Mali : Bamako redoute de partager le sort de Kaboul après le retrait des troupes françaises

Lundi 30 Août 2021 - 19:33

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Dans la capitale malienne comme partout ailleurs, les gens craignent que les événements d’Afghanistan ne puissent se reproduire dans leur pays, après le désengagement de l’opération Barkhane. Des appréhensions qui ne peuvent pas prendre fin maintenant tant l’horizon sécuritaire et politique demeure sombre un an après le coup d’Etat ayant porté les militaires au pouvoir.

Le ministère français des Armées devrait maintenir à terme entre 2500 à 3000 hommes au Sahel, contre 5100 engagés aujourd’hui sur place. Dans cette même optique, Paris prévoit de fermer d’ici le début de 2022 les bases de Kidal, Tessalit et Tombouctou, dans le nord du Mali, après plus de huit ans d’engagement. Une diminution qui fait craindre que certaines zones ne passent complètement aux mains des djihadistes, tant les Etats du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) semblent dans l’incapacité de restaurer leur autorité dans la région. Des frayeurs justifiées du fait qu’en 2013, les soldats français avaient enrayé la progression des insurgés, qui contrôlaient le nord du Mali et progressaient vers le centre, faisant craindre la prise de Bamako.

De nombreux Maliens avouent que les événements d’Afghanistan éveillent le spectre d’une chute de leur capitale. « Chaque année la situation se dégrade et sans la présence de l’armée française, une ville comme Gao peut tomber en moins de 30 minutes... Ce n’est que grâce au dispositif sécuritaire des partenaires (principalement les forces françaises et de l’ONU, ndlr) que les grandes villes du Nord sont toujours sous contrôle de l’État », commente Mohamed Dicko, étudiant à la faculté de médecine de Bamako.

Pour Baba Dakono, analyste politique basé dans la capitale malienne, « une psychose générale s’installe certes dans la région, mais les contextes sahélien et afghan sont très différents ». « Une leçon est commune toutefois : malgré la puissance de feu déployée, le tout militaire ne peut pas être la solution. Il faut ouvrir des discussions, par le bas, avec toutes les communautés, y compris les parias des groupes armés », ajoute-t-il.

Le pays ne sortira pas de la tourmente sans solution politique

Au sujet de la pacification du Mali, le gouvernement et ses partenaires conviennent de longue date que le pays ne sortira pas de la tourmente sans solution politique, qu’elle implique ou non des discussions avec les djihadistes, auxquelles les militaires au pouvoir sont ouverts et la France opposée. Mais compte tenu de l’insécurité qui continue de s’étendre, de la crise sociale persistante et de lentes avancées politiques un an après le putsch qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 à la suite de plusieurs mois de manifestations contre la corruption et l’impuissance de l’Etat face à la violence, plus personne ne croit aux promesses de stabilité faites par les militaires au pouvoir.

Le récent retrait de 600 soldats sur les 1200 déployés dans le cadre de la force régionale, intervenu au moment où les djihadistes multiplient des attaques dans la zone dite des « trois frontières », fait tout aussi craindre que toutes les armées des pays concernés soient pénalisées.

Evoquant la situation au Mali en particulier et au Sahel en général, Moussa Tchangari, une figure de la société civile au Niger, souhaite que de nouvelles mesures soient prises pour chasser les djihadistes de la région. « La guerre en cours ne peut pas être gagnée avec les mêmes armées étrangères qui ne l’ont pas gagnée en Afghanistan, mais aussi, avec le même type de dirigeants corrompus », affirme-t-il. « Cette guerre, si elle doit être gagnée, ne le sera qu’avec la construction d’un nouveau contrat politique et social restituant au peuple sa souveraineté et créant les conditions d’une vie digne pour les millions de personnes qui en sont aujourd’hui privées », insiste l’analyste.

Pour l’heure, on sait que le nouvel homme fort, le colonel Assimi Goïta, s’est engagé à céder la place à des civils, après des élections prévues en février 2022, une échéance qui paraît de plus en plus difficilement tenable. En mai 2021, Assimi Goïta avait écarté les autorités intérimaires que les militaires avaient eux-mêmes mises en place, et s’est imposé en juin comme président de la transition.

Nestor N'Gampoula

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