Récit : dans les confidences des villages Makana

Jeudi 26 Novembre 2020 - 19:59

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Les villages Makana 1 et 2 sont issus d’un regroupement de différents campements disséminés dans les forêts environnantes à la suite de l’ouverture de la nouvelle route Brazzaville-Kinkala. Ce regroupement  fut réalisé sous la colonisation dans les années 1940. 

Makana 1 et 2, construits sur une chaîne de collines, sont au départ bien distincts car marqués par l’appartenance ethnique : Makana 1 est téké et Makana 2 lari. Le nom de Makana s’est finalement imposé devant le nom Matésama que tentaient de donner les Laris à leur nouveau village. Makana, nom téké, et Matessama, lari, signifient la même chose à savoir : l’intégrité.

Après avoir vécus séparés et en chiens de faïence, les deux villages établissent une coopération basée sur un échange de culture. Les habitants du village Makana 1 apprennent auprès des habitants de Makana 2 comment récolter le vin de palme, tandis que les habitants du village 2 apprennent la vannerie auprès du village 1. L’école qui ouvre ses portes en 1946 vient ajouter une couche à la culture du « mbongui » transmise aux enfants. Ils sont nombreux des cadres ayant fait leurs premiers pas à cette école de Makana marquée par la lecture de « Mamadou et Bineta » d'André Davesnes, homme de lettres et éminent pédagogue. Des unions s’établissent entre les familles des deux villages. Un tourisme naît autour de ces villages séparés de Brazzaville (27-28 km).  Les touristes viennent pour acheter le produit de cette alliance fraternelle.

En effet, le dimanche, jour du marché à Makana 1, de nombreux Brazzavillois, d'autres Congolais et des Européens viennent de Brazzaville pour consommer bio : acheter les produits de la vannerie et boire du « ntsamba naturel». Dans la vannerie des noms vont émerger : Mouanga Moukoubou, Malonga Moukoubou ou encore Mouyela. La chanson et la danse prenaient une part importante dans cette détente du dimanche. Certains touristes  profitaient de leur bref séjour à Makana pour bénéficier des soins traditionnels thérapeutiques auprès des matsouanistes, très réputés dans le traitement de  certaines maladies dans les deux villages. Aussi les deux villages gagnaient-ils en notoriété.

En fait, les villages de Makana adoptèrent la consommation locale. Le mode de vie des deux villages entrait dans la mode des Brazzavillois. Cette vie modeste produisit des personnes centenaires. Plusieurs  meublaient et impressionnaient Makana 1 et 2 , parmi lesquels on peut citer : Nkouelo, Ntsoumbou, Mounimbou, Louyounou loua longui, Malonga ma Biyouari, Ntsama, Wanfi,  Imfouri. Malheureusement ces personnes centenaires ne bénéficiant pas de suivi du ministère des Affaires sociales avaient fini par mourir. Certains d’entre eux furent inhumés à Makana. C’est le cas du premier chef du village Makana 1 , Matsona ma Biyouari. Mais le déclin des villages Makana  s’est amorcé  sous le régime du 1er président de la République Fulbert Youlou. Des clivages s’installent entre adeptes de matsouanisme  et militants de « caimans ». Les matsouanistes qui boycottent tout de l’Etat, même l’école. A la fin, la loi sur la déportation qui les frappe assène à la fois un coup de massue à la vie des villages Makana.

Et depuis, les villages de Makana dans un processus d’affaiblissement. Le conflit de génération accentué par des affaires de sorcellerie et l’exode rural viennent enfoncer le clou. Dans la foulée, les deux villages sont frappés par des images d’Epinal, illustrées par des faits invraisemblables : l’affaire de l’avion de Makana ou encore plus récent la fausse rumeur du mariage incestueux de deux jeunes.

Ces différentes « fausses nouvelles » ont causé de grands dégâts, au même titre que la guerre de 1997-2000. Des cas de traumatismes sont visibles parmi les victimes, c’est-à-dire des natifs ou ressortissants de ces villages. La rumeur de l’avion de Makana a traversé les frontières. La presse française qui en a fait son chou gras pensait–elle  aux conséquences sur les habitants des villages Makana ? Et cette fausse affaire de mariage incestueux entre un garçon et sa sœur, fabriquée de toutes pièces par des plaisantins sûrement, et qui demeure suspendue sur des lèvres des incrédules jusqu’à ce jour. Des affaires qui doivent être considérées comme des rumeurs-assassins. Selon les nouveaux responsables des villages Makana, ces images d’Epinal seront effacées pour relancer le développement des Makana 1 et 2. Les deux villages entendent mettre en place des projets de développement dans les domaines très variés du reboisement, de l’agriculture, de la vannerie et d’autres activités génératrices de revenus sous la direction du sous-préfet du district de Goma Tsé-Tsé.

Gastrone Balimba

Légendes et crédits photo : 

Boire du "ntsamba" naturel aux abords des villages Makana

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