Evocation : Mwana Okwèmet, le fétiche et le destin (4)

Vendredi 26 Février 2021 - 11:11

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4-Le révérend père Mallessard

En 1911, Mwana Okwèmet avait entre 7 ou 8 ans. Au fur et à mesure qu’elle prenait de l’âge, la malédiction qui planait sur la maison de Lembo’o semblait s’éloigner. Mwana Okwèmet grandissait sous les augures favorables d’Ambolo le voyant et, le redoutable fétiche sous la protection duquel elle était placée constituait un solide appui pour son avenir.

En octobre, alors que l’année courrait vers sa fin, Bèlet la cité aux mille clameurs n’avait pas fini de digérer sa rencontre avec une humanité venue d’ailleurs. En effet, au mois d’août ou septembre avant que le monde ne s’effondre sous leurs pieds, un Blanc avait foulé le sol de Bèlet. C’était le révérend père Mallessard, un jeune prêtre catholique. Il venait d’un village riverain de l’Alima, Tsambitso rebaptisé Sainte Radegonde. Mgr Prosper Augouard, le St Paul du Congo y avait implanté une maison destinée à gagner les âmes à la cause de Jésus-Christ. L’arrivée du père Mallessard à Bèlet fit sensation. A cette époque, dans la subdivision de l’Alima, nombreux étaient les habitants de la terre ferme qui n’avaient jamais vu un Blanc en chair et en os. Ils avaient entendu parler des négociants blancs qu’ils appelaient Ebamis. La multitude, toutefois, n’en avait qu’une vague idée. A Bèlet où fourmillaient un millier d’habitants, le père Mallessard fut accueilli avec la même allégresse que Christophe Colomb et ses compagnons quelques 400 ans plus tôt sur l’île de Guanahani dans l’océan Atlantique. A Guanahani comme à Bèlet, l’allégresse générale entoura la découverte d’une humanité venue d’ailleurs comme si la probabilité d’une telle rencontre était enfouie dans les gênes des hôtes.

Le père Mallessard demeura une semaine à Bèlet entouré des soins de son puissant hôte, Obambé Mboundjet le père de Mwana Okwèmet. Quand le jour du départ arriva, il reçut de son hôte le plus gras des cabris de son élevage, celui qu’il avait dénommé « Ongori a’mboa » c’est-à-dire le Fardeau du village.

Des années plutard, l’arrivée du père Mallessard à Bèlet fut examinée sous un autre angle au regard de la sanglante tragédie qui bouleversa définitivement la cité aux mille clameurs. En effet, des allégations d’espionnage assombrirent l’impression radieuse que le jeune prêtre avait laissée. On rapporta ses croquis de Bèlet, et la situation exacte de la maison d’Itsou m’Iganda qui aurait servi à ses cruels ennemis. On raconta aussi qu’un jour qu’il visitait l’armurerie d’Obambé Mboundjet, il perdit son flegme à la vue de l’énorme quantité de fusils de son hôte. Quand ce dernier qui l’avait pris pour un collègue négociant lui suggéra l’achat d’autres fusils, Mallessard écarquilla les yeux en s’exclamant « mais, vous avez déjà de quoi tenir en respect tout un bataillon ! » Le jeune prêtre féru d’ethnologie qui consigna dans son calepin que « les Mbochis des Marécages parlaient la même langue que les Kouyous », avait-il été l’honorable correspondant des troupes coloniales lesquelles un ou deux mois après son retour de Bèlet, l’envahirent et tuèrent son chef ?

Une chose était certaine. Après le retour du père Mallessard à Sainte- Radegonde. Le bruit s’était répandu de Boka à Pombo qu’Obambé Mboundjet avait une puissance de feu suffisante pour tenir en échec le ramassis de miliciens qui formait la troupe coloniale. Cette puissance de feu, pensait-on, justifiait son refus de la nouvelle chefferie qu’on lui avait attribuée ainsi que le refus de lever l’impôt par tête d’habitant. (à suivre)

 

 

 

 

 

Ikkia Ondai Akiera

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