Mozambique : l’insécurité risque de retarder la mise en exploitation du gaz naturel

Mardi 2 Juin 2020 - 13:21

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La situation dans le Nord du pays, théâtre d’une insurrection islamiste depuis octobre 2017, et où les attaques s’intensifient, semant la terreur, est provoquée, entre autres, par la récente découverte d’un énorme gisement offshore de gaz naturel (le troisième plus grand au monde) dans la province de Cabo Delgado, à majorité musulmane. L'exploitation de ce gisément est prévue pour 2022.

 

L’arrivée sur place de grands groupes comme l’Américain Exxon-Mobil et le Français Total a poussé les djihadistes à envahir la région dont l’actuel président mozambicain, Filipe Nyusi, est originaire. Des témoins font état de villages incendiés, d’hommes et de femmes décapités, d’enfants enlevés, de bâtiments officiels, banques et infrastructures détruits dans cette partie située le long de la frontière avec la Tanzanie.

« Des groupes armés tuent les gens, brûlent les maisons et les champs », explique Andrej Mahecic, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. « Parfois ils préviennent les habitants, qui ont juste le temps de s’enfuir en laissant tout derrière eux. Des centaines de villages sont abandonnés ». De son côté, Gildo Mutanga qui a déjà fui son village dit ne pas comprendre la raison même de cette cruauté inégalée. « Ils nous tuent mais nous ne savons pas ce qu’ils veulent », relève-t-il.

Stephen Rakowsi, un expert dans le domaine de la sécurité, évoque la présence des mercenaires russes venus épaulés le régime. « Des rumeurs, parlant de terres et de zones de pêche volées par les élites locales, au bénéfice des intérêts étrangers, ont accru le mécontentement des gens », affirme-t-il. De plus, souligne-t-on, la contrebande d’héroïne, d’ivoire, de bois et de pierres précieuses, qui bénéficie à la fois aux islamistes et à l’élite politique locale, est tout aussi à l’origine de l’insécurité qui règne au Mozambique.

Les atrocités qui y sont décriées sont attribuées à une secte locale, al-Shebab (sans lien direct avec le groupe somalien du même nom), qui n’a ni programme, ni leaders connus. Selon une étude de l’Université du Mozambique, des prédicateurs extrémistes de Tanzanie et du Kenya ont infiltré le Cabo Delgado. Ils n’auraient eu aucun mal à recruter plus de 1 500 jeunes dans cette région musulmane, la plus pauvre du pays, appelée aussi le « Cabo Esquecido » (le Cap oublié), en raison du manque de services publics et d’emplois.

Des actions meurtrières visant à empêcher la construction d’une nation prospère

« Le niveau de plus en plus sophistiqué des attaques montre de probables connexions entre les deux groupes », estime Jasmine Opperman, du Consortium d’analyse et recherche sur le terrorisme, affirmant que ces terroristes sont appuyés par l’Etat islamique. Des voix s’élèvent dans le pays affirmant aussi que l’utilisation plus prolifique des munitions par les insurgés indique un meilleur accès aux ressources qu’auparavant, probablement en raison du soutien d’autres groupes terroristes d’Afrique de l’Est.

« Les actions meurtrières des assaillants ont causé la destruction d’infrastructures locales et étatiques. Elles visent à démoraliser et à semer la confusion parmi les populations (...) et à contrarier notre désir de construire une nation prospère », déplore le ministre de l’Intérieur, Amada Miquidade.

Plusieurs observateurs affirment que pour combattre les djihadistes, les autorités mozambicaines ont recruté des centaines de mercenaires pour combattre aux côtés de l’armée, elle-même accusée d’atrocités et d’arrestations arbitraires. C’est ainsi qu’en raison de la forte présence des forces de sécurité gouvernementales et privées, les insurgés ne sont jusqu’à ce jour pas parvenus à lancer des attaques contre les infrastructures gazières (tant à terre qu’en mer). Mais le manque de transparence des autorités accroît le sentiment de désarroi. « Dans une maison où vous ne savez pas qui est le voleur, les gens commencent à se méfier les uns des autres », pense le président mozambicain.

La situation se détériore au Mozambique alors que l’Union africaine qui se propose de « faire taire les armes » partout en Afrique ne peut concrétiser cette volonté affichée du fait surtout de la pandémie du coronavirus qui sévit sur le continent. Hors d’Afrique, l’Union européenne a fait part de sa « grande inquiétude » face aux violences à Cabo Delgado. Dans un récent communiqué, Bruxelles a réclamé « une action efficace pour protéger les citoyens », se disant de nouveau « prête à aider » Maputo.

Depuis l’émergence des groupes islamistes qui sèment la terreur dans le Cabo Delgado, une province riche en importants gisements gaziers sous-marins, leurs attaques contre les populations et les forces de sécurité ont déjà fait plus de 1.100 morts, dont 700 civils, a recensé l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project. Les autorités estiment à au moins 150.000 le nombre de personnes qui ont été déplacées par ces violences.

Hormis les attaques djihadistes, le Mozambique est confronté à l’augmentation des taux de criminalité urbaine, due à la facilité d’accès aux armes et à la croissance du trafic de drogue. La criminalité de rue et les vols à la tire sont susceptibles de poser problème dans la capitale et dans d’autres grandes villes, de même que les vols à main armée commis au hasard. Malgré les promesses répétées du régime, l’armée et la police, ne parviennent pas à ramener l’ordre.

Nestor N'Gampoula

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