son dévouement à la mutuelle, pour ne pas empiéter sur les devoirs d’état. Moi, je n’accepterai pas que mon épouse devienne membre d’une mutuelle, sauf si nous y sommes tous les deux. Les mutuelles tel qu’elles s’affichent dans nos quartiers, elles sont rarement des milieux d’émancipation, mais plutôt de perversion », a pensé Aimé Vouka n'appartenant à aucune mutuelle.

 

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Une mutuelle à Brazzaville

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