Mwana Okwèmet, le fétiche et le destin 5Vendredi 5 Mars 2021 - 12:29 5- Opération terreur L’année 1911 commença d’expirer avec la fin de la saison sèche et le retour des pluies. On était au début du mois d’octobre. Trois années s’étaient écoulées depuis les annonces inattendues de François Guyonnet devant un parterre de personnalités locales. Le long des berges de l’Alima, à Ilanga, territoires marécageux situés de part et d’autre de la rivière, l’ordre colonial s’étoffait de jour en jour. Les chefs de terre nommés par Guyonnet au cours de cette réunion arboraient fièrement leurs écharpes tricolores. Lessombo à Tongo, Ngatsono à Idou’ou et Ondongo m’Ongyèley à Pombo la capitale de la subdivision s’affichaient ostensiblement avec cet insigne. Dès l’entrée en vigueur de la récolte de l’impôt en 1909, les miliciens n’avaient pas hésité de bousculer les récalcitrants habitant les terres placées sous leur autorité. Il en allait tout autrement pour les villages placés sous l’autorité d’Obambé Mboundjè très excentrés de l’Alima. Ici, Guyonnet n’avait atteint aucun objectif. Ayant publiquement refusé d’être le fantoche des étrangers, le chef de Bèlet avait rangé dans le triple fond de sa malle l’insigne français qui lui attribuait un pouvoir sur des terres et des villages où il ne serait regardé que comme un usurpateur et un imposteur. Dans ces terres et villages, on continuait de vivre selon le dispositif de la chefferie territoriale légué par les ancêtres. D’autre part, l’imposition fiscale avait provoqué dans cette partie de la subdivision une sainte indignation dans la population qui fit bloc derrière le prince nga’Atsèssè quand celui-ci donna le change aux Français en décrétant un embargo des produits alimentaires sur Pombo. Au cours de la première semaine du mois d’octobre, des courriers coururent entre le lieutenant-gouverneur à Brazzaville, le lieutenant François Guyonnet à Gamboma et le capitaine André Lados qui avait élevé un fortin en amont de l’Alima à Boka, à quelques kilomètres de l’embouchure de la Pama. Le choix de la violence comme arme fatale de la conquête ne faisait plus mystère. Il s’agissait de donner une leçon de terreur aux Mbochis du groupe d’Obambé Mboundjè. Habitués aux massacres de masse dans leur pays pendant les conflits civils ou bien pendant les conflits frontaliers, les Français n’inventèrent pas la roue en recourant à la peur, l’effroi, la terreur comme expédient contre des pacifiques cultivateurs qui avaient choisi l’option d’ignorer des étrangers qui tentaient de les asservir. Pour le capitaine Lados, et le lieutenant Guyonnet, le contrôle des âmes et la soumission des esprits, objet de leur conquête passaient nécessairement par des actes de terreur de masse. Le 11 octobre 1911, le capitaine André Lados prit la tête d’une expédition punitive en direction de Bèlet. L’équipée comprenait quatre Français plus qu’enragés, des miliciens africains affutés comme des fauves affamés et des porteurs raflés à la hâte dans les villages environnants. Le 12 octobre, tôt le matin, à Essebili, Nianga Asséa fut la première victime sur la rive droite de l’Alima à succomber sous les balles coloniales. Il longeait son village quand il vit le curieux spectacle des fusils placés en faisceaux. Sa pupille s’y délectait lorsqu’on l’étendit raide mort. Sans sommation. Ce meurtre fit scandale. En effet, aucun article de l’éthique et de la morale locales n’autorisait d’infliger la mort à quelqu’un sans raison valable, sauf à être atteint de démence. L’assassinat de Nianga Asséa alerta toute la terre sur la mentalité des étrangers et les intentions bellicistes de la colonne qui se dirigeait vers Bèlet. Dans les villages, on sortit aussitôt les armes. Des volontaires se regroupèrent pour marcher sur Bèlet à l’effet de faire échec à l’agression aux sanglants signes avant-coureurs. Dans la mi-journée du 12 octobre, le capitaine Lados, certains de l’hostilité qu’il rencontrera en cours de route, commença la répétition générale de la terreur à Eytala’a et Okkoo. Ces deux villages, arrière-cour de Bèlet furent subitement saccagés, les bêtes domestiques abattus, les cases incendiées, les habitants mis en fuite dans la brousse. A Okkoo, une dame et un homme furent tués. La dame voulait savoir ce qui se passait lorsqu’elle fut fauchée. Après ce forfait, l’équipée sanguinaire se dirigea immédiatement sur Bèlet situé non loin d’Okkoo. La célérité de l’action du capitaine Lados et la brutalité avec laquelle il avait dispersé de possibles acteurs de la scène suivante de son plan furent décisives au succès de son opération. Apparemment, il disposait d’un plan de Bèlet. En effet, il se cacha dans un bois, tapi, fauve atroce, à l’affût d’Obambé Mboundjè dont la maison était singulièrement surveillée. Le 13 octobre 1911, Bèlet se réveilla enfoui dans un brouillard blanc. La cité aux mille clameurs paraissait agitée. Très tôt, de petits groupes s’étaient formés ça et là et, le visage grave. On commentait les nouvelles venues d’Eytala’a et Okkoo. Bâti sur un petit promontoire, le village donnait une large vue sur la plaine environnante en venant du côté d’Eytala’a. Cette géographie fit largement mise à profit par le capitaine Lados qui berna tragiquement Itsou m’Iganda. En effet du haut du village, on voyait avancer une longue colonne d’individus portant des colis. Cette longue colonne de porteurs était un leurre plus que génial imaginé par Lados et sa bande. Alors qu’il était quasiment dans le village, Lados braqua l’attention des villageois sur une pacifique colonne de forçats et provoqua la confusion dans l’esprit d’Obambé MBoundjè. Echaudés par la tournure des évènements à Eytala’a et Okkoo, ses principaux conseillers s’étaient rendus très tôt à son domicile. Ils venaient avec une requête précise : la fourniture d’armes et munitions qu’il avait en abondance à la population afin de parer à toute éventualité. Les récits des réfugiés venus d’Okkoo et Eytala’a’ étaient terrifiants. Alité depuis quelque jours, Itsou m’Iganda tomba tête baissée dans le leurre de celui qui avait juré sa perte. Le souvenir de la colonne du père Mallessard surchargée de colis ne s’était pas encore éteint dans sa mémoire. Il s’y cramponna, avec l’obstination de ceux qui ont toujours raison :
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