Interview. Jennifer Mank : « Quand les toilettes sont mal entretenues, notre santé et notre environnement en pâtissent »

Jeudi 27 Mai 2021 - 19:54

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Passionnée de photographie, Jennifer Mank est une artiste qui ne rentre pas dans un moule. Son dernier travail sur les toilettes publiques pose la question du bien-être et de celle de l’environnement. Vous l’aurez compris, Jennifer ne fait pas dans les strass et paillettes. Haute comme trois pommes, toujours en jean et basket, a la répartie facile, l’artiste nous parle de son travail, sa passion et ses aspirations.

Les Dépêches du Bassin du Congo(LDBC) : Sur quoi vous travaillez et quels sont les sujets que vous abordez le plus ?

 Jennifer Mank(JM) : Je n’ai pas de sujet de prédilection, je travaille sur toutes les thématiques. Mais pour le moment, je travaille sur les toilettes publiques, un sujet à priori banal mais qui a tout pleinement un sens quand on sait que c’est un lieu qu’on passe quotidiennement du temps et qu’elles devraient être à priori propres. C’était une expérience pas très agréable, entre urine et excréments qui tapissent le sol, les mouches qui défilent, odeurs qui remontent on est bien servi. Le but ce n’était pas seulement de photographier ces lieux mais de faire prendre conscience que plus ces endroits étaient mal entretenus, c’est notre santé et notre environnement que nous mettions en danger.

LDBC : Peu de femmes exercent ce métier au Congo, est ce que vous vous sentez marginalisée par rapport aux hommes ?

JM : Marginalisée, je ne peux pas l’affirmer, mais c’est à chacune de s’affirmer, de se faire faire un nom par rapport à son travail, mais ce qui est vrai ce n’est pas facile de se faire une place parmi les hommes, car il y a ce côté un peu macho, mais on essaye de tenir le coup.

LDBC : Aujourd’hui, avec la nouvelle génération, est-ce que les femmes intègrent de plus en plus les rangs de la photographie ?

JM : Ce n’est pas une grande explosion non plus, mais il y a de plus en plus de jeunes femmes qui s’intéressent à la photographie, mais il faut avoir un mental fort. En ce qui me concerne, j’ai dû tenir tête à ma mère, fille aînée de ma famille, elle me répétait que ce n’était pas un métier stable.  Le seul qui m’a soutenue, c’est mon père. Mais quand j’ai commencé à bénéficier de certains contrats, voyages et ateliers, c’est à ce moment que ma mère a compris que la photographie était bel et bien un travail comme les autres. Je suis convaincue que celles qui sont là aujourd’hui, (plus nombreuses qu’hier) ont dû faire fi de certaines critiques, reproches, commentaires, découragements… C’est pour cela qu’elles ne cèdent et se battent bec et ongles pour aller de l’avant.

LDBC : Vous êtes passée par le théâtre, le chant classique, mais qu’est-ce qui vous a incitée à vous consacrer totalement à la photographie ?

JM : Dans les sociétés comme les nôtres, on a des constructions, et je viens en quelque sorte déconstruire tous ces préconçus. Généralement, on a tendance à dénigrer le photographe, surtout une femme photographe. Certains pensent qu’on a échoué quelque part et qu’on s’accroche à la photographie non pas de façon professionnelle mais comme juste une passion qui nous passerait. En ce qui me concerne, ça n’arrivera pas car je suis une vraie passionnée et je suis amoureuse de ce que je fais. C’est une discipline qui me parle parce qu’elle me pousse tous les jours à me positionner par un thème donné.

LDBC : Un sujet que nous n’avons pas évoqué et qui vous tient à cœur ?

JM : Je fais appel aux autorités du ministère de la Culture. Il n’y a pas que la musique et le théâtre, il y a aussi d’autres arts qui existent, entre autres la photographie, qui a besoin d’être renforcée par des formations et du matériel, plus particulièrement la photographie au féminin.

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Jennifer Mank

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