Evocation : Penelope, Shéhérazade : stratagèmes de femmes

Dimanche 16 Août 2020 - 14:21

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Penelope et Shéhérazade. Deux personnages littéraires féminins venus du fond des âges. Penelope la Grecque, Shéhérazade la Persane. Penelope épouse d’Ulysse apparaît dans l’Odyssée du poète de l’antiquité grecque Homère. Marié au sultan persan Sharyar, Shéhérazade est la redoutable conteuse des Mille et Une nuits dont l’auteur est resté inconnu. Un trait de caractère peu commun que nous appellerons par la résilience féminine, exprimé face à l’adversité, par ces deux héroïnes nous vaut l’honneur de les convoquer dans cette évocation. Penelope tout comme Shéhérazade sont des modèles de femmes parfaites en amour. Elles réunissent les deux conditions nécessaires et suffisantes qui rendent heureux leurs conjoints. Elles ont et le cœur et l’esprit. Plongées dans des milieux où l’adversité guette, ces deux héroïnes ont déjoué le sort soit pour sauver leur amour, soit pour sauver leur peau ? Voici deux stratagèmes de femmes résilientes.

Homère, l’Odyssée, Ulysse. Poète, récit et héros classiques. Dans la Grèce archaïque aux coutumes étrangement bantoues, le héros Ulysse est absent de son Ithaque natal voici déjà des années. Parti en guerre avec d’autres héros contre la lointaine Troie pour venger l’honneur de sa patrie souillé par le rapt d’Hélène, femme de Ménélas, le cadet du roi Agamemnon, le retour d’Ulysse est incertain. Or, il a laissé une femme, Penelope, un fils, Télémaque et, un père mourant Laerte. Comme il est donné pour mort, la tradition exige que sa veuve accepte la main d’un de ses nombreux prétendants qui, depuis, l’engagent à vite se prononcer pour l’un d’eux.

Mais, il en va tout autrement dans la tête de Penelope. Restée fidèle à son mari, elle espère toujours son retour. Sur moi, il est si lourd, le deuil intolérable ! quelle tête je pleure, sans pouvoir oublier le héros dont la gloire court à travers l’Hellade et plane sur Argos !

Face à la pression de ses prétendants, Penelope recourt à un stratagème dont le but est de retarder son passage dans les bras de l’un d’eux. Elle donnera sa main à l’un de ses prétendants, le jour où elle aura fini de tisser le linceul de son beau-père Laerte dont le terme terrestre est proche. C’est une ruse. Après trois ans de travail, le tissu n’est toujours pas près. A la quatrième année, sa ruse est éventrée. Voici en quels termes, Antinoos, l’un de ses fougueux prétendants décrit l’astuce employée par Penelope pour les rouler.

Antinoos (il s’adresse à Télémaque, fils d’Ulysse et Penelope) : « Quel discours, Télémaque ! ah ! prêcheur d’agora à la tête emportée !... tu viens nous insulter. Tu veux nous attacher un infâme renom !... La cause de tes maux, est-ce les prétendants ? ...ou ta mère qui, pour la fourbe, est sans rivale ? Voici déjà trois ans, en voici bientôt quatre, qu’elle va en se jouant du cœur des Achéens, donnant à tous l’espoir, envoyant à chacun promesses et messages, quand elle a dans l’esprit de tout autres projets ! Tu sais l’une des ruses qu’avait ourdies son cœur. Elle avait au manoir dressé un grand métier et, feignant d’y tisser un immense linon, nous disait au passage : « Mes jeunes prétendants, je sais bien qu’il n’est plus cet Ulysse divin ! mais, malgré vos désirs de hâter cet hymen, permettez que j’achève : tout ce fil resterait inutile et perdu. C’est pour ensevelir notre seigneur Laerte : quand la Parque de mort viendra tout de son long le coucher au trépas, quel serait contre moi, le cri des Achéennes, si cet homme opulent gisait là sans suaire !» Elle disait et nous, à son gré, faisions taire la fougue de nos cœurs. Sur cette immense toile, elle passait les jours. La nuit, elle venait aux torches la défaire. Trois années, son secret dupa les Achéens. Quand vint la quatrième année, à ce printemps dernier, nous fûmes avertis par l’une de ses femmes, l’une de ses complices. Alors on l’a surpris juste en train d’effiler la toile sous l’apprêt et si, bon gré mal gré, elle dut en finir, c’est que nous l’y forçâmes. Mais toi des prétendants, écoute une réponse qui renseigne ton cœur et qui renseigne aussi tout le peuple achéen. Renvoie ta mère d’ici et dis-lui d’épouser celui qui lui plaira et que voudra son père. »

Stratagème de femme, l’expression l’ouvrage de Penelope ou encore tisser la toile de Penelope est depuis passée dans la langue courante pour qualifier un travail qui ne finit pas. Mais, comment ne pas remarquer qu’à travers ce stratagème, Penelope exprime une résistance, j’allais dire une résilience toute féminine contre les assauts de ses prétendants. Ulysse l’avisé, l’élu de son cœur après avoir déjoué mille pièges sur son chemin de retour la retrouvera au domicile familial non sans avoir puni les traîtres. La fidélité de Penelope deviendra légendaire. (à suivre)

 

 

François-Ikkia Onday-Akiera

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