Lire ou relire : « La vie et demie » de Sony Labou Tansi

Jeudi 16 Septembre 2021 - 20:35

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Construit comme un véritable triller politique, le roman, paru aux éditions Seuil, en 1979, dénonce la politique répressive, la corruption, le despotisme, la tyrannie qui caractérisent les systèmes dits démocratiques des pays africains.

Devenu un véritable classique francophone, le livre plonge les lecteurs dans un monde bizarre et barbare, dont la violence et l’oppression sont les modes d’expression des tyrans « Guides providentiels ». Par l’audace de son écriture narrative et dérangeante, Sony Labou Tansi étale les méfaits des pouvoirs africains issus des indépendances. Aussi, par des successions d’images caricaturales et insoutenable, privilégiant le visuel et l’esthétique, l’auteur met en exergue les orgies sexuelles, exécutions sommaires, supplices, banquets carnavalesques que font preuve les pouvoirs africains. Pour raconter les hypocrisies de ces pouvoirs, il privilégie le ludique, le parodique, arrachant la fiction africaine à son encrage, pour l’inscrire fermement dans le réalisme critique.

La scène s’ouvre par un chaos et se termine par l’apocalypse. Le chef de l’Etat ‘’ Guide providentiel’’ organise un banquet pour fêter sa victoire sur Martial, chef de l’opposition, dont la mise à mort barbare se passe sous les yeux de sa femme et de ses enfants. Ces derniers sont contraints par le guide providentiel, au cours du banquet, de manger le corps de leur parent, réduit littéralement en chaire à pâté. Les faits se sont produits à « Katamalanasie », un pays imaginaire de l’Afrique, sur lequel règnent de génération en génération les ‘’ Guides providentiels’’ et dont les méfaits se reproduisent à l’identique en une sorte de cercle vicieux, infernal et répétitif. Victime principale de la terreur que fait régner cette dynastie des dictateurs sanguinaires à la tête de son pays, la population est épuisée et désespérée. 

L’espoir va renaître avec le retour du spectre du défunt Martial, devenu hanté pour le guide providentiel. Dans ‘’ La vie et demie’’, le réel côtoie le fantastique, les morts ne meurent jamais. Le fantôme de l’opposant assassiné imprime sur le visage du tyran ‘’Guide providentiel’’ une marque noire, le condamnant à l’impuissance et à la folie, par contre, la fille de Martial prend alors la tête de la rébellion contre la dictature. Habitée par l’esprit de son père, Chaïdana va se venger des méfaits du régime, éliminant ainsi au cours des ébats amoureux, les membres les plus influents de la dictature « katamalanasiènne ». Devenue une véritable machine à tuer, elle conduit son peuple à travers sa lointaine descente vers la victoire finale.

En effet, « La vie et demie » ne raconte pas une belle histoire d’amour, mais les névroses dans une société bloquée, dénonçant les dysfonctionnements des pays africains par les dictateurs et les guerres civiles. Si la dénonciation des régimes tyranniques n’est pas chose nouvelle à la fin des années 1970, Sony Labou Tansi apporte à sa diatribe une virulente jusqu’alors inédite sous cette forme. Il situe son action au cœur d’un imaginaire délirant qui pimente son récit d’une riche invention sémantique et syntaxique.

« La vie et demie » est devenu un roman charnier dans l’histoire de la littérature africaine et son auteur, un auteur phare dont les œuvres continuent d’influencer les romanciers et dramaturges. Révélé dans les années 1970, grâce au concours de théâtre organisé par la Radio France internationale, son théâtre prolifique et profondément subversif jouit d’une audience internationale.

Cissé Dimi

Légendes et crédits photo : 

La couverture du livre

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