Evocation : Mwana Okwèmet, le fétiche et le destin (9)Vendredi 2 Avril 2021 - 12:38 9- La parabole de la grenouille et les sept serpents Mwakoumba sortit de la case. Les idées se bousculaient dans sa tête. Elle balaya d’un regard la cour du village rectangulaire, cernée de cases couvertes de chaume aux murs faits de bambous et de raphias. Au centre de cette cour trônaient trois grands palmiers aux branches encombrées de nids d’oiseaux dont les cris, le soir, saluaient la tombée de la nuit, et, participaient à la féerie du village en rendant vivant son environnement. Elle avait pris une option et souhaitait rapidement retrouver Mwana Okwèmet et ses enfants dont le premier, un garçon, surnommé E’Ngoussou, l’ouragan, était âgé de 12 ans. N’ayant vu personne, elle se mit à appeler à tout hasard, puis se dirigea derrière la case où le groupe des comploteurs continuait de siéger. Sa mère l’interpella par son prénom qui était, selon la tradition, le nom du jour du marché forain correspondant au jour de sa naissance :
Nyaka ajouta, en précisant :
Mwakoumba donna, à sa manière, le change à la bande des conspirateurs : comme si elle n’était pas au parfum de la conspiration, elle ne laissa transpirer aucun signe émotionnel et se montra le plus naturel du monde. Elle s’aligna même sur la réponse de Nyaka qui, quelque part, s’emboîtait dans l’option qu’elle avait retenue :
Elle parlait en dévisageant les trois inconnus qui entouraient ses parentes. Elle identifia grâce aux timbres de leurs voix, Olomi a’Ngongo et son suivant. Nyaka qui n’était jamais à court d’idées saisit au bond les paroles de sa nièce :
Tandis que les dames échangeaient, les enfants avaient accouru à l’appel de Mwakoumba et l’avaient rejoint dans la petite cour ombragée par un safoutier, à l’arrière de la case. Imperceptiblement, Adoua Mwakoumba mesura le côté malsain du regard des conspirateurs quand leurs yeux se braquèrent sur la petite Mwana Okwèmet. Cela lui rappela la parabole de la grenouille et les sept serpents. Il était une fois, une grenouille qui coassait. Attiré par le son émis par sa proie, un serpent s’en approcha, braqua ses yeux sur la grenouille et se mit à aiguiser sa langue fourchue. La grenouille continuait de coasser. Un deuxième serpent, puis un troisième, un quatrième, un cinquième et un sixième accoururent. Tous les sept serpents se braquèrent sur la petite grenouille, chacun d’eux espérant garder pour lui seul la proie. Pauvre petite grenouille, d’où te viendra le salut ? En cette circonstance, le salut fut inattendu. Car, Djakomba, le Dieu du salut, sema la confusion parmi les langues fourchues qui se mordirent entre elles, chacune espérant garder, seule, la proie. Sept serpents braqués sur une grenouille, ce fut la douloureuse impression qu’éprouva Adoua Mwakoumba à la vue des regards des cinq comploteurs braqués sur Mwana Okwèmet. Le fétiche Okwèmet veillait sur l’enfant de Lembo’o. Dès qu’elle fut mise au courant du complot, Mwakoumba s’était jurée de ramener la petite orpheline à sa mère. Sa sœur Apila, certes, était dans le pétrin, néanmoins, la solution qui consistait à commettre un mal pour réparer un autre mal était loin d’emporter son suffrage. Elle espérait délivrer sa sœur avec l’arrivée annoncée de son mari Ngadoua Oley, surnommé l’épervier de Bèlet qui rejoignait le reste de la famille à Eygnami. En voulant sauver Mwana Okwèmet des chaînes du déracinement qui la menaçait, Mwakoumba ne le faisait nullement pour payer une dette morale à l’endroit de sa belle-famille de Bèlet. Elle agissait par principe. En effet, elle avait été horrifiée et traumatisée dans son enfance par un complot ourdi contre la liberté de Mwelenga, l’une de ses cousines paternelles, sa camarade de jeux avec laquelle elle grandissait. Le coupable de cette forfaiture qui fit assaut d’hypocrisie n’était autre que Ngakala Obera, l’oncle maternel de Mwelenga. Un jour, il entra dans le village avec des grands cris, se jeta par terre et prétendit que sa nièce avait été dévorée par un léopard. Personne ne crut à cette farce, mais personne ne bougea non plus, y compris le propre père de la malheureuse Mwelenga parce que la tradition disposait que l’enfant appartenait à sa branche maternelle sur laquelle les mâles régnaient en maîtres. Tout le monde savait que Ngakala avait vendu Mwelenga. Mais, personne n’osa dénoncer cela. Horrifiée, Mwakoumba grandit dans la peur de subir le même sort. Malgré les menaces de mort que son père, Elion Mbossa, fit peser sur les membres de sa famille maternelle, pour éviter que l’un d’eux, n’entreprenne quelque aventure contre ses enfants, la peur ne la quitta que lorsqu’on la maria, à l’âge de 12 ans. Dans le cas de Mwana Okwwèmet, Tsama amba Dimi et sa belle-sœur, Nyaka, entendaient très certainement la revêtir d’un manteau d’hypocrisie pour qu’elle se jeta un jour, en pleurs, aux pieds de Lembo’o et, ainsi justifie la disparition de l’enfant par l’attaque d’un fauve. Elle vivait dans une société où le trop-plein d’hypocrisie n’était plus une maladie dont on pouvait guérir, mais plutôt une malédiction qui défiait tous les exorcistes de la terre. (à suivre)
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