Réinsertion : se relever et aller de l’avant, le leitmotiv de Lucrèce

Vendredi 19 Mars 2021 - 12:22

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Violence, tristesse et abandon ont jalonné le parcours tumultueux de Lucrèce, 21 ans, mère d’un petit garçon de 3 ans qui a décidé après plusieurs années en situation de rue de réagir au lieu de se morfondre. Aujourd’hui recrutée au sein d’ASI en tant que restauratrice, Lucrèce ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Son objectif est de faire le bac après avoir obtenu son BEPC en 2019. Zoom sur une force de la nature qui est prête à tout pardonner pour avancer.

« J’avais des copines qui étaient en situation de rue et toutes avaient une vie difficile. Ces filles travaillaient pour un proxénète qui était en fait le père de mon enfant. C’est grâce à ces filles que j’ai fait la connaissance d’ASI et d’un commun accord, nous sommes venues au centre ou nous avons été bien accueillies », a informé Lucrèce.

« C’est l’attitude de l’animatrice qui m’a poussée à me faire aider, elle ne m’a pas jugée ni fait des remarques désobligeantes. Je me rappelle qu’on avait longuement discuté et cela m’avait vraiment touché et apaisé », a relaté la jeune fille avec une voix enrouée, émue à l’évocation de ce pan d’histoire de son passé.

Un long processus fait de haut et de bas mais qui, au bout du parcours, a porté du fruit. Au lieu de se morfondre et de se plaindre de son passé, la jeune fille a décidé de prendre le taureau par les cornes. « Quand on est habitué à la liberté, il est difficile de se soumettre à certaines règles et à ASI, il y a beaucoup de restrictions », a avancé la fille qui est passée par une période d’observation comme toutes les nouvelles pensionnaires de ce centre.

« J’ai passé six mois en phase d’observation. Ensuite est venue la phase d’accueil, de la stabilisation, de la formation et enfin celle de l’insertion. J’ai dû combattre contre mes vieux démons pour ne pas repartir dans la rue », a fait savoir Lucrèce qui ne voulait pas de cette vie pour son fils.  « Je me suis fait le serment de ne pas faire vivre à mon fils ce que moi j’ai subi. J’ai donc pris la décision de couper les ponts avec mon passé et de réagir », a-t-elle signifié. Sage décision puisqu’à partir de ce moment Lucrèce entrevoit enfin son avenir autrement,  après avoir retrouvé au sein d’ASI une nouvelle famille.

« Je n’ai pas reçu l’amour de mes parents, de mon ancien conjoint, j’avais des problèmes dans mon ancienne demeure, et mon fils était sérieusement malade quand je suis arrivée au centre », a rapporté la jeune fille qui, quelque temps après son adhésion, obtient un hébergement au centre. « L’ambiance et la compagnie des autres filles m’ont revigorée et j’ai décidé de rester car après tout je n’avais plus d’endroit où loger », a noté cette dernière.

Se relever à petits pas  

Dès son intégration, la jeune fille pense de plus en plus à s’autonomiser financièrement. Et quand la phase de la formation arrive, elle penche pour l’hôtellerie au départ mais avec le temps, elle se lance dans la restauration. « Comme je voulais à tout prix avoir un métier, je me suis donnée à fond, et au bout de six mois j’ai eu mon diplôme. Grâce à mes formateurs, j’ai bénéficié de stages (exercices pratiques) chez des services traiteurs », a  expliqué Lucrèce le sourire aux lèvres.

Aujourd’hui, recrutée au même titre que les autres membres d’ASI, Lucrèce jouit de son salaire avec sagesse. « Grâce à ce salaire, je loue une maison, paye mes cours du soir et je paye les frais scolaires de mon fils»,  a révéleé la jeune fille qui grâce à ce revenu a décidé de repartir à l’école. « Il  y a deux ans je suis répartie à l’école sous les moqueries des autres, beaucoup disaient que je perdais mon temps vu que le matin je travaillais, et le soir j’étais aux cours. Mais, avec détermination, j’ai refait et obtenu mon BEPC en 2019 », a fait savoir Lucrèce qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin car son objectif  est d’obtenir son bac.

Le cas de Lucrèce est malheureusement encore peu fréquent car beaucoup de filles repartent dans la rue comme l’a indiqué Mme Gertrude, animatrice à l’ASI. « La rue est dévastatrice, habituées à la liberté, à l’argent facile, certaines filles n'arrivent pas à s’adapter à nos recommandations, elles repartent dans la rue », a-t-elle dit. C’est pourquoi, consciente de l’opportunité qui lui a été offerte, Lucrèce invite les jeunes filles vulnérables à se battre et à profiter des occasions qui leur sont offertes afin de changer de vie. « Si j’avais fait comme mes copines, je ne serais certainement pas ici aujourd’hui, car on était au nombre de cinq et je suis restée seule, les autres sont reparties dans les sites », a-t-elle déclaré.

Une réussite qu’elle savoure certes, mais où les fantômes du passé refont quelquefois surface.  « Même si j’ai été abandonnée par mon père, mais je suis sûre d’une chose qu’il entendra un jour parler de moi via ma réussite. Ça sera une belle revanche sur ce que j’ai dû endurer. Donc, je dois impérativement réussir  », a conclu Lucrèce retenant difficilement ses larmes.

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Photo: Lucrèce posant lors de l'interview

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